Question de Laurence Noémie M.
Bonjour Rav Scemama, j’aimerais vous soumettre mon problème :
Il y a quelques bonnes années, j’ai fait Téchouva. Je vivais à l’époque un judaïsme traditionnel très « light » et j’ai ressenti le besoin de me rapprocher de la Torah. À la synagogue, j’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari - lui aussi Ba’al Téchouva – et, peu après notre mariage, nous nous sommes installés en Israël dans un quartier religieux.
Nous nous sommes bien intégrés et, grâce à D.ieu, je me sens bien dans mon environnement et avec mes voisines, je suis très satisfaite de l’école et de la fréquentation de mes enfants. Mais, dès que je sors de ce cadre orthodoxe, surtout lors de mes voyages en France pour visiter ma famille, rien ne va plus : leurs moqueries sur ma « Tsni’out » et mon mode de vie « dépassé » me touchent, les questions qu’ils lancent sur mon judaïsme me déconcertent, leur façon de vivre me repousse et je n’ai qu’une hâte, c’est de rentrer en Israël, dans mon chez moi, pour échapper à cette « horreur ».
Je me suis analysée et j’ai remarqué que je déteste cette confrontation avec le monde laïc, surtout celui dans lequel j’ai grandi. D’un autre côté, je ne peux pas couper les ponts avec ma famille ; ils commencent en effet à prendre de l’âge et désirent que je voyage plus souvent pour les visiter.
Aidez-moi dans mon dilemme.
Réponse du Rav Daniel Scemama :
Bonjour Laurence Noémie,
C’est une tendance naturelle du Ba’al Téchouva qui a quitté son milieu, de vouloir couper les ponts avec son passé. Ce dernier lui rappelle toute une atmosphère qui le perturbe, et parfois continue à l’attirer, mais surtout ne lui permet pas de s’investir et de s’épanouir pleinement dans la voie qu’il a choisie, celle d’une Torah sans concession.
Malgré tout, il y a des situations pour lesquelles on ne peut pas se désister, comme celle que vous mentionnez, à savoir de visiter de temps à autre des parents âgés.
(Il sera malgré tout conseillé de s’adresser à une haute autorité rabbinique pour gérer ces rencontres, surtout lorsqu’il y a des problèmes de Cacheroute ou de Chabbath.)
Cependant de vos propos, se dégage l’impression que, dans votre cas, le problème n’est pas chez eux, mais chez vous, et c’est ce qui vous déstabilise lors de vos rencontres.
Je m’explique : il y a 2 domaines dans votre Téchouva qui demandent un changement profond : le premier au niveau de l’intellect et le second dans votre vécu.
1. Vos convictions religieuses ne sont pas bien affermies et il vous manque une construction solide dans votre judaïsme.
Dans le livre « Le Guide de la Téchouva » (éd. Torah-Box/p.33 et suivantes), l’auteur rapporte les propos de Rav Chlomo Wolbe, dont voici les premières lignes :
La Émouna doit s’appuyer sur la raison. Rabbi Elazar enseigne : « Applique toi à l’étude de la Torah et sache quoi répondre au mécréant » (Avot, 2, 14). Rav Wolbe souligne que Rabbi Elazar ne dit pas « Réponds au mécréant », car il ne faut surtout pas discuter avec le mécréant, mais « sache quoi lui répondre » : tu dois connaître, le plus clairement possible, le contenu de ta Émouna; tu dois le connaître avec une force telle que toutes les tempêtes du monde ne peuvent rien contre toi. Une telle Émouna doit nécessairement s’appuyer sur une connaissance qui la fonde de façon absolue. (Alé Chour ch. 2, p. 288.). [… ]
2. Êtes-vous épanouie dans votre judaïsme, dans votre Tsni’out, dans votre couple etc. ? En effet, si c’était le cas, non seulement vous ne seriez pas vexée de leurs remarques, mais vous devriez avoir de la peine pour eux, pitoyables dans leur conduite et leur existence. C’est pourquoi, vous devez évoluer dans votre Téchouva :
a) Le Chabbath, la pudeur, et la vie de Torah en général ne doivent pas être pris comme une contrainte, mais bien comme un idéal de vie.
Si, dans les débuts de la Téchouva, on se doit d’accomplir les Mitsvot même si cela est astreignant (car tous les débuts sont difficiles), il faut, dans un deuxième temps, trouver goût à l’accomplissement de Torah et Mitsvot. Il faut essayer de ne pas rester dans le « Na’assé » « on accomplira », mais parvenir au « Nichma’ », c'est-à-dire ressentir l’élévation et le bonheur que procure l’accomplissement de la Torah.
b) Une vraie Téchouva permet de trouver une concordance entre le laïc qu’on était et le religieux qu’on est devenu.
Si ce n’est pas le cas, c’est qu’on a adopté ou copié un personnage imaginaire à l’aspect pratiquant, mais qui n’est pas nous-mêmes, et c’est ce qui crée le mal à l’aise face à une confrontation avec des gens qui nous ont connus dans notre passé.
C’est tout un travail que vous devez fournir avec vous-même, en écoutant des cours, en lisant des lectures et en prenant conseil auprès de Rabbanim, afin de trouver votre chemin dans la réalisation de la Torah.
En conclusion, c’est peut-être justement grâce à ces contacts que vous qualifiez « d’horribles », qu’on parvient à ajuster notre personne sur le vrai chemin qui doit être le nôtre.