En hébreu, les mots artiste (Oman) et croyant (Maamin), viennent de la même racine.

Pas étonnant donc qu’en Israël, le secteur le plus « béni » par la Téchouva (retour aux sources juives) soit celui des arts, sous toutes ses formes, alors que le politique, le juridique et le médiatique ne sont pratiquement pas touchés par cet heureux phénomène.

Ce sont ici les musiciens, peintres, humoristes, comédiens qui « reviennent », et en masse !

Peut-être parce que par essence, celui qui ose suivre sa singularité, faisant fi du regard ou de l’opinion des autres, saura également « faire le pas » devant des choix philosophiques déterminants, qui font écho à un appel intérieur ardent. 

Roni: le “peintre muraliste” d’EilatRoni: le “peintre muraliste” d’Eilat Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat

Et rester fidèle à son intuition, à ses convictions et à sa sensibilité demande déjà beaucoup de talent !

Entre parenthèses, ceux qui n’ont adopté que l’écorce extérieure de la fonction, l’habit, la « façon », pensant qu’un accoutrement atypique leur offrira les galons de l’originalité, et chercheront désespérément à afficher par une attitude empruntée ce qu’ils ne trouvent pas en eux, ne rentrent pas dans cette élogieuse catégorie. 

Pseudo-artistes comme pseudo-dévots…

Un Douanier qui ne le fut jamais…

Parmi les arts majeurs, le dessin et la peinture ont une particularité intéressante : celle du « tout le monde peut ».

Et c’est « Le Douanier Rousseau » qui nous l’apprend. Parce qu’il fut l’homme par excellence qui sut écouter sa voix, sourd aux railleries des cyniques qui voulaient le décourager.

Né en 1844 à Laval, d’une famille française modeste, petit employé, il ira au bout de son rêve. 

Au seuil de la vieillesse, il inspira Picasso ainsi que les peintres et poètes de l’avant-garde artistique, celui incarné par cette fameuse Bohême de Montmartre, « qui accrochait ses lilas jusque sous nos fenêtres ».  

Henri Rousseau n’avait jamais fréquenté les Beaux-Arts et dessinait comme un enfant. Mais avec quel don et quel goût des couleurs ! 

Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat

Ce sont donc les jeunes peintres de la Ruche, précurseurs du cubisme, ayant fui les codes du « savoir peindre » qui découvrirent le talent du vieil homme, et l’élurent comme leur « Maître ». 

Lui qui dessinait la jungle et les tigres mangeurs d’hommes sans jamais avoir quitté son petit appartement meublé du 14ème, croyait fort en son génie. Se rendant à la prestigieuse Grande Exposition de la capitale, ses toiles sous le bras, il ignorait les ricanements du public et des « connaisseurs » qui ne comprenaient que ce qui rentrait dans les définitions de l'académisme. Finalement, il accrochera ses toiles au Salon des Indépendants, que ses jeunes amis peintres avaient fondé. 

Il s’inspirait dans ses œuvres, de timbres et d’illustrations de journaux qui incendiaient sa « muse », et s’évadait alors avec elle dans la luxuriante végétation de son imaginaire. 

Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat

Dans son sillon naquirent les Naïfs, ces peintres qui n’auraient peut-être pas osé prendre les pinceaux sans l’exemple de Rousseau (qui ne fut jamais exactement douanier mais percevait des taxes sur les importations en France) et le sublime Art Brut, qui entre autres, dans un superbe musée de Lausanne, rassemble les œuvres de personnes en détresse mentale, dont l’âme torturée trouve exutoire et apaisement via les médias picturaux. 

Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat

Avec Henri Rousseau, les arts plastiques sont devenus légitimes et accessibles à tous, puisqu’un peintre du dimanche peut devenir une référence, ce qui est impossible en musique, où sans une grande rigueur musicale et les bases de solfège, même intuitivement intégrées, on ne peut déboucher que sur une cacophonie. 

Même la littérature demande une grammaire exacte, qui seulement après avoir été maîtrisée, nous permet de jongler avec les mots. 

Le dessin n’en a pas obligatoirement besoin. 

C’est la liberté de créer comme on veut, ou on veut, sans codes et sans diktats techniques ! 

Tout le monde a sa chance, comme dans la vie…

Roni Palo : l’homme consensus

Israël en ce moment a tellement besoin d’un consensus, d’un dénominateur commun. 

Déchirée du dedans et par le dehors, elle est en souffrance et se cherche des repères. Re-Père, en effet.

