Binyamin Saada : Bonjour Mélekh Hamachia'h (Roi Machia’h), je vous remercie de nous recevoir dans votre palais du monde des âmes. C'est un grand honneur que vous nous faites, Majesté.

Mélekh Hamachia'h : C'est un plaisir. Mais avant toute chose, je vous préviens que je peux être appelé à me dévoiler à chaque instant. Je serais dans l'obligation de mettre fin à cette interview.

B.S : C'est évident. Et nos lecteurs le comprendront volontiers. Commençons donc, en espérant être interrompus...

M.H : Amen.

B.S : Tout d'abord, si vous le voulez bien, j'aimerais que vous vous présentiez à nos lecteurs.

M.H : Je suis une âme spéciale, qui existe depuis la nuit des temps, comme il est dit dans le Midrach sur le verset « et le souffle de D.ieu planait au-dessus des eaux », ce souffle (Roua'h), c'est le souffle (ou l'âme) du Machia'h[1]. Avant même que tout soit créé, j'étais là. C'est clair, le but ultime de la Création, c'est mon dévoilement.

B.S : Ce dévoilement justement, parlons-en. Quelles en sont les modalités ?

M.H : C'est très simple. Au moment choisi par D.ieu, je m'incarnerai dans le plus grand Tsadik de la génération. Ce moment n'est pas fixé à l'avance. Chaque génération a eu et aura son Machia'h potentiel[2].

B.S : Rien n'est gravé dans le marbre, donc.

M.H : Non, bien sûr que non. Tout dépend justement de la génération et de ses actes comme le dit votre grand décisionnaire Maïmonide[3] (dans lequel j'aurais très bien pu m'incarner d'ailleurs) : « C'est seulement par la Téchouva que le peuple Juif sera libéré. La Torah a déjà promis que les Juifs se repentiront finalement à la fin de leur exil et ils seront immédiatement libérés. »

B.S : Mais c'est quoi cette Téchouva ? C'est jeûner, porter le cilice ?

M.H : (rires) Vous savez bien que non ! La Téchouva, c'est revenir à D.ieu et à Son service. C'est un retour sur soi profond, la partie de D.ieu cachée au fond de l’âme de chacun. Il faut étudier la Torah pour cela, sa partie dévoilée, bien évidemment mais aussi sa partie cachée. Le Zohar[4] et le Ari Zal[5] sont clairs : c'est par le mérite de l'étude de l'intériorité de la Torah que vous mériterez que je me dévoile dans la miséricorde. Qui plus est, il ne faut pas oublier bien sûr la pratique des Mitsvot.

Mais ça si j'ose dire, c'est la partie facile, surtout dans votre génération. Les Mitsvot matérielles sont faciles à réaliser aujourd'hui. Vous croyez qu'à l'époque de Rachi, tous les Juifs avaient leur propre paire de Téfilin ? Et même le grand Rachi...

B.S : Lui-même Machia'h potentiel à son époque...

M.H : Oui bien sûr. Même le grand Rachi, donc, ses Téfilin ne pouvaient pas être aussi parfaites que celles que vous possédez aujourd'hui. Votre génération à la chance d'avoir la possibilité d'accomplir les Mitsvot matérielles de la meilleure des manières. Et ce n'est pas à négliger. La Kabbala et la ‘Hassidout expliquent que... mais je m'égare, peut-être vais-je assommer vos lecteurs avec tous ces concepts...

B.S : Non, continuez, je vous en prie. Au contraire, je suis certain que cela les passionnera !

M.H : Bien. Faisons simple. D.ieu a voulu créer le monde matériel pour en faire Sa résidence principale[6], si l'on peut s'exprimer ainsi. Il faut donc préparer cette matière pour qu'elle soit apte à dévoiler le divin. Les Mitsvot, qui pour la plupart ont un support matériel sont là pour ça. Comme je l'ai dit, pendant 2000 ans d'exil, l'application concrète de toutes ces Mitsvot fut très compliquée. Déjà d'un point de vue purement pratique et ensuite à cause des nombreuses persécutions. Dans votre génération, la technologie vous permet de tout accomplir parfaitement et vous n'avez pas le glaive d'un centurion romain sous la gorge ! Dévoiler le Saint et le Divin n'a jamais été aussi facile. Vous préparez la résidence du Roi des rois ! Et moi, je ne viendrais que pour parachever tout cela.

