Chère Rabbanite Jungreis,
Je vous écris à propos d’une situation qui, je l’ai réalisée, est bien plus fréquente pour les couples qu’on ne se l’imagine. Le sujet est l’infertilité. Mon mari et moi sommes mariés depuis quinze ans et avons eu de graves difficultés médicales pour avoir des enfants, depuis le début de notre mariage.
Le stress physique, émotionnel et financier engendré par l’infertilité sur notre mariage et notre vie a été énorme ! Mais je n’écris pas pour me plaindre. Je vous écris plutôt car, malheureusement, très souvent, je dois affronter des commentaires très douloureux et stupides de personnes qui exercent d’inutiles pressions sur notre vie déjà stressante. Par exemple, on nous a souvent demandé, pensant engager une conversation polie : « Combien d’enfants avez-vous ? ».
Pourquoi considérer qu’un couple marié a obligatoirement des enfants ? Ce n’est pas toujours le cas et devoir expliquer : « Oh, je n’ai pas d’enfants » est vraiment terrible. Et puis, il y a ceux à qui D.ieu a donné un cadeau - ils ont la possibilité d’avoir des enfants facilement, naturellement, et aussi souvent qu’ils le veulent. Certains d’entre eux s’imaginent que cela fait d’eux des experts en fertilité… ils donnent des conseils et suggestions non sollicités pour concevoir.
L’un de ces « experts » m’a même dit, avec beaucoup de conviction : « Oh, de nos jours, tous les problèmes peuvent être résolus pour arriver à tomber enceinte », pendant que tout au long de cette période, de vrais experts nous ont affirmé que l’on ne pouvait rien faire de plus ! Certains ont aussi suggéré : « Peut-être as-tu du surpoids », et, dans certains cas, « pas assez de poids ». Puis, ils vous parlent de méthodes infaillibles pour concevoir. Par exemple : avaler un rubis écrasé, manger des graines d’un certain fruit, se répandre en pleurs sur les tombes de certaines personnes, et d’autres Ségoulot trop nombreuses pour être mentionnées. En entendant tout ceci, nous sommes censés sourire et les remercier pour leurs brillants conseils. Il ne leur vient jamais à l’esprit que nous prions réellement, que nous récitons sincèrement des Psaumes, que nous versons vraiment des larmes, que nous nous rendons sur les tombes de nos Sages, et que nous tentons d’être aussi méticuleux que possible dans notre observance des Mitsvot. Je pense que c’est le cas pour tous les couples pratiquants sans enfants. Dans le monde de la Torah, les enfants sont le but ultime du mariage.
Je sais que ces donneurs de conseils ont de bonnes intentions et je ne leur en veux pas, mais ils doivent réaliser qu’en tentant de faire le bien, ils font plus de mal que de bien. En bref, les conseils non sollicités peuvent non seulement s’avérer contre-productifs, mais réellement causer du tort. Nos Sages nous ont mis en garde de veiller à notre parole, la sagesse est de garder le silence. Ils doivent aussi réaliser que les couples pratiquants souffrant de problèmes de fertilité ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour concevoir, ils ont consulté des experts médicaux, et n’ont pas hésité à subir des traitements médicaux douloureux. Sans l’ombre d’un doute, il se peut qu’un médecin ayant obtenu de grands succès dans ce domaine ne soit pas connu du couple, mais même dans ce cas-là, la sensibilité est de mise lorsqu’on se propose de donner des informations.
Je suis persuadée que de nombreux autres couples dans notre situation ont rencontré des gens qui ont fait des erreurs par pure ignorance, et j’aimerais ajouter que ces conseils ou ces propos irresponsables s’étendent à de nombreux domaines.
J’espère que vous publierez ma lettre pour que les lecteurs se rendent compte qu’ils doivent redoubler de prudence lorsqu’ils s’adressent à des individus vivant des situations difficiles. Dans le même temps, j’admets que lorsqu’on souffre, on a tendance à amplifier chaque remarque, car notre douleur est très profonde. En conséquence, si on pouvait nous épargner des commentaires inutiles, notre long parcours serait en quelque sorte facilité. Quant à moi, j’en suis venue à reconnaître que D.ieu m’a donné cette épreuve pour que je puisse me comporter avec une sensibilité accrue envers les autres et diffuser cet enseignement : « La vie et la mort tiennent sur la langue ».
Chère amie,
Les observations de votre lettre ont été dûment notées et je n’ai pas grand-chose à y ajouter. Malheureusement, très peu de gens connaissent ce problème - non seulement l’infertilité, mais d’autres domaines comme celui de l’éducation des enfants, la maladie, la Parnassa et les Chidoukhim. Les gens posent des questions inconsidérées et douloureuses… « Pourquoi n’es-tu pas encore marié ? »… « Qu’est-ce que tu attends ? ». Et il ne leur vient jamais à l’esprit que leurs interlocuteurs voudraient, plus que tout, se marier, mais n’ont malheureusement pas encore trouvé leur âme sœur.
Puis, il y a ceux qui se prennent pour des visionnaires et donnent des « conseils judicieux » qui blessent. D’autres encore font des commentaires « charmants » derrière votre dos, pensant que ceux qui souffrent n’en seront pas informés.
Une femme m’a raconté que son mari n’avait pas de travail pendant plus de trois ans. Pendant cette période, elle n’a acheté aucun habit ni pour elle ni pour ses enfants. Bien entendu, les âmes charitables avaient leurs « bons » conseils à offrir. « Il y a des soldes à Loehman. Tu as vraiment besoin d’un nouvel ensemble. Celui que tu portes est vraiment foutu ! ».
Non seulement ces remarques sont terriblement douloureuses, mais elles renferment beaucoup de transgressions, comme faire honte à son prochain et créer la jalousie.
En résumé : nos Sages nous ont enseignés que le silence est la plus grande des vertus. Avant de parler, prenons le temps de penser, d’évaluer la situation, et gardons le silence. Puisse Hachem vous faire un Ness, un miracle et vous donner la bénédiction d’avoir des enfants. Ne renoncez pas ! J’ai assisté à un grand nombre de miracles…