Ne faisons pas ici un procès d’intention aux fondateurs du sionisme laïc, ceux qui pensèrent la construction d’un nouveau spécimen du Juif, nettoyé des « stigmates » de l’Exil, pour en créer un nouveau : le « Sabra ». Ce n’est pas notre propos.

Certains avaient leurs raisons, nés dans le creuset de fer de la Russie communiste et athée, ou dans l’Autriche complètement assimilée de la Ringstrasse

Mais ils inventèrent des slogans ravageurs comme celui de « prenons notre destin entre nos mains - Laka’hat et goralenou beyadenou », et pour réaliser ce nouveau credo, tentèrent d’effacer l’obéissance à la Loi, innée chez le Juif ancestral. Modestie, humilité, aspiration à la Transcendance, ces formidables caractéristiques humaines et juives devenaient des entraves à leur nouveau prototype humain. 

L’essai fut réussi. Partiellement, en tout cas.

Des guerres furent gagnées, de nouveaux héros militaires encensés, comparés aux David et Chimchon du Tanakh, le sol redonna ses fruits et les défilés de tracteurs allaient bon train à Chavou'ot, dont le nom sera dorénavant uniquement ‘Hag Hakatzir, plus apte aux cortèges fleuris évoquant les moissons. 

« Et une génération se leva, sur la Terre Promise, qui ne connaissait plus qui étaient Moché et Yéhochoua, et n’aspiraient qu’à ressembler aux Nations », pourrait être un verset d’une chronique de notre ère.


Mais quelque chose aujourd’hui s’est brisé et l’Israélien interroge aujourd’hui le petit Juif silencieux qui dort en lui.

Les atrocités du 7 octobre et les impitoyables condamnations des Peuples dits éclairés, le laissent pensif, inquiet…

R. Gelbfish, résidente de Berri, qui avait un petit ami gazaoui à 20 ans, attitude perçue alors comme un hymne à la tolérance et à la coexistence palestino-israélienne, faisait la fierté de ses parents, eux-mêmes vétérans du Kibboutz. Elle avoue que ses convictions d’une cohabitation façon Imagine de John Lennon, sont aujourd’hui en ruine 

Il va falloir tout repenser.

Mais l’Israélien a de la trempe, c’est d’ailleurs ce qui le définit.

Habilleur de murs

Et voici que des hommes de « consensus » voient le jour sur cette terre chérie. 

Il y a un espoir !

Roni Palo, 51 ans, né à Béer Chéva' d’une mère juive marocaine et d’un papa anglais d’origine africaine, bercé par la musique soul et jazzy, entouré des dessins de maman, est le trait d’union entre tous ces courants. 

Adolescent, ses parents divorcent et sa mère revient à son judaïsme ; et Roni qui l’aime et la respecte, l’observe.

Il ouvre un pub. Elle lui demande de le fermer Chabbath. 

Fermer Chabbath ? Le jour des meilleures entrées ??!!

Il est tellement loin de la tradition qu’il veut prendre rendez-vous avec un rabbin pour qu’il lui explique (à elle !!) combien elle se trompe… Il rigole en s’en souvenant.

Mais il ferme sa « boîte » le samedi. Et pourtant, il continue à gagner, avec en plus une marge. Car depuis que son dance-pub ferme le Chabbath, le double de clients s’y presse à la sortie des 3 étoiles.

Bizarre.

Même Roni reste interloqué. 

Et doucement, doucement, ici avec un cours chez 'Habad, là avec une rencontre opportune, le chas de l’aiguille s’ouvre. Et il plonge « avec délice », dit-il, dans la découverte jusque-là occultée de sa judéité.

Roni est doué pour le dessin comme maman. Il apprend à peindre sur les grands murs gris et décrépis des citées, leur redonne vie et crée des merveilles.

Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat

Il habille ainsi le plus grand hangar (30 mètres de haut sur 120 de longueur) d’Eilat, la ville qu’il habite avec sa femme et ses dix enfants ; il décore les armoires électriques des rues, qui deviennent sous ses doigts des oasis de verdure et de fraîcheur, et élève une sculpture du Petit Prince au carrefour de la rue Bné Israël.


Nous sommes tous des Roni en puissance, et ce pays béni, Israël, n’attend que le réveil de ses enfants… d'où qu'ils viennent.

Prenons quelques pas de recul, et admirons. C’est fou ce qu’on est beau, lorsque tous les détails s’agencent. 

Comme sur un mur de Roni.

Ce peuple est vraiment fait pour de grandes choses !

Roni: le “peintre muraliste” d’Eilat