Le terme de « coïncidence » correspond au terme hébraïque de Mikré. Y a-t-il une différence de sens ? A priori, on pourrait répondre par la négative. Mais l’hébreu - le Lachone Hakodech - est la langue sainte, avec laquelle D.ieu Lui-même s’est exprimé, avec laquelle Il a donné la Torah. De ce fait, il ne peut y avoir d’équivalent réel des termes hébraïques dans une autre langue.
Mikré, traduit littéralement, signifie : Kara MiHachem - c’est le fait de D.ieu. Ce terme affirme que rien, absolument rien, n’a lieu sans Son intervention, et ceci est valable pour un événement des plus insignifiants au même titre qu’un événement majeur. Nos Sages expliquent que l’homme ne bouge pas le petit doigt sans que ce ne soit orchestré du Ciel. La coïncidence, en revanche, fait allusion au hasard. Les choses se déroulent sans raison particulière, et D.ieu est de toute évidence hors jeu. D’un autre côté, nous, le 'Am Israël, le peuple juif, percevons la Hachga’ha, la Providence divine dans chaque situation, même dans des événements apparemment anodins.
Je rentre d’un voyage à Jérusalem où j’ai assisté à un mariage de conte de fées, mais avant de vous raconter cet extraordinaire mariage, j’aimerais vous faire part de coïncidences remarquables…je vous laisse décider s’il s’agit de « coïncidence » ou de Mikré.
Le mariage devait avoir lieu dimanche en fin d’après-midi. Plus tôt dans la journée, j’étais invitée à prendre la parole à Chouvou - un organisme extraordinaire qui œuvre sans relâche pour les Juifs d’origine russe en Israël. Je projetais également d’offrir aux élèves un exemplaire de mon ouvrage Une vie engagée en traduction russe. Le directeur de l’école attendait à l’entrée du bâtiment pour nous accueillir. Au moment où notre taxi s’arrêta, un Juif à l’allure distinguée passait par là. Le directeur, pensant qu’il était de la partie, lui tendit la main et lui demanda son nom, auquel il répondit : « Jungreis. » Le directeur commença à l’accompagner à l’intérieur de l’école.
D’une certaine façon, cet épisode m’échappa. J’avais le sentiment que cet homme était un membre de l’équipe pédagogique de Chouvou, et lorsque je pris la parole, la vérité se fit jour. Il s’avère que ce Juif était un cousin éloigné dont le père avait étudié avec mon mari, Rav Méchoulam Halévi Jungreis à la Yéchiva en Hongrie !
Coïncidence ou Mikré ? Je vous laisse décider.
Ma journée à Jérusalem ne faisait que commencer. Après le programme à Chouvou, je me hâtai vers ce mariage magique, mais j’avais un dilemme. En réalité, ce soir-là, j’avais deux mariages auxquels je devais assister : le premier que j’ai mentionné et un autre à l’autre bout de Jérusalem. Ce second jeune couple était d’origine séfarade. Le ‘Hatan était une victime du terrorisme qui s’était retrouvé dans le terrible attentat de l’autobus de la ligne 2 qui revenait du Kotel. La Kalla était également dans le même bus, mais elle était descendue juste avant l’explosion. Le jeune homme avait traversé une période de convalescence très difficile et très douloureuse jusqu’à ce qu’il recouvre la santé, et notre organisme de Hinéni à Jérusalem l’avait aidé à traverser ce traumatisme. La Kalla, submergée par ce coup du sort qui lui avait permis d’être épargnée, ressentait une responsabilité immense vis-à-vis de Hachem et une affinité avec ceux qui n’avaient pas eu la même chance - et ce mariage était donc devenu un mariage de Hinéni-Jérusalem. Ils tenaient absolument à ce que je vienne leur donner une Brakha pour la nouvelle vie de Torah dans laquelle ils s’apprêtaient à s’embarquer ensemble. Le futur marié projetait de passer les premières années de son mariage à étudier la Torah et la Kalla était très fière de lui et le soutenait. Alors bien sûr, je voulais être là pour eux. Mais comme pour le premier mariage, j’avais été la Chadkhanite (entremetteuse) et que les mariés n’avaient pas de parents, je les considérai comme mes enfants, et avec une joie immense, j’acceptai d’accompagner la Kalla sous la ‘Houpa. Pour résoudre mon dilemme, j’avais décidé de passer au second mariage plus tard dans la soirée afin de donner ma bénédiction au jeune couple.
Je fus l’une des premières à arriver au mariage…je voulais être présente tôt pour accompagner la mariée à sa chaise…pour m’asseoir à ses côtés et tenir sa main, tout comme le ferait une mère. C’était un jour froid, pluvieux et venteux à Jérusalem et de temps en temps, la pluie tombait par torrents. En entrant dans la salle de réception, je fus accueillie par le ‘Hatan du second mariage (la victime de l’attentat). Il accourut dans ma direction, le visage rayonnant de bonheur. J’étais perplexe. Avais-je confondu les salles des deux mariages?
