Dans mon dernier article, j’ai évoqué l’urgence du changement. Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont d’un genre nouveau. Mais nous restons engourdis. Roch Hachana approche, nous enjoignant à nous débarrasser de la poussière et à porter nos majestueux vêtements de prêtrise. Mais nous sommes convaincus que nous en sommes incapables, et le Chofar vient nous rappeler que oui, nous le pouvons - nous en avons la capacité, elle est gravée dans notre ADN juif, et le Chofar a le pouvoir de la faire ressortir.
Qu’est-ce que le Chofar a de si particulier ? Pourquoi chaque Juif est-il tenu d’écouter son appel ? Quel est le sens de ces sons primitifs et envoûtants ? Quel pouvoir a-t-il de pénétrer dans notre âme la plus profonde ? Et pourquoi la Torah désigne-t-elle ces jours sacrés comme un « Yom Térou’a, le Jour de la sonnerie », plutôt que Roch Hachana, le Nouvel An ?
Roch Hachana est le Jour du Jugement, lorsque nous passons tous en jugement devant D.ieu. Les Livres sont ouverts, nos proches sont examinés et chacun de nos actes, de nos mots sont scrutés scrupuleusement. Qui vivra ? Qui mourra ? Qui vivra à l’aise ? Qui sera tourmenté ? Qui sera élevé ? La liste continue. Qui ne tremblerait pas ce jour-là ? En effet, même pour nos frères qui se sont depuis longtemps dissociés de notre foi, à Roch Hachana, quelque chose vibre en eux. Et alors, même pour quelques minutes, ils se rendent à la synagogue pour écouter ces sons éternels.
Mon mari, Rav Méchoulem Halévi Jungreis (également un survivant de la Shoah) a été un rabbin pionnier à Long Island, New York. Pour la majeure partie des fidèles de notre communauté, la prière était un concept étranger et il fallait déployer de grands efforts pour obtenir un Minyan quotidien. Mais à Roch Hachana, nous devions ouvrir les murs amovibles conduisant à une salle adjacente pour accueillir les nombreux fidèles. Mon mari investissait toute son énergie dans ces prières de Roch Hachana. Il était déterminé à toucher les cœurs des fidèles les plus éloignés pour que ces « visiteurs » de Roch Hachana puissent devenir des Juifs fréquentant à temps plein la synagogue. De retour à la maison après la synagogue, sa chemise était trempée par la transpiration, il était totalement épuisé, mais plutôt que de se détendre jusqu’aux prières du soir, le Chofar en main, il rendait visite aux fidèles malades pour qu’ils puissent également entendre ces sons sacrés.
Qu’est-ce qui a poussé mon mari à faire ce sacrifice ? A ignorer sa fatigue et à passer de maison en maison pour sonner du Chofar ? Pourquoi le Chofar est-il devenu le symbole, l’essence même de Roch Hachana ?
Le Chofar est un appel à la réconciliation avec notre Père céleste. C’est un appel à éliminer nos erreurs, à nous renouveler, et à réaliser notre potentiel donné par D.ieu.
Qui d’entre nous n’a pas pris ses désirs pour des réalités ? « Si seulement je pouvais tout recommencer… si seulement je pouvais avoir une autre chance… si seulement je pouvais éliminer les erreurs du passé… »
Pour la majorité d’entre nous, ces termes restent des désirs que nous prenons pour des réalités. Nous avons grandi avec une comptine qui a inconsciemment laissé une marque indélébile sur nos psychés : « Humpty Dumpty est assis sur un mur. Humpty Dumpty a fait une grande chute. Tous les chevaux du roi et ses hommes ont échoué à le remettre sur pied ». Le message est clair. Si nous tombons et nous écrasons, même tous les chevaux et les hommes du roi sont incapables de nous remettre sur pied.
Le Chofar vient toutefois nous apprendre que nous pouvons nous réinventer, nous pouvons éliminer notre passé, nous pouvons transformer nos fautes en expériences d’apprentissage, et recommencer à zéro. Mais vous vous demandez peut-être : comment le Chofar le véhicule-t-il ?
Nos fêtes ne sont pas de simples commémorations d’événements historiques. Elles sont également des célébrations d’énergies particulières représentées par ces jours. Par exemple, Pessa’h n’est pas seulement le souvenir de notre exode de l’esclavage, mais c’est également un rappel que ces jours ont été créés pour la Délivrance pour toute éternité, une période de libération de toute forme de servitude et d’addiction, matérielle, spirituelle ou émotionnelle. Il nous suffit de le vouloir et nous pouvons aussi nous libérer.
De même, toutes nos fêtes possèdent leur propre énergie cosmique. A Roch Hachana, D.ieu a créé l’homme. Il s’ensuit que si nous le désirons, à Roch Hachana, D.ieu peut nous recréer, et le Chofar vient nous rappeler cette prodigieuse opportunité miraculeuse.
Revenons au début des temps et demandons-nous : Comment D.ieu nous a-t-Il créés ? D.ieu a façonné un morceau de terre en l’image d’un homme, puis lui a insufflé du souffle. Le souffle de D.ieu est devenu la Néchama, l’âme, transformant ce morceau de terre en être vivant. L’homme peut corrompre son esprit, souiller son cœur, mais il ne pourra jamais détruire sa Néchama, car la Néchama est une étincelle Divine. Chaque matin, au lever, nous déclarons dans nos prières : « Elokaï… D.ieu tout-puissant, Néchama… l’âme que Tu m’as donnée est pure. Tu l’as créée. Tu me l’as insufflée… ».
Soyons-en assurés : si Humpty Dumpty fait une chute, impossible de le remettre sur pied, mais nous, qui portons l’étincelle Divine en nous, le pouvons. Et le Chofar en est le témoignage. Nous commençons par souffler la Téki’a, un long souffle continu, nous rappelant qu’à l’intérieur de nous, nous portons le souffle pur de D.ieu et que nous sommes saints. La Téki’a est suivie de Chévarim, des sons brisés, nous indiquant que nous avons dévié de la bonne voie, nous nous sommes perdus, et avons oublié le but de notre existence. Mais une fois que nous en avons pris conscience, nous désirons nous repentir et nous nous écrions vers D.ieu, le cœur brisé, symbolisé par le troisième son du Chofar, la Térou’a (Tou-tou-tou-tou), le son des pleurs.
Nos Sages nous enseignent que rien n’est plus entier aux yeux de D.ieu qu’un cœur brisé, car D.ieu n’est pas seulement notre D.ieu, notre Roi, mais Il est Avinou Av Hara’haman, notre Père mû par la compassion et l’amour. Et aucun père mû par la compassion ne fermerait la porte à ses enfants repentis et en pleurs.
Aucun père ne punit pour punir. Un père mû par la compassion ne prend des mesures disciplinaires que dans le but d’apporter des corrections et des changements. Et ainsi, nous méritons le son final, la Téki’a Guédola, le remarquable son long et ininterrompu qui signale notre renaissance. Notre âme pure, donnée par D.ieu, a le pouvoir de triompher sur nos esprits et cœurs souillés. Une fois cette vérité intégrée, D.ieu peut nous recréer. Est-ce aussi simple que cela ? Le son du Chofar a-t-il un tel pouvoir magique ?
La réponse à cette question est un « oui » retentissant ! Et notre longue histoire juive miraculeuse en est la preuve.