Walter Elias Disney est la personnification du rêve américain. Né avec le 20ème siècle, en 1901, d’une famille typiquement made in USA, blanche, protestante, républicaine, il fait mille petits boulots, touche à tout et, avec un don marqué pour le dessin, ouvre avec son frère Roy une compagnie de films d’animation. Le genre en est encore à ses balbutiements et il se concentre sur les contenus pour enfants. Il invente à ce moment, aux alentours de 1928, une petite souris aux grandes oreilles, que sa femme Lilian surnommera Mickey.
La suite, on la connaît, c’est le début d’une légende…
Le filon s’avère bien plus prolifique que celui - ô combien aléatoire - des chercheurs d’or de l’époque, bottes embourbées dans les rivières glacées de l’Alaska, ou tamisant le sable sous le soleil torride de la Californie.
La petite Disney Company, après des hauts et des bas, explose, décuple ses revenus et, en 1938, atteint la consécration avec la sortie de Blanche-Neige. La belle enfant aux cheveux noirs comme l’ébène et aux lèvres rouges comme le sang rapportera huit millions de dollars de l’époque (équivalent de 98 millions aujourd’hui) et sera le plus grand succès du cinéma jusqu'à la sortie d’Autant en emporte le vent. Suivront Pinocchio, Fantasia, Dumbo et Bambi (1942). L’œuvre de Disney sera nominée 59 fois aux Oscars et couronnée par le prestigieux prix 22 fois. Jusqu'à aujourd’hui, il reste l’artiste ayant décroché le plus de statuettes de bronze de tous les temps. Self-made man, homme d’affaires de génie, il rebondira sur une idée grandiose : créer d’immenses parcs d’attractions pour toute la famille, qui reprendront les thèmes des films bien-aimés. Disneyland est né.
Il y en aura 15 à travers le globe.
Bienvenue dans le monde du rêve, des paillettes, du ice cream et d’une certaine conception de ce que doit être notre way of life.
La morale des uns fait l’immoralité des autres…
Disney, on a le droit de ne pas aimer, mais l’homme et son œuvre ont irrévocablement marqué le 20ème siècle. La marque Disney, avec Levi’s, Coca-Cola, Metro-Goldwyn-Mayer, est un incontournable de notre civilisation, et l’a fortement influencée.
Les détracteurs parlent de contenus linéaires, limite racistes, où jamais on ne voit un héros principal de couleur jusque dans les années 2000 (mis à part le petit Mowgli). La morale est rigide, sans nuances et développe chez l’enfant un modèle de vie matérialiste, conformiste et hédoniste.
Aujourd’hui la multinationale, à l’écoute de la critique et de l’air du temps, s’est d’ailleurs auto-censurée en coupant des scènes de vieux films. Dans les Aristochats, les méchants siamois aux yeux bridés qui ressembleraient trop à des asiatiques vont disparaître, de même que les noirs corbeaux chantant leur blues afro-américain dans Dumbo, dans des attitudes (et des couleurs) trop caricaturales.
Mais décidément pas facile de contenter tout le monde, car parallèlement à cet ultra « précautionnisme » et à ce souci d’éviter à tout prix de froisser toute sensibilité ethnique, l’empire Disney met les pieds dans le plat. Pas moins de 14 pays ont boycotté son dernier film, Lightyear, pour une scène totalement immorale à leurs yeux.
Chaque culture a ses limites et ce que Disney, icône occidentale, présente aujourd’hui comme la plus élémentaire des tolérances, peut être perçu comme un sacrilège aux yeux d’autres cultures.
Le fait que le contenu dérange des millions de spectateurs n’émeut pas la multinationale qui déclare qu’elle ne censurera pas la scène. Liberté et pluralisme obligent ! Le film ne sera donc pas projeté dans ces pays.
C’est ici une joute de conceptions et le débat est ouvert car « l’affaire Disney » est en fait un symptôme. L’hyper-tolérance des uns ne peut qu’entrer en collision avec les conceptions éthiques différentes des autres. Et si l’Occident veut se présenter comme le héraut de la morale absolue et imposer ses vues, il bute ici sur un paradoxe.
