Chère Rabbanite Jungreis,
Mon problème tourne autour de mon fils de huit ans. Il est incorrigible, sème le chaos dans notre foyer, et bien qu’il soit mignon, il fait constamment des problèmes. Il m’exaspère en permanence et en dépit de tous mes efforts, je n’arrive pas à l’atteindre. Il provoque sans arrêt des disputes avec ses frères et sœurs (il est un enfant du milieu, avec deux enfants plus grands et deux plus petits). Lorsque je le réprimande, il trouve toujours à répondre. En bref, il ne me laisse aucun répit.
Certains ont suggéré que la raison pour laquelle il se conduit si mal tient probablement à sa position d’enfant du milieu : il ne reçoit pas suffisamment d’amour et d’attention, et c’est sa manière de le manifester. Mais j’ai tenté de lui donner de l’attention, sans succès. A chaque fois que je perds patience avec lui, je me sens coupable. Ces termes ne cessent de résonner dans mon esprit : « C’est un enfant du milieu : il ne se sent pas aimé et négligé. » Mais si je détourne le regard, le chaos total s’ensuit. Rabbanite, que dois-je faire ? Comment puis-je introduire une discipline sans aggraver la situation ? J’ajouterais qu’à l’école, il fait aussi des problèmes : ses enseignants et Rabbanim se plaignent de lui constamment. Il monopolise notre foyer au point qu’il a réellement détruit notre Chalom Bayit (entente conjugale). Quelle erreur ai-je faite ? Comment en suis-je arrivée à cette situation ? Je me sens tellement incompétente dans mon rôle de parent.
Chère amie,
Pour commencer, ne soyez pas trop dure avec vous-même. Les problèmes que vous vivez avec votre fils ne sont pas nécessairement un reflet de votre manque d’aptitudes dans votre rôle de parent. Les plus grandes figures de notre peuple ont vécu un sentiment de frustration dans l’éducation de leurs enfants. Pouvait-il y avoir de parents plus parfaits qu’Its’hak et Rivka ? Et pourtant, ils ont eu Essav. Et le contraire est également vrai. Pouvait-il y avoir un père plus mesquin que Lavan ? Or, il a eu des filles comme Ra’hel et Léa. Notre histoire abonde de tels exemples. Je ne veux pas dire qu’en tant que parents, nous sommes dispensés de faire une Hichtadlout (faire tout notre possible). Au contraire, nous ne devons jamais abandonner lorsqu’il s’agit de nos enfants, il faut nous évertuer à les élever pour qu’ils atteignent leur véritable potentiel. Au final, il nous faut admettre que tout est entre les mains de Hachem et en définitive, nous devons adresser une prière à D.ieu, car seul Lui peut nous aider à avoir du Na’hat (satisfaction juive).
Selon la Torah, il faut éduquer nos enfants avec amour. Mais l’amour ne connote pas une absence de discipline. Au contraire, si elle est exprimée correctement, une discipline effective peut communiquer la plus haute forme d’amour. Elle peut envoyer un message qui indiquera clairement à votre enfant que c’est précisément en raison de votre amour pour lui, de votre préoccupation pour lui que vous le réprimandez, et si nécessaire, le punissez.
L’amour doit enseigner la responsabilité, les valeurs éternelles et la distinction entre le bien et le mal. Seul un tel amour peut aider un enfant à mûrir et à devenir un adulte respectable. Tout le reste peut dégénérer en abus. Nous voyons par exemple qu’Avchalom, fils du roi David, s’est corrompu et a fini par se révolter contre son propre père, car David s’était abstenu de le sanctionner.
Les enfants ont besoin d’une main ferme, de parents qui ne craignent pas d’instituer des limites. Le roi Chlomo nous a enseigné ce principe : « Celui qui épargne le bâton hait son enfant » (Proverbes). Le bâton dont il est question ici n’en est pas forcément un au sens propre, mais il désigne plutôt l’instruction et la discipline. Les parents qui manquent de communiquer de tels enseignements privent leurs enfants de l’occasion de devenir plus tard des membres actifs de la société.
Il faut initier les enfants à être généreux et compatissants. Leur caractère doit être façonné et formé, car leur inclination naturelle tend vers l’égoïsme et l’égocentrisme. Par exemple, lorsque mes propres enfants étaient petits et que ma mère, la Rabbanite Miriam Jungreis, nous rendait visite (ce qu’elle faisait au moins une fois par semaine), j’enseignais à mes enfants à préparer des cadeaux pour leur mamie (des projets artistiques, des biscuits, etc.) pour éviter qu’ils ne lui demandent : « Que nous as-tu apporté ? », ils l’accueillaient avec un cadeau, apprenant leur première leçon d’amour : l’amour, c’est le don. Il pourrait être très bénéfique d’inclure votre fils dans un projet de ‘Hessed. Amenez-le avec vous en visite dans une maison de retraite, chargez-le de la responsabilité d’accueillir les invités et de leur offrir à boire et à manger, etc. Malheureusement, dans notre société centrée sur le plaisir, les enfants sont encouragés à être égoïstes, à ne se préoccuper que de leurs propres besoins et à ignorer les problèmes des autres.
