Odaya ne se présente jamais comme un modèle à imiter. Son parcours, c’est le sien, cousu sur mesure, tellement personnel. Jamais elle ne proclame : « Tout est possible. Accrochez-vous, vous pouvez aussi. » Au contraire, elle dit que si elle, elle a pu surmonter des montagnes, alpiniste déterminée de la vie, pour arriver au but qu’elle s’était assignée, c’était son chemin à elle, parsemé de difficultés mais également de jokers très fort qui lui ont permis d’y arriver. 

Premier jour de fac

Odaya Oliel n’oubliera jamais son premier jour à la faculté de médecine. 

« On nous avait rassemblés dans le hall principal du Technion (centre de hautes études universitaires scientifiques et techniques de 'Haïfa) et tous les étudiants étaient invités à visiter les lieux, salles de classes et amphithéâtres où se dérouleraient les cours. À un moment, nous avons dû monter au 1er étage, et la foule me dépassa pour monter les escaliers. Je me suis alors trouvée devant une montagne de marches, sans rampe, prise au piège, regardant désespérément autour de moi, incapable de continuer avec eux. Mais personne ne s’était rendu compte que moi, je ne pouvais pas…

Odaya, 30 ans, aujourd’hui docteur en médecine , spécialisée en pédiatrie, se souvient avec douleur de ce fameux premier jour à la fac. Pour comprendre son parcours, faisons un flash-back et commençons par… le commencement. 

Une préface pas simple du tout

Odaya est née prématurée, à la 27ème semaine de grossesse, pesant 930 grammes. Après 6 mois dans le département des prématurés, ses parents récupèrent enfin dans leur bras leur petite fille mais son développement ne sera pas sans hauts et bas. Elle ne rampe pas bien, attrape une méningite, et les médecins en fin de compte diagnostiqueront une paralysie cérébrale, C.P. 

Attention, le terme est trompeur. Ce n’est bien sûr pas le cerveau qui est paralysé, mais une lésion cérébrale qui entraîne une paralysie des membres. Chez Odaya, ça sera principalement le bas du tronc et les jambes. Mais ses facultés cognitives seront heureusement intactes. 

Entourée de parents exceptionnels - sa maman arrêtera de travailler pour s’occuper entièrement de sa fille - ils lui donneront à la fois amour, soutien et encouragement, mais sans jamais tomber dans la commisération. 

 

Ils seront toujours là pour elle, tout au long de son parcours exceptionnel. Elle passera 5 opérations orthopédiques compliquées et c’est lors de ses séjours prolongés à l'hôpital qu’elle découvrira sa vocation : être médecin. Elle écoutera avec intérêt les docteurs lors de leur tournées, en contact avec les malades, établir leur diagnostic et trouvera cela passionnant. Mais brûle en elle surtout le désir d’aider ceux, qui comme elle, ont commencé avec un point de départ plus compliqué que les autres. Ses parents s’opposeront à ce qu’elle entre dans des crèches pour enfants spéciaux et se battront pour qu’elle soit toujours dans un cursus scolaire normal. 

Mais le monde des enfants n’est pas simple, et elle devra affronter les moqueries - on imitera sa démarche saccadée - et même un boycott, allez savoir pourquoi ! 

Dès l’adolescence, les choses vont mieux : elle apprend dans une Oulpana - lycée religieux pour filles - et les rapports entre camarades de classe sont bons. Odaya se forge une philosophie, armée d'une foi à toute épreuve, et apprend à ne pas prendre à cœur les remarques désobligeantes - et il y en a ! Elle sait tout simplement qu’avec ceux qu’elle dérange, il n’y aura pas de relationnel possible, et le tri se fera de lui-même. 

L’alpiniste arrive au sommet

Le jour où elle apprend qu’elle a été reçue en fac de médecine, c’est l’euphorie. Elle reçoit sur son ordinateur les résultats tard dans la nuit, réveille la maisonnée, en liesse. On se lève, on ouvre une bouteille, on s’embrasse : elle ne l’oubliera jamais. 

