Vendredi, 15h45, veille de Chabbath. Dani est sur le chemin du retour, en permission de l’armée pour le Chabbath. Cette semaine, le Chabbath commence à 16h25, et Dani vit à Béer Chéva. Debout à la station d’autostop près de Natanya en attendant une voiture qui pourrait le rapprocher de chez lui, le Chabbath est la dernière préoccupation de Dani. Elevé dans une famille israélienne non religieuse, Dani ne croit pas vraiment en D.ieu, mais il ne s’est jamais penché sérieusement sur le sujet.
Une voiture s’arrête sur le bas-côté. Le conducteur, Moché, ouvre la fenêtre et dit à Dani :
- Je vais à Natanya, je peux t’y conduire avec plaisir. Peut-être que ça peut te rapprocher. Où vas-tu ?
- Je rentre chez moi, répond Dani. J’habite à Béer Chéva.
Moché est choqué :
- Béer Chéva ?! Mais c’est à 2 heures de route d’ici ! Comment penses-tu y arriver avant Chabbath ?
Dani répond :
- En fait, pour vous dire la vérité, je ne suis pas religieux, donc peu importe si j’arrive après le début du Chabbath.
En entendant cela, Moché ne réfléchit pas et lui lance :
- Viens chez moi passer Chabbath avec ma famille. Nous avons beaucoup de place et de la super nourriture !
Pris au dépourvu, Dani décline poliment l’invitation et commence à s’éloigner. Mais Moché n’abandonne pas :
- Essaie juste une fois. Peut-être que tu passeras un bon moment, ou au moins, tu vivras une expérience intéressante. Tente le coup !
A ce moment, Dani se rappelle vaguement avoir passé, il y a bien longtemps, un Chabbath avec une famille religieuse à Béer Chéva, chez des amis de ses parents. L’idée d’être enfermé tout un week-end, dans un environnement restrictif, ne l’attire pas. De plus, Moché porte un costume et un chapeau noirs, et cela l’effraie. Dans sa vision des choses, il représente un élément fanatique du peuple juif. Mais d’un autre côté, il se dit que Moché a raison. Peut-être qu’il apprécierait un changement temporaire dans sa routine et qu’il pourrait vivre une "expérience intéressante".
Après y avoir réfléchi quelques instants, Dani finit par accepter et monte dans la voiture. En chemin, ils se présentent. Dani semble à l’aise avec Moché, malgré son apparence.
Vers la fin du Chabbath, Dani avoue avoir passé un bien meilleur Chabbath que ce qu’il s’imaginait. Cette atmosphère de famille est très sympathique : la nourriture, les chants, les discussions animées, et l’atmosphère détendue et paisible. Dani remercie ensuite la famille et s’apprête à partir.
Moché, heureux d’avoir offert à son frère un bref aperçu de la vie d’un Juif, n’est pas totalement satisfait. Il sent qu’il doit aller plus loin pour entretenir l’étincelle qu’il a rallumée chez Dani. Il lui dit :
- Dani, avant de partir, j’ai une demande à te faire.
Heureux de pouvoir remercier son hôte, Dani répond :
- J’ai beaucoup apprécié ce Chabbath. Comment puis-je vous rendre la pareille ?
Moché prend alors un Kitsour Choul’han Aroukh (un recueil de lois juives), le tend à Dani et lui demande de choisir une Mitsva qu’il serait prêt à accomplir chaque jour. Il réalise que cette requête est peut-être exagérée, mais il se dit qu’il doit tenter le coup.
Dani, pris au dépourvu une fois de plus, ne sait pas quoi penser. Il regarde Moché avec méfiance, mais il commence à tourner les pages du livre. Il trouve un passage au début où il est écrit qu’on doit d’abord mettre sa chaussure droite, puis la gauche, ensuite nouer sa chaussure gauche, puis la droite. Il a du mal à croire ce qu’il lit. Il se dit en lui-même :
- C’est ça la loi juive ?
Finalement, après avoir un peu réfléchi, il se dit que cette Mitsva semble bien facile à accomplir. Il annonce donc à Moché :
- Ok, voici ma Mitsva.
Moché note le numéro de téléphone de Dani pour qu’il puisse rester en contact avec lui et avoir de ses nouvelles.
Quelques semaines plus tard, alors que sa jeep s’apprête à quitter la base pour une patrouille nocturne au bord de la frontière libanaise, Dani, qui vient de se réveiller et de s’habiller, se rappelle qu’il a oublié de mettre ses chaussures selon la loi juive, comme il en a pris l’habitude ces dernières semaines. Il réfléchit et se dit :
- Cela vaut-il la peine de retenir ma patrouille pour accomplir quelque chose que je ne comprends pas vraiment ?
Finalement, il décide de rester fidèle à son engagement. Après tout, il était cohérent dans tous les domaines de sa vie, et cette petite promesse n’allait pas faire exception. Il crie alors à ses coéquipiers :
- Attendez une minute, j’ai oublié quelque chose dans la tente ! J’arrive tout de suite.
Dani court en direction de sa tente, retire ses chaussures et les remet aussi vite que possible, mais cette fois-ci, conformément à la loi juive. Mais en repartant, il s’aperçoit que la patrouille ne l’a pas attendu. Dani est fâché contre lui-même car par sa faute, ses amis ont dû partir sans lui.
10 minutes plus tard, un bruit retentit au poste de commande. Lorsque Dani accourt pour voir ce qui se passe, l’opérateur radio annonce que le véhicule de la patrouille de Dani a heurté une mine terrestre, et qu’aucun de ses compagnons n’a survécu…
Sous le choc, Dani n’en revient pas. S’il n’avait pas tenu son engagement, il ne serait plus de ce monde.
Même si nous ne le voyons pas toujours, le respect d’une Mitsva aussi simple que celle de mettre ses chaussures peut avoir des répercussions inimaginables, jusqu’à même sauver la vie d’une personne…