Le loup et l’agneau main dans la main…
Déjà dans Zootopia sorti en 2016, les studios signent un manifeste politique et philosophique très engagé où, derrière les tribulations d’une charmante petite lapine et d’un renard - voyou au grand cœur -, on veut nous dire à quoi doit ressembler la ville idéale du 21ème siècle. Y vivrait une population diversifiée et pourtant cohabitant pacifiquement, ayant effacé tout ressentiment entre habitants. Cité tolérante où renard et lapin marcheraient main dans la main… L’intention du film est bien sûr de dire qu’il n’existe pas de mauvaise nature mais seulement des préjugés, que les notions du mal sont subjectives et discutables. Il suffit de supprimer les barrières raciales, éthiques, paritaires, pour déraciner la méchanceté et enfin vivre heureux. C’est l’illustration d’Imagine de Lennon, hymne béat à un monde idéal, sans frontières, sans guerres, sans religions, où l’homme soudain aime son frère, même si l'on ne comprend pas bien comment…
Zootopia n’est plus l’innocente illustration d’une fable d’Andersen ou de Grimm, mais bien la représentation de ce qu’est LA société idéale vue par les nouveaux influenceurs de Disney. Dans des décors pastel en barbe à papa, le rendu du film envoûtant de beauté (mettant en scène des personnages-animaux attractifs au possible, et utilisant une trame humoristique très bien menée) ne permet pas facilement au spectateur, et a fortiori à un enfant, de déceler ce qu’on veut insinuer.
Une moutonne carriériste et ambitieuse, élément perturbateur de cette idylle urbaine, va essayer de briser cette paix, en faisant croire que la nature des êtres ne changera jamais, et que derrière le fauve “rangé” assis à vos côtés dans le métro, se trouvera toujours un prédateur à l'affût. Elle sera démasquée et emprisonnée, elle qui aura osé remettre en question les acquis de Zootopia, la ville modèle où "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil"…
On se demande, dans cette approche, comment dorénavant on pourra mettre en garde nos enfants contre d'éventuels individus mal intentionnés.
Difficile de savoir si l’équipe Disney a voulu plaire en se mettant au goût du jour, ou si les créateurs eux-mêmes affiliés à certains mouvements libéraux très puissants aujourd’hui aux USA ont écrit des scénarios qui caressaient leurs vues idéologiques dans le sens du poil.
Le temps où le prince charmant épousait Cendrillon…
Je me souviens que ma mère nous prenait au Rialto, mon frère et moi, pour voir le dernier Walt Disney. C’était le monde des fées, des “ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants…” Mais n’idéalisons pas non plus : des scènes dures et effrayantes, comme la sorcière de Blanche-Neige ou la mort de la maman de Bambi, laissa des cauchemars dans nos sommeils d’enfants.
Il n’en reste pas moins que ces films avaient surtout une vocation d’entertainment (divertissement) et bien sûr celle de remplir les caisses du coffre-fort géant de la succursale.
Ce qui est clair, c’est qu’aujourd’hui les contenus sont loin d'être innocents et en tant que parents, à nous de les déchiffrer et de décider si nous voulons que nos enfants y soient exposés.
L’amour du prochain, la tolérance, l’acceptation des différences sont des piliers de l’humanité, mais ils peuvent aussi cacher une invitation à une dégringolade morale. Ne soyons pas naïfs !
“La signature d’Amalek est celle apposée à de vraies valeurs utilisées à des fins corrompues”, dit Rav Sadin.
Seule une référence morale absolue et transcendante peut nous guider dans ce labyrinthe, et nous permettre de déceler le faux déguisé en bien.
Et si l’on cherche des contenus pour nos enfants et petits-enfants, les histoires de nos Sages et de la Bible fourniront à leur âme tendre toute la nourriture nécessaire à son épanouissement.
Au diable Cruella, Scar et Kaa le python : nous avons bien autre chose à proposer…