Question d’Albert B.
J’ai fait Téchouva il y a 2 ans suite à la mort de mon père et depuis, je m’efforce de marcher dans le chemin du judaïsme. Seulement voilà, je n’arrive pas à conserver une constance dans ma Téchouva : certains jours, je suis plein d’enthousiasme et je cherche sincèrement à prier avec ferveur, tout en ajoutant du temps à l’étude de la Torah ; j’ai l’impression que la “mayonnaise prend” et que toutes mes mauvaises pensées vont me quitter définitivement. Mais après ces moments d’élévation, je ressens que le joug des Mitsvot me pèse lourdement, et j’ai envie de tout arrêter et de reprendre ma vie de pêcheur. J’arrête alors de prier et je désespère car c’est trop dur pour moi. Heureusement que ma femme me soutient et insiste pour ne pas que je lâche prise. Et je ne sais pas par quel miracle, après me revient de nouveau le désir de me rapprocher du judaïsme. Est-ce que ces sentiments sont normaux ? Peut-être ai-je trop fauté pour prétendre devenir un bon juif ?
Merci de m’éclairer et de m’aider à trouver les moyens de ne plus ressentir ces moments de “down”, et de vouloir toujours accomplir la Torah.
Réponse du Rav Daniel Scemama
Tout d’abord ‘Hazak Oubaroukh pour tous les efforts fournis pour vous maintenir dans le chemin du judaïsme. La porte de la Téchouva est ouverte pour tout le monde quel que soit son passé, et “selon la difficulté, nous serons récompensés” (Avot 5, 23).
Il faut savoir que dans l’absolu, il est tout à fait naturel de connaître des moments d’élévation et des moments de “rejet” dans le service divin, qui sont d’ailleurs nommés par nos Sages “les jours d’amour et les jours de haine” (Yémé Ahava, Yémé Sina). Seulement, il y a une différence notoire entre le fait d’être sensibilisé par ces dispositions, et le fait d’en être paralysé.
Nous allons illustrer nos propos en prenant l’exemple d’une activité professionnelle, qui n’échappe pas à ce phénomène de hauts et de bas : On peut commencer une journée avec ce que l’on appelle “la pêche”, en étant plein de fougue et de joie ; mais parfois on se lève du “mauvais pied”, bien qu’il n’existe aucune raison apparente à cette saute d’humeur. La normalité, c’est que même dans ce dernier cas, on se présente malgré tout à l’heure au travail, on s’efforce d’être aimable et on effectue de manière raisonnable toutes nos tâches. Mais si on décide ce jour-là de chômer en attendant de retrouver l’entrain, tout le monde comprend bien qu’il s’agit là d’un comportement répréhensible qui amènera à de l’instabilité.
Je suppose que dans la vie, vous êtes un homme stable, avec sûrement une activité professionnelle régulière. La question est de savoir pourquoi dans le domaine du spirituel, dans votre Téchouva, vous rencontrez de telles réactions extrêmes. On peut proposer deux explications à ce phénomène :
- La première, c’est que peut-être dans vos moments d’ardeur, vous prenez sur vous des engagements qui sont bien au-dessus de votre niveau véritable. Enthousiaste, vous pensez parvenir facilement à les réaliser, mais vous n'avez pas pris en considération le fait que votre niveau réel n’est pas celui de ces “jours d’amour”, et que le lendemain, vous ne trouverez pas la force de mettre en pratique ce que vous aviez prévu. Face à cette incapacité de tenir vos engagements, en s'efforçant désespérément d’attraper quelque chose qui vous échappe, vous lâchez prise pour vous retrouver en bas de la côte. Si par contre depuis le début, vous avançez à petits pas, lentement et sûrement, vous vous assurerez ainsi de pouvoir toujours accomplir ce que vous avez pris sur vous. Il est possible que cette démarche prudente puisse manquer d’excitation mais, comme on dit, “le chemin qui mène à la richesse commence en économisant les petits sous”.
- La deuxième explication concerne l’approche elle-même du judaïsme. Le Rav Chlomo Wolbe (‘Alé Chour I, p. 34) insistait sur le fait que tout engagement dans le judaïsme doit débuter préalablement par une conviction solide que la seule véritable vie est celle préconisée par la Torah. Pour reprendre notre comparaison avec l’activité professionnelle, un homme se rend au travail tout au long de sa vie quelle que soit son humeur, car il est convaincu qu’il est primordial d’assurer sa subsistance et celle de sa famille. “Sans travail, pas de subsistance” constitue une donnée sur laquelle on n’émet pas de doute. C’est pourquoi l’homme parvient à surmonter sa fatigue physique et mentale pour se rendre au travail.
De la même façon, il sera nécessaire de renforcer notre conviction qu’une vie sans Torah est vide de sens, avant même d’entreprendre tout processus de Téchouva. Comme l’écrit le Messilat Yécharim au début de son ouvrage : “La base de toute démarche spirituelle commence par la clarification et la conviction du but de l’homme sur cette terre”. Lorsque cette réflexion est réalisée, nous sommes peu influencés par des sautes d’humeur, car notre raison domine tout ressentiment quel qu’il soit.
- Il nous reste maintenant à comprendre pour quelle raison il est pour l’homme nécessaire de connaître tout au long de son existence ce mouvement “de hauts et de bas”.
En réalité, pour avancer dans la vie et réaliser nos projets, nous avons besoin d’être propulsé car la matière nous freine. C’est pourquoi il nous a été donné la possibilité de ressentir un engouement pour chacun de nos projets, ce qui va nous aider à avancer. D’un autre côté, lorsque nous nous lançons dans l’action, nous ne réussissons pas toujours à être précis et certains d’être tout à fait dans la bonne direction ; nous avons besoin régulièrement de faire le point. Ces moments de freinage et de manque d’enthousiasme sont donc primordiaux pour effectuer un bilan. Mais il ne faudrait pas en rester à la réflexion et l’inertie, et la vie doit reprendre avec tout son dynamisme ; c’est pourquoi nous connaissons de nouveau des moments de facilité, d’inspiration et de légèreté qui nous font redémarrer. Il s’agit donc d’un cycle de progression, de freinage, puis de nouveau de progression, le tout sous forme de spirale.
Si dans le domaine touchant aux activités de ce monde matériel, ainsi a été conçue l’existence, à plus forte raison en est-il ainsi dans toute démarche spirituelle. Cependant, si dans les moments difficiles, - “les jours de haine” -, on décide de lâcher prise car cela nous parait trop dur, alors tout l’échafaudage s’écroule. Il est donc primordial dans ces moments de tenir fortement les rênes, car c’est de ces instants que dépend notre avenir spirituel. D’un autre côté, il est tout aussi important d’essayer de trouver lors des “jours d’amour” des innovations afin d’augmenter l’engouement, et ainsi de prolonger ces “jours d’amour”.
Je vous ai rapporté ce qu’écrivent nos Maîtres, et j’espère que cela vous aidera dans l’avenir.
Je suis certain que vous allez parvenir à trouver la bonne mesure car le fait que vous soyez indisposé par ces downs et que vous souhaitiez y remédier est la meilleure preuve de votre attachement à Hachem. En réalité, tout ce que l’on accomplit dans le service divin vise notre propre bénéfice, D.ieu dans Sa perfection n'ayant nullement besoin de nous. La persévérance dans ce domaine est la clé de la réussite.
Je vous souhaite Hatsla’ha (réussite) dans tout ce que vous entreprenez et n'hésitez pas à me contacter pour obtenir plus de précisions.