J’ai reçu récemment la lettre d’une femme qui était tourmentée par la souffrance et les tribulations dont elle avait été témoin dans son cercle familial et ses amis : un jeune enfant malade de la leucémie, un oncle tué dans un accident de voiture, une jeune maman mourant du cancer et laissant une grande famille derrière elle. Elle écrivait que tous ces événements tragiques la rendaient encore plus sensible à sa propre mortalité. Elle redoutait la mort et était hantée par l’idée qu’après sa mort, son mari se remarierait rapidement et ses enfants l’oublieraient. Elle concédait que sa propre conscience coupable pourrait être à la source de son problème, car les premières années de son mariage avaient été houleuses, et bien que la relation avec son mari se fût stabilisée, le passé la hantait comme une ombre sinistre. Elle relatait qu’elle ne trouvait plus la force ou l’envie de prier. Elle avait le sentiment que Hachem la regardait avec un œil critique, et même dédaigneux, et n’accepterait pas ses prières.
Voici ma réponse :
"Chère amie,
A première vue, deux aspects se dégagent des dilemmes qui vous troublent : 1) la souffrance, la maladie et la mort des autres et 2) votre propre angoisse. Je vais tenter de traiter chacun de ces soucis. Sans l’ombre d’un doute, nous vivons des terribles crises : le terrorisme mondial et les tragédies personnelles touchent un grand nombre d’entre nous. Comment comprendre tout cela ? Comment réagir à de telles catastrophes ?
Notre Torah, ainsi que la langue sainte dans laquelle elle a été écrite, nous offre quelques idées.
En hébreu, le terme désignant la crise est « Machber », qui dans le langage de la Torah, signifie également « pierre d’accouchement », nous enseignant que les crises peuvent être également une occasion de renaissance, une nouvelle vie. Ce concept est particulièrement pertinent pour notre génération, car nous sommes la génération qui vit la période des ‘Hévlé Machia’h, les douleurs de l’enfantement du Messie, et ces douleurs de l’enfantement peuvent être très douloureuses, en particulier lorsque les contractions sont fortes et rapides. Toute maman sait toutefois que chaque personne vivant cette expérience est capable d’accepter cette douleur, car elle sait qu’elle est sur le point de tenir une nouvelle vie entre ses mains - et tout ceci en vaut la peine. En réalité, à Ticha Béav, le jour le plus tragique du calendrier juif, lorsque nous pleurons la destruction de Jérusalem et de notre saint Temple, c’est exactement ce concept que nous exprimons dans nos Kinot, les Lamentations : « Eli Tsion… Pleurez pour Tsion et ses villes, comme vous priez pour une femme qui accouche. » Alors, plutôt que de laisser ces tragédies saper votre espoir et briser votre cœur, elles doivent vous pousser à renforcer encore davantage votre ferveur et votre service divin, car c’est le seul moyen de réagir à la souffrance, de neutraliser l’ange de la mort, et de hâter notre Délivrance, la venue du Machia’h.
Oui, il est très douloureux de voir des gens bons, des êtres proches, succomber à des maladies en phase terminale ou être victimes d’accidents mortels, mais c’est encore plus douloureux de voir ceux qui ont la vie et la santé gaspiller leur énergie en pitié de soi, dépression et désespoir - et je crains que telle est votre attitude. Précisément parce que vous avez aimé ceux qui ne sont plus présents dans ce monde, vous devez vous renforcer dans la Torah et les Mitsvot afin que leurs âmes puissent s’élever. Au lieu de vous lamenter sur votre sort et baisser les bras en vain, saisissez le moment et intensifiez vos actes de ‘Hessed, de Tsédaka, de prière et d’étude de la Torah.
Vous dites que vous avez du mal à prier, mais c’est le Satan, le Yétser Hara' (mauvais penchant), qui vous joue des tours, en vous convainquant que vous n’avez pas de mérite. Sachez que le cadeau le plus précieux que vous pouvez offrir à D.ieu est un cœur contrit et brisé. Les portes du repentir sont toujours ouvertes pour ceux qui souhaitent y entrer. La prière est également notre outil le plus puissant. Par son biais, vous pouvez en réalité modifier votre destin. Alors pourquoi tâtonner dans l’obscurité lorsque vous pouvez baigner dans la lumière sacrée de D.ieu ?
