De nos jours, un Dvar Torah, une histoire de nos Sages ou de nos Rois doit être rapportée de manière si captivante, que rien ne saurait distraire l’attention de l’auditoire.
En cela, notre époque offre un challenge de taille : les parents sont obligés de redoubler d’ingéniosité pour offrir un message riche à leur progéniture. Ils vont en effet devoir concurrencer l’IA, les dessins animés les plus sophistiqués et les BD hallucinantes.
Et ce, sans rien trahir des Textes souches.
Interdiction d’être ennuyeux, répétitif, incolore ou quelconque.
Mais pour cela, bien entendu, il faut déjà que le message nous habite, et avec passion…
Comment le fils du Gadol raconte l’Histoire
Scotchés aux lèvres du Rav Chlomo Kanievsky, le fils du Gadol de mémoire bénie,
les étudiants de l’Académie Talmudique Kiryat Mélekh n’ont pas besoin de Pixar Animation Studio pour voir se dérouler devant leur yeux un événement historique capital, rapporté dans la Guémara Sanhédrin (90;5, 71, 72).
Écoutons-le :
« L’armée du grand général assyrien San’hériv était constituée de millions de soldats ; les têtes de régiments à elles seules comptaient 185 000 hommes. Ces légions d’Achour étaient si gigantesques que la première ligne de bataillon s’étendait en largeur sur 80 kilomètres, en mesurant chaque encolure de cheval collée l’une à l’autre ! »
Et toutes ces légions avancent sur Jérusalem, alors que ‘Hizkiyahou (Ezéchias) roi immensément érudit et pieux, règne sur la Judée. Nous sommes à l'époque du Premier Temple.
Pour prendre les mesures (et démesures…) de l’armée ennemie, il faut comprendre que lorsque les soldats assyriens de la première ligne du front traversaient un fleuve à la nage, la deuxième ligne pénétrait dans la rivière, se mouillant seulement à mi-genou, car l’eau soulevée par les premiers avait déjà pratiquement vidé le fleuve.
La dernière ligne de combattants traversait, elle, à pied sec.
C’est dire ce que ce déplacement de millions d’hommes provoquait sur son chemin.
Une fois San’hériv parvenu avec ses forces aux alentours de la capitale sainte, on lui prépara un lieu surélevé pour qu’il puisse observer d’en haut la position géographique et stratégique de la terre à conquérir.
La cible semblait minuscule et il regretta, dit-on, d’avoir déplacé tant de soldats pour un si piètre objectif.
Cette opération « jeu d’enfants » le poussa même à remettre l’attaque au lendemain, pour laisser souffler ses soldats après la rudesse du chemin.
De l’huile pour gagner la guerre
À cette époque, en Terre Sainte, sous l’impulsion du pieux roi ‘Hizkiyahou, la diffusion de l’étude de la Torah atteignait des sommets jamais égalés, à savoir que même les petits enfants et les femmes connaissaient sur le bout des doigts les traités les plus compliqués de Touma et Tahara, lois de pureté et d’impureté.
‘Hizkiyahou, évaluant parfaitement le danger, au vu de l’extraordinaire déploiement des forces d’Achour, s’affaira à ce moment critique, à commander des tonnes de galons l’huile dans le but d’éclairer les milliers de Maisons d'Étude de Jérusalem et des alentours.
Puis, il planta un glaive à l'entrée de tous ces Baté Midrachot, en proclamant : « Tout celui qui faiblit dans l’étude, par cette épée sera transpercé. »
En deux mots : déserteurs du Limoud, gare à vous !
Le verset 19 dans les Rois (Mélakhim II) nous décrit la suite :
« Et ce fut en cette nuit, (avant l’attaque prévue) et un ange de D.ieu sortit et frappa dans le camp d’Achour 185 000 hommes. Et [Israël] se leva au matin, et ce n'étaient que des cadavres morts [de soldats assyriens]. » (Roi II; 19,35)
Une miraculeuse épidémie terrassa l’ennemi en une nuit.
‘Hizkyaou aura innové en inventant l’anti-guerre ; sans épées et sans lances, sans chars et sans chevaux, mais avec de l’huile pour éclairer jour et nuit la sainte étude de Torah du peuple juif : ainsi il obtint la victoire.