Même si vous aimez beaucoup votre enfant, il est possible que vous ne lui communiquiez pas cet amour. Le fait même que vous sentiez qu’il est « incorrigible, impossible et une source d’ennuis » lui donne peut-être le sentiment d’être indésirable et non aimé. Même si vous n’avez jamais exprimé ces sentiments devant lui, il peut les ressentir.
A chaque fois que mon propre père, Rav Avraham Jungreis, nous corrigeait, il préfaçait toujours sa remontrance par ces termes : lichtige kinderlach - mes précieuses lumières, et cela faisait un monde de différence, car peu importe ce que nous avions fait, nous étions toujours assurés de son amour.
Je réalise bien entendu, qu’avec cinq jeunes enfants, vous avez certainement beaucoup de pressions, et arriver jusqu’au bout de la journée est suffisamment difficile. Vous devez néanmoins tenter d’analyser honnêtement votre situation familiale, car au final, seule vous-même êtes en mesure de l’améliorer. Demandez-vous à quelle fréquence vous embrassez et prenez dans les bras ce petit. A quelle fréquence l’appelez-vous par un surnom affectueux ? A quelle fréquence lui lisez-vous une histoire au coucher ?
De telles expressions spontanées d’amour nourrissent son âme et lui assurent une place sûre dans la structure familiale. Et surtout, elles lui enseignent à acquérir une attention positive sans avoir besoin d’avoir recours au défi et à une conduite destructrice. La discipline que vous appliquez dans votre foyer doit s’appuyer sur les enseignements de la Torah. On nous recommande « d’enseigner à l’enfant selon sa voie.. » L’accent est porté sur « sa voie », à savoir que chaque parent doit déterminer les besoins particuliers de son fils et réagir en fonction de ceux-ci.
Il va de soi que tous les enfants n’ont pas besoin du même type de discipline. Pour certains, un regard est suffisant, alors que d’autres ont besoin d’un environnement très structuré et d’une application rigoureuse des règles. Quel que soit le cas, il est impératif d’appliquer ces enseignements dans un cadre positif, afin que l’enfant sente toujours que ce n’est pas lui qui est rejeté, mais plutôt ses actions (comme notre ancêtre Yaakov nous l’a enseigné lorsqu’il a discipliné ses enfants.) Pour vous offrir une ligne de conduite pratique, je vous propose une liste de conseils reposant sur les enseignements de nos Sages :
Ne disciplinez pas sous le coup de la colère, car vous direz et ferez des choses qui blesseront votre enfant et finiront par avoir l’effet inverse.
Réprimandez lorsque vous avez le contrôle de vous-même et pouvez expliquer calmement pourquoi vous vous opposez à sa conduite.
Ne vous exprimez pas dans un langage injurieux, car si vous dites à votre enfant qu’il ne vaut rien, ces termes pourraient devenir une prédiction qui se réalise.
Assurez-le que vous avez la plus grande confiance en lui et que s’il le désire, il peut atteindre tous ses objectifs. Il sentira en conséquence qu’il a un but à viser, plutôt qu’être étiqueté comme cet « enfant impossible. »
Ne faites pas honte à votre enfant en vous plaignant de lui en public ou dans un rayon où il peut entendre.
Ne lancez pas un regard dégoûté à votre enfant, ne lui parlez pas sur un ton sarcastique (les enfants sont sensibles et lisent les expressions de visage, ainsi que les inflexions de voix.)
Ne limitez pas votre interaction à des situations disciplinaires (il pourrait croire que les seuls moments où vous faites attention à lui est lorsqu’il se conduit mal.)
Prenez quelques minutes chaque jour pour lui donner une attention positive : lisez-lui une histoire, mangez une glace ensemble, permettez-le de vous aider à faire un beau gâteau, lisez-lui une histoire au coucher et asseyez-vous sur son lit lorsqu’il récite le Chéma.
Prenez-le par les épaules et expliquez-lui calmement son erreur.
N’ayez pas trop fréquemment recours aux châtiments corporels.
Retenez cet enseignement de nos Sages : « Lorsque vous frappez un enfant, ne le frappez pas avec un objet plus fort qu’un lacet de chaussure. » En d’autres termes, veillez à ne pas le blesser, car votre but n’est pas d’infliger une douleur physique, mais de lui faire prendre conscience combien il est douloureux, pour vous, son parent, d’avoir recours à un acte aussi horrible qu’une sanction corporelle.
Enfin, notre Torah nous enseigne qu’avec la main gauche, nous devons punir (repousser) et avec la main droite, nous devons rapprocher ; à savoir, lorsque nous réprimandons un enfant, nous devons le faire avec notre main plus faible (la gauche) et lui assurer que ce n’est pas à lui que nous nous opposons, mais à ses actions.
Ainsi, avec la main droite (la plus forte) nous le construisons, exprimons notre confiance en lui, lui assurant constamment de notre amour et du fait qu’il est une bénédiction pour la famille et pour le 'Am Israël.