Ce n’est pas agréable, même pas du tout agréable, mais presque chacun d’entre nous se retrouve de temps en temps en colère. Parfois, notre colère est tournée contre le chauffeur d’autobus qui est en retard, parfois, c’est contre l’enfant qui nous a dépassés dans la file, et parfois, elle se déclenche pour des choses vraiment sérieuses. La température de notre corps augmente, le sang coule plus vite, et si ce qui nous a mis en colère était vraiment déplacé, nous pouvons nous retrouver à perdre le contrôle de nous-mêmes, à hausser le ton, et peut-être même plus que cela…
Vous voyez de quoi je parle ?
En réalité, trop bien. Nous serons surpris de découvrir que, bien que ces instants soient l’apanage de presque chacun d’entre nous et que ce phénomène nous semble une attitude humaine passable et normale, nos Maîtres comparent la colère - ni plus ni moins - à de la ‘Avoda Zara, le culte des idoles. Oui, vous avez bien lu. « Toute personne qui se met en colère est comparable à un homme se livrant à la ‘Avoda Zara », ont affirmé nos Sages.
En ayant à l’esprit que la ‘Avoda Zara est la faute la plus grave de la Torah et que celui qui la commet est défini comme « reniant toute la Torah », ajoutons que c’est le seul interdit mentionné des dizaines de fois dans la Torah et pour lequel on nous met en garde en insistant sur les graves sanctions auxquelles on s’expose, jusqu’à la destruction du Temple (ce qui s’est passé lors de la destruction du Premier Temple). Cette comparaison de nos Sages entre le colérique et le culte des idoles semble difficile et étonnante, et des explications sont nécessaires ici.
Nos Sages ont dû expliquer cette comparaison, et voici comment ils la justifient : « La manière de faire du Yétser Hara’ (mauvais penchant) est de dire un jour : "Fais comme ci", et le lendemain : "Fais comme ça", jusqu’à ce qu’il te demande de servir des cultes idolâtres ». Donc, la comparaison entre la colère et la ‘Avoda Zara ne tient pas à la gravité de la faute de la colère en soi, mais à la perspective de l’avenir qui attend l’homme se soumettant à son inclination à la colère sans parvenir à se contrôler.
Le mauvais penchant se trouve en chacun d’entre nous, et son rôle est de nous inciter à des actions et réactions initiées par des stimulations instantanées, dénuées de réflexion. L’impulsion de nous mettre en colère lorsque quelque chose ne trouve pas grâce à nos yeux trouve sa source dans le Yétser Hara’. Si nous nous soumettons au mauvais penchant sur ce point, nos Sages nous mettent en garde qu’au final, nous nous soumettrons totalement à lui. Il cherche, de son côté, à entraîner l’homme vers une longue série d’épreuves et de difficultés qui le conduiront jusqu’aux fautes les plus graves, même la ‘Avoda Zara.
Lorsque l’homme suit ses impulsions, ses désirs et convoitises, il agit sous la domination du Yétser Hara’. Ce penchant est comparé par nos Sages à un artisan qui fait chuter et dériver les gens par divers moyens à sa disposition. Il conduit l’homme et dirige sa vie, jusqu’à ce que celui-ci, sans y prendre garde, arrive jusqu’aux niveaux les plus bas.
Alors, que faire ?
Réponse unique : la maîtrise de soi. Ou dans le langage de nos sages dans le traité Avot : « Qui est un héros ? Celui qui domine son penchant ». Il nous incombe de chercher en nous la force de la maîtrise, de décider de conquérir notre penchant, et de prendre le contrôle de notre vie. Ainsi, nous dirigerons nous-mêmes notre vie, et non le mauvais penchant. C’est non sans raison que nos maîtres ont défini celui qui maîtrise son penchant comme un « héros ». Il faut en effet beaucoup de courage et une bonne faculté à se maîtriser. C’est difficile, épuisant, mais possible.
La prochaine fois que quelque chose nous énerve, une pensée unique doit nous traverser l’esprit : qui domine qui ? Nous dominons la situation ou la situation nous domine ?
Bonne chance !
Moché Witman