L’harmonie dans le couple est une idylle dont on rêve tous en direction de la 'Houppa.
Pourtant, nombreux sont ceux qui occupent les bancs des tribunaux rabbiniques en attente de leur Guèt (acte de divorce). Qu’est-il advenu de leur aspiration ? Comment en sont-ils arrivés là ?
Osons le politically incorrect : Y a-t-il un coupable dans une séparation ? On a pour habitude de dire que chacun à sa part de responsabilité dans un divorce, mais est-ce que quelqu’un aurait pu faire en sorte que les choses se passent autrement ?
Réfléchissons.
À la recherche du leader dans le couple
Généralement, lorsqu’il y a séparation dans un couple c’est que l’entente n’est plus au rendez-vous. Mais qu’est-ce que l’entente ? Plus précisément - qui est le véritable instigateur de l’entente dans un couple ? Lui, elle, peut-être les deux ? Instinctivement, on se dit qu’on ne peut pas s’entendre avec quelqu’un qui ne fait pas d’efforts dans ce sens. Mais cette vérité est-elle réellement absolue ?
Décortiquons ça de façon talmudique.
Proposons deux hypothèses – la première : Pour créer de l’entente, il est nécessaire de s’y mettre à deux ; pour la briser, il suffit d’être seul.
La seconde : Pour créer de l’entente, il suffit d’être seul ; pour la briser, il est nécessaire d’être deux.
Explication :
La première hypothèse défend l’idée selon laquelle l’homme (ou la femme) ne peut à lui seul garantir son Chalom Bayit (entente conjugale), il a besoin du concours de son conjoint pour y parvenir. Même s’il fournissait son maximum d’efforts, la participation de l’époux serait inévitable pour garantir l’entente conjointe, tandis que pour échouer, il suffirait que l’un ou l’autre cesse de fournir sa part du lot (ou détériore la relation !) pour qu’on se retrouve à nouveau seul, donc impuissant. D’après cela : le couple ça marche à deux, ou ça ne marche pas !
La seconde hypothèse quant à elle, défend l’idée selon laquelle un seul des protagonistes est capable à lui seul d’assurer complètement le bien-être du couple. À l’opposé de la première thèse, ce n’est que le concert des deux qui pourrait les conduire à l’échec. D’après cette position : seul, chacun peut tout changer.
En réalité, les mieux placés pour répondre à cette question sont les ex-mariés eux-mêmes. Que répondraient-ils si on leur demandait leur avis ? Si l’autre avait véritablement changé, seriez-vous resté en couple ?
Dans la majorité des cas, la réponse est oui.
En effet, on entend souvent dire après coup : « Si seulement il avait arrêté ses vices, elle ses caprices ». « S’il m’avait accordé plus d’attention ou davantage d’affection ». « S’il avait été plus calme, elle plus expressive » etc. chacun avec sa « scie » et son « si » …
En d’autres mots : chacun a l’intime conviction que si l’autre (et seulement lui !) avait changé, leur navire n’aurait pas fait naufrage. CQFD !
Porter tout le poids du couple
Utopique, dites-vous ?
Ils sont pourtant sincèrement convaincus que si l’autre avait changé, les choses se seraient déroulées différemment, alors pourquoi personne n’arrive à être l’acteur de ce changement ?
En on arrive au légendaire ennemi du couple : l’égo.
Car cela aussi, nous le ressentons fortement : chacun espère que le changement viendra de l’autre.
« Changer, moi ? et puis quoi encore ! » hurle l’égo. Mais derrière son mugissement, se cache souvent une fragilité non dite – c’est rabaissant de faire tous ces efforts tout seul, surtout qu’il n’y a aucune garantie que la situation s’arrange durablement après tous ces sacrifices.
L’ironie dans tout cela, c’est que le conjoint pense exactement la même chose. Si chacun pouvait écouter les pensées de son époux il l’entendrait dire : « Je t’en prie, change, et je changerai en retour » C’est une rengaine connue des couples. « Change toi d’abord ! »
Le comble, c’est que généralement après coup, une douloureuse pensée traverse l’esprit des endeuillés du couple « J’aurais dû changer… » suivi de remords et de culpabilité…
En résumé - Le changement seul est possible mais l’égo ne le permet pas toujours.
Mais est-ce véritablement une fatalité ? En tant que Juif, n’avons-nous pas l’habitude de ce genre de défi ?
Se servir de la Téchouva dans son Chalom Bayit
En y réfléchissant, on peut s’apercevoir que c’est l’essence même de la Téchouva (le repentir) où face à l’ancrage de nos habitudes, le poids de notre passé, nous décidons de briser le déterminisme de notre nature. Une partie de nous s’oppose pourtant radicalement à ce changement prétextant opter pour le confort mais le repenti n’écoute pas ses voix intérieures : il change !
C’est donc possible ; la nature n’est pas toujours infranchissable. À la différence qu’ici, il s’agit de sublimer sa nature, pas celle de l’autre. C’est justement là où la Torah intervient, elle nous révèle que nous et notre conjoint sommes de la même trempe…
Explications.
En se penchant sur l’enseignement de nos maîtres, nous y décelons une clef.
Le Talmud1 enseigne que le mariage n’est pas le fruit d’un hasard, il est prédestiné. Les maîtres de la Kabbala disent que les âmes des mariés étaient autrefois unifiées dans le monde spirituel, ce n’est qu’ici-bas que cette même âme a dû se morceler dans des corps différents. Trouver l’âme sœur dans le judaïsme, c’est se retrouver soi-même.
Intégrer cette notion peut s’avérer être la clef du bonheur marital, garantissant de fait, l’éradication de l’égo dans le couple. Si une personne perçoit l’autre comme faisant partie d’elle-même, toutes les réclamations qui lui seront faites, seront modifiées (ou en voie de modification) au même titre que concernant sa Téchouva quotidienne. Les Juifs œuvrent constamment pour corriger leurs défauts, du moins ils doivent le faire…
Lorsque l'entente conjugale est menacée par une caractéristique de l'un des conjoints, s'il considère l'autre comme une prolongation de lui-même, le changement lui sera facilité. Considérer l’autre comme soi-même, c’est être l’instigateur intégral du bien-être de son couple. Imaginez si les deux partagent cette vision ?
1 Traité Sota, p. 2.