Les lois de la Torah légifèrent l’ensemble de la vie d’un Juif.
S’il possède un champ, il devra laisser le coin (1/60ème) en faveur des nécessiteux, c’est la Mitsva de Péa. De sa récolte, il devra effectuer différents prélèvements – Téroumot, Ma'assrot etc. S’il habite une maison, il devra fixer des Mézouzot aux linteaux de ses portes. Un habit - des Tsitsit. Un garçon - la Brit-Mila, en bref, les lois sont omniprésentes. Les commentateurs expliquent que l'intention de la Torah était d'honorer le Créateur à tous les croisements de la vie d'un homme à travers ses possessions et garantir ainsi que son souvenir soit présent dans la conscience des Israélites.
Une de ces lois règlementant notre quotidien concerne le couple. Apposée au cycle menstruel de la femme, la Torah exige la séparation des époux durant ses jours d’épanchement. « Lorsqu'une femme éprouvera le flux (son flux, c'est le sang qui s'échappe de son corps), elle restera sept jours dans son isolement » (Lévitique 15 :19). De plus, la Halakha instituée par les Sages interdit tout contact physique entre les époux durant cette période. Beaucoup ressentent dans cette période de séparation un frein à leur épanouissement au sein du couple. L'accès à l'autre étant limité, ils sont tributaires des courtes périodes de proximité physique – cependant beaucoup trop volatiles à leur goût – pour créer les liens fonciers de leur Chalom Bayit.
Comment la Torah fait-elle face à ce phénomène en apparence contre-productif ?
La période de Nidda, un parfum nommé désir
C’est Rabbi Méïr qui osa le premier la question. Consignée dans le traité Nidda (p. 31), il demande « Pourquoi la Torah interdit-elle la femme Nidda à son mari pendant 7 jours ? » laissant sous-entendre qu’une seule journée d’éloignement aurait suffi (Ibid. Maarcha). Puis Rabbi Méïr de donner une réponse subversive à la façon talmudique « ce, dans le but de la rendre plus chère aux yeux de son mari ». Loin d’y voir un problème, la Torah voit dans cet éloignement une chance pour le couple, la garantie de sa longévité.
Toutefois, il y a ici deux notions subtilement entremêlées l’une à l’autre. Voyons la première.
Vous aimez le chocolat ? Et si on vous en donne à manger matin, midi et soir pendant un an, l’aimeriez-vous toujours autant ? Si vous n’êtes toujours pas convaincu, imaginez-vous en manger à tous les repas pendant 25 ans, 30 ans ? Et là, toujours aussi fan… ?
Dans un premier temps, la Torah vise à travers ses réglementations à éviter au ménage la lassitude typique au genre humain. Elle instaure donc au sein du couple des frontières de temps derrière lesquelles le languissement va s’amplifier et permettre ainsi des retrouvailles enflammées, à l’instar des premiers jours.
Mais en plus de la retenue qui accroît l'ardeur des retrouvailles, il y a une autre intention divine dans ce projet humain.
Savoir voir au-delà du corps
En effet, les Maximes des pères (5:17) nous enseignent que « tout amour qui dépend de quelque chose d’extérieur à lui-même, est destiné à s’annuler », de sorte que l’harmonie du couple juif ne peut dépendre exclusivement des retrouvailles physiques, sans quoi il serait condamné. De plus, il serait futile de penser que la Torah ne voit dans la séparation du couple qu’un temps vide destiné à susciter du désir sans rien de plus.
En vérité, la Torah, dans sa parfaite connaissance du genre humain, savait que l’homme et la femme pourraient, sous couvert d’être assouvis physiquement se rater durant leur vie, passer à côté de l’être sous la plastique. Elle a donc périodiquement contraint les amoureux à s’éloigner du physique pour partir à la découverte de l’autre. Un temps où les esprits se croisent pour échanger, communiquer, se connaître. Cette fois, ce n’est plus l’oreiller qui a le dernier mot mais lui ou elle qui devront se faire face sans faux-fuyants, ni langue de bois. Optimiser cette période, c’est se permettre de ne pas être atteints par les affres du temps car les rides n’ont pas d’effets sur l’entrelacement des esprits. Le plaisir des corps évolue de concert avec celui de la complicité pour faire naître cette dynamique magique du lien entre le corps et l’esprit. « On s’aime plus lorsqu’on on se connaît mieux » disait un proverbe qui n’a pas d’auteur.
La Torah garantit par là, le renforcement des liens qui ne sont tributaires ni de la jeunesse, ni de la beauté mais de la personnalité et du lien profond que les deux auront su tisser durant ces temps d’éloignement qui finalement les auront rapprochés.
De fait, les paroles de Rabbi Méïr livrent un nouvel écho. À la question de savoir pourquoi la Torah a-t-elle préconisé un éloignement de 7 jours pour la femme Nidda, il disait : « ce, dans le but de la rendre plus chère aux yeux de son mari ». Nous en saisissons à présent pleinement le sens …