Notre génération est bien différente de celles de nos aïeux… Pourtant, nous sommes tenus de respecter les mêmes préceptes. La Torah n’a pas changé, il s’agit du même Chabbath, des mêmes lois de Cacheroute que nous respectons, des mêmes Téfilines (phylactères) que nous portons, et des mêmes fêtes que nous célébrons… Mais si les lois et les coutumes sont identiques, notre société, elle, ne l’est pas du tout, ce qui doit nous pousser à réfléchir sur une « voie éducative » adaptée à nos enfants. 

Si, dans les générations passées, les enfants étaient naturellement dociles et obéissants vis-à-vis de leurs parents, dans notre génération, le naturel est à la rébellion. La Guémara nous prévenait déjà que dans les générations précédant la venue du Machia’h, « l’insolence augmentera et les jeunes humilieront les personnes âgées » (Sota p. 49)

Mais, outre le fait que le caractère de nos enfants est fondamentalement différent de ceux de nos parents, le monde dans lequel ils baignent l’est encore plus... Chez nos pères, il n’y avait ni Netflix, ni Facebook ou Instagram. La Ligue des champions de football n’existait pas encore, Tesla ne représentait pas le summum de la réussite sociale, la mode ne dictait pas non plus ses lois capricieuses et les jeux vidéos ne risquaient pas de plonger leurs enfants dans le « No life ». La drogue n’était pas si accessible non plus et la plupart des gens avaient des relations intimes après le mariage…

Et nous ? Et bien, nous vivons avec cette locomotive à distraction prête à ensorceler nos enfants à chaque instant et le tout, juste derrière notre porte…

Comment faire pour que nos enfants n’idéalisent pas Tom Cruise ? Pour que nos filles ne souhaitent pas la même garde-robe que telle mannequin ? Pour que le modèle de réussite de nos enfants ne soit pas Donald Trump ?

Il n’y a pas de Choul’han Aroukh rédigé pour ce genre de choses, mais les grands Rabbanim de nos dernières générations, guides spirituels de notre peuple, nous ont donné quelques conseils pour faire valoir à nos enfants les voies de la Torah dans ces périodes tumultueuses.

Un foyer chaleureux

Le première règle pour susciter l’amour d’une vie de Torah chez nos enfants est un foyer juif aimant et chaleureux… car sans cela, ils iront chercher cette chaleur ailleurs, là où il fait froid pour leurs âmes. Le Rav Its’hak Zylberstein disait à ce sujet que « Tout père de famille doit savoir que dans notre génération, nos enfants sont tiraillés par de rudes épreuves concernant les mœurs et les plaisirs qui tentent de les extirper de la maison d’étude (d’une vie de Torah). La voie la plus efficace pour les aider à maîtriser ces passions-là, sont de les soutenir avec cordes faites d’amour et de chaleur » (Alénou Léchabéa’h, Dévarim p.195)

Il n’est d’ailleurs pas le seul à employer ces expressions-là. Le Rav Wolbe donnait le même conseil : « Aujourd’hui, il faut éduquer avec un « bâton tendre » et non plus avec un « bâton blessant » (Avni Chlomo, p.59)

Avis aux parents sévères et pointilleux : si vous désirez que vos enfants adhèrent à votre chemin de vie, il va falloir les séduire. Car, si vous ne leur donnez pas envie d’épouser vos convictions, MTV se chargera de leur faire épouser les siennes. C’est pourquoi il est important de se montrer aimant avec vos enfants, complice et sympathique. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas mettre des règles à la maison, mais que l’ambiance générale doit être à la bonne humeur, à la bienveillance et au respect de l’enfant. Alors effectivement, cela implique de prendre parfois sur soi, de ravaler un peu ses propres besoins aux dépens de ceux de nos enfants, de faire passer la sieste du Chabbath en jeux de société en famille, ou de mettre le téléphone en mode avion pendant le repas, mais le jeu n’en vaut-il pas vraiment la chandelle ?