Ces premiers jours au Technion furent riches en rebondissements. Le deuxième jour à la fac, elle devait descendre un escalier sans fin qui mène à l'étage inférieur - ne sachant pas qu’il y avait un ascenseur car personne ne le lui avait signalé - elle demanda en toute innocence à une étudiante à côté d’elle si elle pouvait lui donner la main pour l’aider à descendre. La jeune femme, lui répondit « Bravo pour avoir réussi à te faire accepter ici, mais n’espère pas que tu vas maintenant nous tomber dessus… ! »

 

 

Effarant. Réaction ahurissante d’une étudiante destinée à devenir doctoresse et à qui elle avait juste demandé une main pour quelques minutes. Odaya sera confrontée à la nature humaine dans toutes ses nuances de clair-obscur. Le même jour, un conférencier ira lui chercher une table à sa hauteur dans une autre classe pour qu’elle se sente plus à son aise, et en général, Odaya se souviendra avec bonheur de ses 6 années au Technion où professeurs, étudiants et étudiantes l’entourèrent et l’encouragèrent. Odaya n’a aucun problème à raconter ses déboires. Les grandeurs et les petitesses qu’elle a rencontrées font partie de son parcours, de son paysage. 

10 fois plus compliqué

Ce qu’il faut comprendre c’est qu'à part l'extrême densité des matières qu’exigent des études de médecine, et l’emploi du temps surchargé d’un étudiant « normal », pour Odaya, les choses sont 10 fois plus compliquées. Elle doit se lever au petit matin, 3 heures avant le début des cours, pour se préparer. Pour elle, s’habiller, mettre ses chaussures est un exercice long et fastidieux. Lorsqu’il pleut, elle ne peut pas se déplacer seule et sortir de sa voiture sans aide. Elle doit donc attendre de longues minutes que quelqu’un passe pour lui demander de l’aide. La difficulté des études est donc décuplée par celle de son handicap. 

Mais Odaya est une battante. Et même si le premier jour d’étude, effondrée sur son lit, en pleurs, elle avouera s'être demandée pourquoi elle s'était engagée dans un tel défi et comment elle réussirait à tenir les 6 ans d’études, elle se raisonnera, se disant : « J’essaye une année, et puis on verra... » Elle a ainsi fragmenté la difficulté, en faisant un premier pas vers la victoire. 

Humilité et humanité

Odaya a reçu en avril 2019 un coup de fil inoubliable. La ministre de la culture, Mme Miri Reguev, lui annonçait qu’elle était élue pour allumer une torche lors de la cérémonie de Yom Ha'atsmaout, pour le 71ème anniversaire de la création de l'État hébreu. La ministre a résumé le parcours atypique de cette jeune femme volontaire, rigoureuse, passionnée qui n’a jamais « lâché » le morceau. Odaya en toute humilité, dit : « C'est vrai qu’il semble que j’ai accompli l’impossible, mais pour quelqu’un d’autre, l’impossible est peut être beaucoup moins spectaculaire et pourtant, pas moins difficile ». Elle souligne que sa difficulté à elle est visible à l'œil nu, mais chacun a les siennes, et chacun se bat avec ses propres montagnes. 

Lors de la cérémonie de l’allumage des flambeaux 2019, Odaya, resplendissante, remercie ses parents qui d’après elle auraient dû eux recevoir l’honneur de l’allumage, pour l’avoir épaulée, soutenue, encouragée à chaque étape et qui lui ont transmis les vraies valeurs de la vie. Elle s'arrête un instant, reprend son souffle, émue aux larmes, sous l’ovation du public, et continue : « Tout ce dont un enfant a besoin, c’est d’un adulte qui croit en lui. »

 

Elle dédie cet allumage à tous ceux qui ont des besoins spéciaux et qui chaque matin se lèvent pour leur « Guerre d'Indépendance » personnelle, celle qu’ils doivent livrer chaque jour, et remercie chaleureusement le Technion qui fut pour elle une maison chaleureuse qui lui a permis de réaliser son rêve. 

Le prochain, et elle compte bien le réaliser, est, avec l’aide de D.ieu, de fonder son propre foyer. 

Odaya, nous te souhaitons tout le succès possible et de continuer de donner aux autres et aux enfants que tu vas soigner de ta chaleur, de ton professionnalisme et de ton humanité. Amen véamen