Dans la Paracha Toledot, notre patriarche Avraham meurt. Il laisse deux petits-fils, les jumeaux Essav et Ya'acov, qui bien qu’ayant grandi dans le même foyer, dans le même environnement, se trouvaient à des mondes de différence. Pour Ya'acov, la mort d’Avraham signifie qu’il doit se renforcer dans son engagement envers Hachem. En effet, se dit-il, si un homme aussi saint qu’Avraham est rappelé en Haut pour rendre des comptes sur sa vie, combien, lui Ya'acov, doit-il se préparer à une telle éventualité.
Essav, d’un autre côté, a exploité cette même expérience comme une logique justifiant le meurtre, la luxure, la promiscuité sexuelle, le culte des idoles, en tenant le raisonnement suivant : si un homme aussi saint qu’Avraham est mort, alors à quoi bon ? Quel est le sens de la vie ? Autant se faire plaisir et vivre une vie d’abandon. Vous voyez que la même situation exactement peut apporter deux vues diamétralement opposées. Le choix, mon amie, est entre vos mains.
Quant à votre préoccupation pour la mort, il s’agit également d’un déni de nos enseignements de la Torah. Il est vrai que nos Sages nous recommandent d’aborder chaque jour comme s’il s’agissait du dernier, mais leur but n’était pas que nous nous concentrions de manière morbide sur la mort, mais plutôt sur le cadeau précieux de la vie, de chaque instant, et l’exploiter au maximum. Etre obsédée par des questions hypothétiques telles que : « Mon mari se souviendra-t-il de moi si je meurs ? » ou « Se remariera-t-il tout de suite ? » « Mes enfants se souviendront-ils de moi, ou s’attacheront-ils à leur nouvelle mère et m’oublieront ? » est un exercice futile.
Premièrement, vous ne savez pas qui sera le premier à quitter ce monde - c’est du domaine du Tout-puissant. Deuxièmement, si, que D.ieu préserve, votre mari devenait veuf, il voudrait bien sûr se remarier, car « il n’est pas bon qu’un homme soit seul. » Je pourrais ajouter que, d’après mon expérience, j’ai remarqué que les maris devenus des veufs, et qui avaient eu de bons mariages, se remarient rapidement dans l’espoir de retrouver le bonheur qu’ils avaient eu, donc s’il se remariait, ce serait un hommage à vous. Quant à vos enfants, si vous êtes une mère dévouée, vous aimeriez une femme gentille et affectueuse pour s’en occuper. Vous voyez que toutes ces pensées qui vous obsèdent sont non seulement futiles et nuisibles, mais elles sont également injurieuses et indiquent un manque d’Emouna (foi en D.ieu).
Quant au second aspect de votre problème : les torts, les fautes que vous avez commises…la vie est pleine d’erreurs. Nous en commettons tous. Le roi Chlomo, le plus sage de tous les hommes, nous a enseigné comment traiter nos échecs : « L’homme vertueux tombe sept fois et se relève » : un individu devient vertueux lorsqu’il rassemble la force pour se relever après avoir chuté. Vous avez chuté… vous avez commis de terribles erreurs, mais plutôt que de vous tourmenter, relevez-vous, purifiez-vous, recommencez tout à zéro, même si vous devez le faire sept fois…autant de jours que comporte la semaine, qu’il en soit ainsi.
Remémorez l’enseignement de la Torah au sujet de l’épouse de Loth. En dépit de l’avertissement des anges, elle regarda en arrière et en conséquence, fut transformée en statue de sel. Allégoriquement parlant, si vous vivez dans le passé, vous devenez atrophié, vous ne pouvez avancer. « Ce qui est du passé, est du passé » nous enseignent nos Sages. Vous devez tirer les leçons du passé, mais en même temps, ne pas en être paralysée. En réalité, le terme même de faute, 'Avéra, vient du terme « 'Avar », le passé. Passez à autre chose, car c’est le seul moyen de vous assurer un meilleur présent et avenir.
Si vous voulez vivre une vie chargée de sens, si vous voulez que vos enfants se souviennent de vous avec amour et respect, alors ne portez pas les fautes d’hier avec vous aujourd’hui. Retenez que D.ieu recrée le monde chaque jour, et si vous le souhaitez, Il peut vous recréer également."