B.S : Mais ça, c'est la partie facile vous dites ?

M.H : Oui. Mis à part le fait que les Mitsvot, comme vous le savez, doivent être accomplies avec « Kavana », ferveur, amour et crainte. Mais il ne s’agit ici que d’actions entre l’homme et son Créateur. D.ieu est magnanime et patient. Il n'exige que ce qui est possible selon la force de chacun. Par contre, pour ce qui est de l'homme envers son prochain, c'est une autre paire de manche...

B.S : La haine gratuite ? La vraie raison de l'exil en fait ?

M.H : Oui, tout à fait. Pour ça, le Grand Patron est intraitable ! C'est vrai que de manière générale, il y a eu des progrès. On ne peut pas comparer la situation actuelle à celle qui prévalait au temps de la destruction du Temple ou à certaines périodes des Juges et des rois où faisaient rage guerres civiles et autres atrocités entre Juifs. Mais réparer la haine gratuite, ce n'est pas seulement se « civiliser », c'est surtout ne plus être indifférent à l'autre. Si je puis me permettre cet aphorisme, il faut cultiver la différence et non l'indifférence !

B.S : C'est la clé de la Guéoula.

M.H : La seule ! Il faut augmenter les actes de bonté, de charité[7] de bienveillance et de tolérance et vous me verrez illico faire mes bagages et descendre chez vous. (Rires) Plus sérieusement, il ne faut pas oublier aussi qu'un comportement de bonté et de droiture envers les non-juifs est également capital.

B.S : Les non-juifs, justement, parlons-en. Ont-ils une part dans la Guéoula ?

M.H : Bien sûr, quelle question ! Je vais venir pour réparer le monde dans son ensemble, aucun détail ne sera mis de côté. C'est encore Maïmonide[8] qui vous l'a déjà dit : lors de la Guéoula, « l'occupation du monde entier ne sera que la seule connaissance de D.ieu ».

B.S : Mais comment cela se traduira ? Nous pouvons déjà « connaître » D.ieu, par l'étude de la Torah !

M.H : Certes, cela se fera par le biais de l'étude. Quelle étude, me direz-vous ? Savez-vous qu'il est écrit dans le Midrach[9] que la Torah que vous étudiez maintenant a la consistance de la buée comparée à la Torah que je viendrais vous enseigner ?

B.S : Quel programme ! Vous avez un exemple à nous donner, un petit Dvar Torah messianique ?

M.H : (rires) Bien tenté, mais je n'en ai pas l'autorisation. Et quand bien même, vous n'y comprendriez rien. Votre esprit doit s'ouvrir d'abord. Lors de la Guéoula, le dévoilement de la Chékhina (Présence divine) engendrera l'élévation spirituelle permettant de comprendre cette nouvelle manière d’appréhender la Torah. Avant cela, le plus petit Dvar Torah que je pourrais vous faire sera pour vous aussi abscons que les formules mathématiques de la théorie de la gravitation quantique à boucles... Et même plus !

B.S : Eh bien tant pis, je vais devoir patienter alors. Pas trop longtemps j'espère.

M.H : Je l'espère aussi (soupir).

B.S: Nous pourrions encore parler des heures, mais il nous faut conclure. Une dernière question : quand viendra donc notre Maître ?

M.H : Aujourd'hui... si vous écoutez Sa Voix[10].

B.S: Amen.


[1] Béréchit Rabba 2,4.

[2] Rabbi Ovadia Mibarténoura sur Méguilat Ruth, Responsa 'Hatam Sofèr 'Hochen Michpat, Likoutim paragraphe 98, Péat Hassadé א, Klal 70.

[3] Lois sur la Téchouva chapitre 7,5.

[4] Zohar partie 3 page 124b.

[5] Voir Rabbi 'Haïm Vital dans son introduction au Cha'ar Haakdamot.

[6] Midrach Tan'houma Nasso 16.

[7] Traité Baba Batra 10a.

[8] Lois sur les Rois chapitre 12, 5.

[9] Kohélet Raba 11,8. Au sujet de la Torah du Machia'h voir Cha’arei Guéoula page 123 et suivantes.

[10] Voir traité Sanhédrin 98a.