A propos d’Avraham, il est écrit : « Car Je l’ai connu, afin ordonne à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie d’Hachem » (Genèse 18, 19) Rachi explique que le terme « Je l’ai connu » employé par Hachem exprime l’affection.  Et qu’est-ce qui valut à Avraham l’amour de D.ieu ? Le fait qu’il ordonna à sa descendance de garder la voie d’Hachem. Pourtant, Avraham avait dix bonnes raisons d’être pris en affection par D.ieu, ses dépassements de soi sont inscrits à tout jamais dans les mémoires du peuple juif, mais c’est précisément cela qui suscita l’amour de D.ieu : l’éducation qu’il transmit à ses enfants…

Pour cela, l’important est avant tout d’être soi-même un exemple. On ne peut espérer de nos enfants l’investissement dans une vie de Torah si nous-même ne le sommes pas. On a beau expliquer à nos enfants que les films sont nuisibles à notre spiritualité, et que l’important dans la vie c’est l’étude de la Torah, si le soir au lieu d’étudier sa page de Guémara, papa regarde les nouvelles saisons des dernières séries, les enfants auront vite fait de conclure que papa ne croit pas en ce qu’il nous dit de croire. Nos enfants regardent ce que nous sommes, pas ce que nous leur disons d’être. Et l’hypocrisie chez eux ne passe pas…

C’est le sens de l’enseignement de Rabbénou Tsadok Hacohen dans Tsidkat Hatsadik (alinéa 63) : « Les parents se font connaître à travers leurs enfants, car ce qui est caché dans le cœur des parents se dévoile au grand jour dans le comportement des enfants ». 

L’adolescence 

Vient ensuite la période de l’adolescence. 

Si durant l’enfance, le parent est un éducateur, dans la période de l’adolescence, il est un accompagnateur. L’adolescent se cherche, il tente de se construire, savoir ce en quoi il veut croire et surtout ne pas croire, et en général, ce chemin, il le fait seul. Rien d’étonnant s' il rejette bon nombre des préceptes de la maison, et qu’il s’isole du reste de la famille : il cherche à se fixer ses propres règles. Le Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Genèse 8, 22) explique que l’étymologie du mot « Naar », qui signifie adolescent en hébreu, vient de la même racine que « Léitnaèr » - se dégager. Il dit que l’adolescent, par définition, cherche à se dégager des obligations.

Notre rôle est alors d’aider notre adolescent à faire les bons choix, qu’il choisisse « lui-même » le bon chemin. Qu’il ait le sentiment qu’il adhère de lui-même à une vie de Torah. Pour cela, nous devons l’accompagner dans sa quête de la découverte de son moi, à son rythme et en étant à l’écoute de ses besoins. Rien ne servira de lui « coller » le modèle que nous aurions voulu être ou celui qui nous apportera le plus de satisfaction, il faut chercher ensemble « sa » voie, celle qu’il aura à cœur de suivre.  

Le Roi Salomon écrit dans Proverbes (22, 6) : « Éduque le jeune, d’après son chemin ». Notre but est de faire de notre adolescent son propre éducateur. Qu’il aime la Torah comme il aime le foot ! Si nous arrivons à faire cela, nous lui octroyons autonomie et maturité, mais surtout un véritable amour d’une vie de Torah. 

Le Midrach (Béréchit Rabba, chapitre 75) rapporte l’histoire d’un coq qui est plein de poussière et de déchets. Ses propriétaires doivent se fatiguer à le laver mais lui, s’il le souhaitait, un seul soubresaut lui suffirait pour se débarrasser de toute cette saleté… C’est ce que nous voulons pour nos enfants, qu’ils veuillent d’eux-même adhérer à notre chemin de vie.  

Par ailleurs, les Sages nous ont révélé une clé qui peut se révéler utile dans notre boîte à outil… Ils ont dit que la façon dont nous considérons les gens influence concrètement leur niveau spirituel, et pas seulement la façon dont ils se voient eux-même, mais également leur véritable niveau spirituel. Le Maharal de Prague (Béer Hagola, Béer Chéni) explique qu’il s’agit là d’un des mécanismes les plus profonds de la pensée. Voir l’autre d’un bon œil développe concrètement en lui ces qualités qu’on a mises en avant dans notre propre esprit. Rabbi Na’hman de Breslev (Likouté Moharane, Torah 282) écrit dans le même sens : « Par le fait qu’il trouve en l’autre ne serait-ce qu’un peu de bon, où là il n’est pas mauvais, et qu’il le juge avec bienveillance, par cela, il crée un réel changement chez cette homme-là, au point de même pouvoir l’amener au repentir. » Pour nous, cela est d’une importance capitale concernant le développement de nos enfants et adolescents : les voir d’un bon œil. D’un côté, cela développerait leurs capacités et de l’autre, cela affermirait leur estime de soi. 

Pour réussir une bonne éducation, les itinéraires sont nombreux et délicats, et la patience est de mise. Nous devons commencer dès la petite enfance avec énormément d’amour, poursuivre cela à l’adolescence avec beaucoup d’empathie, sans oublier de s’armer de la plus puissante des armes, la prière.