« Rabbanite, je suis tellement heureux que vous soyez venue, ma Kalla sera enchantée. Elle est en haut…pouvez-vous lui donner une Brakha ? » Toujours perplexe, j’allai trouver la seconde jolie Kalla, qui avait du mal à croire que je fusse là. Enfin, quelques minutes plus tard, tout se mit en place.
Le jeune couple était en route pour le Kotel pour les photographies du mariage (une tradition dans de nombreuses communautés séfarades) lorsqu’une grosse averse commença. Le photographe les raccompagna dans son studio situé dans l’hôtel où devait se tenir le second mariage. Un vieux dicton en Yiddish dit : « Men ken nisht tanzen oif tzvei chasenehs - Vous ne pouvez pas danser à deux mariages »… Mais si c’est la volonté de D.ieu, et que vous êtes à Jérusalem, c’est possible !
Coïncidence ou Mikré ?
J’en viens à présent au mariage féérique de ce couple magique, David et Né’hama Tamara.
J’avais d’abord rencontré David, né en Russie, trois ans plus tôt lorsque je donnais cours dans une petite communauté juive en Californie. Grand de taille, élégant, intelligent et charmant, il sortait vraiment de l’ordinaire.
« David, lui dis-je, tu dois venir à New York pour t’inscrire à un sérieux programme d’étude de la Torah et pour que je te présente une belle jeune fille juive. »
Un soir, David assista à un cours de Torah de Hinéni à New York. Très rapidement, il devint un membre bien-aimé de la communauté orthodoxe. Avec son esprit vif, il s’immergea totalement dans l’étude de la Torah, et avec sa gentillesse et sa grâce, il plaisait à tout le monde. Mais en dépit de tous mes efforts, je n’arrivais pas à trouver une jeune fille pour lui. ‘Hanouca l’an dernier, je me trouvais en Erets Israël. Là aussi, nous avons eu le privilège d’assister à un mariage merveilleux. C’était un beau mariage à ciel ouvert à Jérusalem, avec le Kotel en arrière-plan. Toutes les amies de la Kalla étaient présentes, et c’est là que je repérai Né’hama Tamara. Une jeune femme délicate, à l’allure royale. Elle était venue en Israël de Russie, en passant par la Pologne. Sa mère était morte lorsqu’elle était toute petite et elle avait vécu un périple long, ardu et douloureux jusqu’à son arrivée à Jérusalem. Certains deviennent amers et colériques lorsqu’ils traversent beaucoup de difficultés. D’autres progressent, développent leurs talents et s’adressent à D.ieu. C’était la voie choisie par Né’hama Tamara. Artiste et graphiste de profession, elle appliquait sa sensibilité à construire une nouvelle vie de Torah et devint rapidement une source d’inspiration pour tous. Dès que je l’aperçus, je sus que j’avais trouvé l’épouse de David.
Dès mon retour aux États-Unis, je donnai à David son e-mail, mais lorsqu’il me demanda comment je la connaissais, je lui répondis que je lui avais parlé quelques minutes, mais j’avais le pressentiment que c’était son âme sœur. « Appelle-la, envoie-lui un message », lui demandai-je.
David était sceptique, mais il la contacta néanmoins et dès leur première conversation, ils s’entendirent bien. La distance paraissait cependant un obstacle irréel et impraticable. Peu de temps après, David me téléphona pour m’annoncer qu’il partait à Odessa pour le Yartzeit (année de deuil) de son père. « S’il en est ainsi, tu dois absolument faire un arrêt à Jérusalem avant de revenir à New York. Tu dois rencontrer Né’hama Tamara. » Quelques semaines plus tard, je reçus un appel de Jérusalem. « Rabbanite, s’exclama David, Né’hama Tamara correspond bien à tout ce que vous en avez dit et même plus. Comment vous remercier ? Nous sommes si heureux. Vous devez venir à notre mariage ! »
Grâce à D.ieu, j’ai eu le privilège de faire beaucoup de Chidoukhim dans ma vie, mais celui-là est différent…deux enfants sans parents s’embarquant dans un long voyage de retour à la maison, traversant des continents, des océans, pour construire un foyer juif authentique à Jérusalem, et forgeant un lien dans la chaîne éternelle de la Torah. Le mariage eut lieu après Pourim, et en bénissant les mariés, je leur dis que le jour de Pourim est un vrai reflet de leur joie - une transformation totale. De la Russie à Jérusalem, d’une vie laïque à une vie de Torah, de l’obscurité à la lumière, de la tristesse au bonheur, du désespoir au triomphe… et le tout, en un clin d’œil !
L’histoire de David et Né’hama est l’histoire miraculeuse du peuple juif : deux enfants retournant à la Torah, à leurs sources juives.
Tous les participants à ce mariage dansèrent avec une énergie céleste, car ce mariage était un témoignage éclatant du fait que D.ieu n’a pas abandonné Son peuple. Il n’a pas abandonné Ses enfants.