Dégringolade transgénérationnelle ?
Et ici, Rav Kanievsky pose à ses élèves la question à 1 million de dollars.
Comment ‘Hizkyaou a-t-il osé cette stratégie de « mains nues » devant l’adversaire ?
Son ancêtre, le roi David, lui, ne sortait-il pas en guerre, armé, cuirassé, avec légions et stratèges ?
Où est donc passée cette fameuse notion de « Yéridat Hadorot », cette usure des forces spirituelles qui au fil des générations entraîne un dénivelé entre le niveau du père et celui du fils ?
Comment comprendre que David l'ancêtre, avait besoin de se battre avec armements et généraux, et que ‘Hizkiyahou, trois générations plus tard, alors que des myriades d’ennemis stationnaient devant les murailles de sa ville, se préoccupait à offrir matière à combustion pour éclairer à toute heure l’étude de Ba’houré Yéchivot ?
Et le Rav Chlomo Kanievsky de répondre merveilleusement.
« David, lorsqu’il prenait les armes, savait, de toutes les fibres de son être et de son âme, que c’était D.ieu qui combattait à travers lui. Il ne s’appropriait JAMAIS une victoire militaire, ne s’attribuait jamais les coups d’éclat et les réussites militaires, il ne ramenait rien à lui, mais tout à Lui.
Et ça, ‘Hizkiyahou ne pouvait déjà plus le faire. »
Ce souverain, qui naquit après l’immense Roi David, savait que sa stature spirituelle était moindre et que s'il gagnait une bataille, il s'octroierait personnellement, même un tant soit peu, quelque chose de la victoire. Il préféra donc se retirer, encourager l’étude, et laisser D.ieu agir seul.
C’était ce à quoi son « petit » niveau l’acculait.
Cette connaissance exacte de ses limites, dessinées autour de lui sans complaisance et avec une parfaite objectivité, lui permit de devenir ce « réceptacle », capable d’attirer la Brakha.
David sublimait en prenant les armes, ‘Hizkiyahou en avouant qu’il ne pouvait les prendre !
Les deux approches sont vraies. Tout est une question de bonne foi devant soi-même, son niveau et son époque.
Israël 2024
Un front au nord devant le Hezbollah, un autre au sud devant les bêtes du ‘Hamas, l’Iran menace, les ‘Houtim tirent sur Eilat, dans le Shomron des terroristes fomentent des attentats de l’intérieur, et l’opinion publique mondiale, fidèle à sa fange, nous accuse de « démesure » alors que nos ripostes sont si légitimes.
Triste inventaire de notre situation.
Même les USA, vieil ami, nous avertissent qu’on ne pourra pas toujours compter sur leurs livraisons d’armes et qu'ils ne soutiendront pas l’ouverture d’un front au Liban.
Ils nous conseillent de vérifier la pertinence de notre plateforme de sécurité, ce fameux « Dôme de Fer » - Kippat Barzel -, conçu pour repérer et abattre les missiles ennemis. Ils ne sont pas persuadés que notre système de défense soit aussi performant qu’il le faudrait, en ces temps d’instabilité.
Ils ont raison les Américains : on va avoir besoin d'une solide Kippa…
Mais laquelle ?
Celle de velours ? Celle de fer ? Les deux ensemble…
En tous les cas, on ne peut que s’étonner qu'en ce moment, les tribunaux laïcs de l’État hébreu émettent des lois visant à éteindre les lumières des Maisons d'Étude en Israël et à en confisquer les huiles salvatrices.
Est-ce bien le moment de déchirer le fin film protecteur qui nous entoure ?
Nous invitons les Juges de la Cour Suprême, le Bagatz, à relire Ezéchias, dans le texte.
Car chaque mot de Torah, chaque Téhilim prononcé, chaque renforcement identitaire de notre judéité, chaque prière sincère vers le D.ieu de nos Pères, fixe un peu plus solidement cette calotte protectrice sur notre tête et sur celle de notre peuple.
Le temps est arrivé de le reconnaître.