Il est connu que le Ba’al Hatanya, le Rav Chnéor Zalman de Lyadi, était très inquiet des conquêtes de Napoléon. L’empereur français cherchait à diffuser dans les contrées conquises sa conception de la liberté et y octroyer des droits égaux à tous les citoyens, y compris aux Juifs. Le Rav percevait un danger spirituel terrible pour le judaïsme, car une fois les barrières séparant la communauté des Goyim abolies, il y aurait forcément assimilation. L’histoire lui donnera raison puisque la majorité des Juifs vont s’éloigner de leur patrimoine, et une partie non négligeable du Klal Israël sera perdue à tout jamais.
La fin du ‘Houmach Béréchit marque la descente en Égypte de la famille de Ya’akov, et un exil pénible va commencer pour sa descendance. Cependant, il prendra deux précautions pour protéger sa postérité des influences païennes et immorales des Égyptiens :
1) ils habiteront la terre de Gochène, éloignée des autres villes ;
2) il enverra son fils Yéhouda y fonder une Yéchiva avant même d’entreprendre le voyage.
Ces décisions serviront de référence dans l’histoire lorsque les Hébreux prendront le chemin de l’exil : chercher toujours à vivre en communauté, séparés des non-juifs, et fonder des maisons d’étude et de prière qui constitueront les lieux dans lesquels ils puiseront leur attache à la Torah.
Napoléon, en attribuant aux Juifs la possibilité d’avoir accès à des postes qui leur étaient interdits, aux écoles, aux théâtres, et autres lieux de plaisir, provoquera l’explosion des “murailles” qui les séparaient, et entraînera un désintéressement de l’étude de la Torah au profit des sciences profanes. En très peu de temps, on observera un éloignement de la pratique, et même des conversions en masse au christianisme, pensant ainsi devenir un citoyen à part entière, et ce dans tous les pays d’Europe.
De grands Rabbanim de l’époque vont réagir pour sauver une partie du Klal Israël en fondant des communautés “orthodoxes” à part, en créant des systèmes éducatifs qui vont assurer l’avenir du judaïsme auprès de la jeunesse. On assistera à de nouvelles approches dans l’étude du Talmud et du service divin comme les mouvements de la ‘Hassidout et du Moussar. Depuis plus de deux siècles, face aux différents dangers qui menacent le judaïsme, des entreprises originales sont nées afin de les contrecarrer. Mais dans le fond, les deux moyens que Ya’akov Avinou avait utilisés pour se protéger se retrouvent, et seule la forme diffère. C’est pourquoi, jusqu'à aujourd’hui, ce n’est qu’en fréquentant une communauté de Juifs pratiquants et en étudiant la Torah dans un Beth Hamidrach, une maison d’étude, que l’on peut parvenir à conserver notre patrimoine.
Certains vont émettre des réserves sur nos propos en argumentant : “Mais voilà que Yossef était tout seul en Égypte et fut capable de rester un bon Juif, tout en faisant carrière et parvenir même à diriger le pays !” Sachons que même Ya’akov, son propre père, lorsqu’on lui a annoncé que Yossef était resté entier dans sa Émouna tout en gouvernant l’Égypte, n’y a pas cru ; car à ses yeux, c'était une chose impossible. De plus, Yossef s’est retrouvé malgré lui dans cette situation et ne l’a pas choisie. Il a même failli trébucher avec la femme de Potiphar si ce n’est le visage de son père qui lui est revenu à l’esprit.
Soyons raisonnables et reconnaissons que nous sommes tous des êtres influençables, et si l’Admour de Lyadi avait en son temps pressenti le danger d’un rapprochement avec les nations, que pouvons-nous dire après lui !