Le foyer est un espace où l’homme est enclin à se laisser aller à la colère.
Il peut se montrer tout à fait charmant en société car inconsciemment, il espère quelque avantage en contrepartie, comme de la considération ou des louanges, car il ne leur est redevable de rien puisque ce sont des étrangers. Cette motivation l’encourage à faire preuve de patience, d’indulgence. Mais lorsqu’il se retrouve chez lui, la situation est tout autre : son niveau de patience atteint le degré zéro !
Dans le cadre de son foyer, l’homme a des obligations vis-à-vis de ceux qui l’entourent, ce qu’il fait pour eux est naturel, et il sait qu’il ne doit pas s’attendre à une quelconque compensation. C’est pourquoi dans le contexte familial, il se laisse facilement aller à la colère.
Cependant sa motivation que nous venons d’expliquer est inconsciente ; elle échappe donc à celui qui se comporte de la sorte. S’il en avait conscience, s’il comprenait les mécanismes favorisant les accès de colère au sein de son foyer, il est certain qu’il travaillerait sur lui-même et ferait en sorte de ne pas se mettre en colère.
Nos Sages enseignent que l’homme a l’obligation de respecter son épouse plus que lui-même. Si nos Sages soulignent cette obligation, c’est pour répondre à une situation paradoxale : d’une part la femme est dotée d’une grande sensibilité qui nécessite que l’on se montre compréhensif envers elle et qu’on lui manifeste une patience toute particulière.
D’autre part, sur le plan psychologique, l’homme n’est pas prêt à répondre à ce besoin car il n’en tire aucun bénéfice. Nos Sages posent des exigences positives vis-à-vis de l’homme (Rambam, Hilkhoth Ichout 15,19) : « Ainsi nos Sages ordonnent-ils à l’homme de respecter son épouse plus que sa propre personne, et de l’aimer comme lui-même. S’il a de l’argent, il en fera profiter son épouse. Il ne lui inspirera pas une peur excessive et lui parlera toujours calmement. Il ne sera ni triste ni coléreux. »
A fortiori, ils imposent des préceptes négatifs : « L’homme doit veiller à ne jamais blesser les sentiments de son épouse : comme elle pleure facilement, on risque facilement de la blesser », (Baba Metsia 59a)
Le Maharal de Prague explique cet enseignement dans le même ordre d’idées que nous venons de présenter : si un homme se met en colère contre un étranger, celui-ci pourra certes en être affecté. Mais cela demeure sans commune mesure avec ce que peut ressentir une épouse subissant la colère de son mari. L’étranger, en effet, sait bien que celui qui s’est emporté contre lui ne lui doit rien.
L’épouse, en revanche, a pour rôle d’être « une aide aux côtés de son époux », sa parfaite collaboratrice dans la gestion du foyer. Si son époux lui manque de respect – et pas seulement s’il se met en colère – l’épouse en sera profondément blessée, d’autant qu’elle est d’une nature sensible et particulièrement vulnérable.
Le Rav Wolbe s’adresse ainsi aux futurs époux (dans un livre de conseils) : Imaginons un homme charitable, sachant se monter généreux envers son prochain, prêter de l’argent ou en donner, visiter les malades, consoler les endeuillés, réjouir les jeunes époux…
Un tel homme se réjouira certainement lorsque viendra le jour du Jugement car il aura acquis de nombreux mérites grâce à tous les actes de charité qu’il aura accomplis. Mais il doit savoir qu’il sera aussi jugé sur la façon dont il se sera conduit avec son épouse.
Si toute sa vie durant il s’est montré bienveillant et généreux à son égard, ses mérites seront pris en compte. Si au contraire il l’a contrariée et délaissée, s’il était coléreux, tyrannique, incapable de manifester la moindre clémence, ce comportement pèsera de manière décisive dans la balance du jugement et la fera pencher en sa défaveur.
Les actes de bienfaisance qu’il aura accomplis, aussi nombreux soient-ils, ne seront pas pris en compte.