L’importance des Cohanim (prêtres) dans le peuple juif est connue. Du fait même de leur importance, telle qu’elle a été reconnue par D. certaines lois leur sont applicables en particulier ; notamment dans le domaine précis des lois de pureté et des contacts physiques avec la mort. Ainsi, le cohen (prêtre) ne peut se rendre impur par un contact avec un mort, dans le but de l’enterrer par exemple, sauf s’il s’agit d’un de ses sept proches (mère, père, épouse, frère, sœur non mariée, fils, fille), auquel cas il s’agit même d’une mitsva pour lui.
Il s’agit là des lois concernant le cohen hédiot (simple cohen). Mais il en va tout autrement du cohen gadol (grand-prêtre), qui a lui l’interdiction de se rendre impur pour quelque mort que ce soit, y compris des sept proches, à l’exception notable toutefois du met-mitsva (personne décédée que personne ne se préoccupe d’enterrer).
Comme l’explique le rav Alexander Lipchitz, ces lois et ces interdits ont été promulgués du fait de la sainteté et de l’élévation particulière propre aux cohanim et du fait de leur position privilégiée de serviteurs d’Hachem dans le bet-hamikdach (Temple de Jérusalem).
Toutefois, la Torah nous révèle qu’il existe une possibilité pour un juif qui n’est pas cohen de devoir appliquer un ensemble de lois, notamment dans le domaine des halakhot toumeat met (lois d’impureté dans les contacts avec les morts), semblable aux lois des cohanim. Il s’agit du cas du nazir, tel qu’il est mentionné dans la Torah (Bamidbar, chapitre 6, versets 1-21). « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : « Un homme où une femme qui prononcera un vœu de naziréat pour Hachem » »
Le nazir, une fois qu’il a prononcé son vœu de naziréat, doit respecter un certain nombre de lois, dont les principales sont l’interdiction de boire du vin, du jus de raisin, de l’alcool à base de vin ainsi que l’interdiction de consommer des raisins frais ou secs, des peaux de raisin et des pépins de raisin.
D’autre part, il existe pour le nazir une interdiction de se couper les cheveux ainsi que d’entrer en contact physique avec un mort, y compris lorsqu’il s’agit de l’un de ses sept proches, à l’image précisément du cohen gadol. Il ne peut se rendre impur que pour un met-mitsva. Toutes ces interdictions procèdent de la sainteté très élevée du nazir, ainsi que l’exprime le verset : « … Jusqu’à la fin de son naziréat pour D. il sera saint… » (Bamidar 6,5).
Et là se pose la question : nous voulons bien accepter l’idée que le nazir reçoive momentanément une sainteté comparable à celle du cohen, mais de là à lui conférer la sainteté du cohen gadol, il y a un pas de géant que la Torah n’hésite pourtant pas à franchir… Pour quelle raison ?
Pour répondre à cette difficile question, il sera nécessaire de faire quelques détours par notre Histoire. En 2448, soit il y a 3326 ans, le peuple juif a reçu la Torah. Nous n’avons pas l’intention ici de nous étendre sur ce grandiose évènement, mais plutôt de nous focaliser sur un point précis. Hachem « descendit » en quelque sorte sur le Mont Sinaï ainsi que l’indique le verset : « Hachem descendit sur le Mont Sinaï » (Chémot 19,20).
De ce fait la sainteté qui étreignit alors le mont Sinaï était très grande, ainsi que le laisse entendre le verset : « Le Mont Sinaï était entièrement fumée, du fait que D. était descendu sur lui dans les flammes. Sa fumée s’élevait comme celle d’une fournaise. Le mont trembla extrêmement » (Chémot 19,18). D’ailleurs, cette sainteté du Mont Sinaï s’exprima d’une manière concrète, si l’on peut dire au travers des ordres d’Hachem concernant les Bné-Israël : « Tu limiteras les mouvements du peuple [Hachem s’adresse ici à Moché rabbénou] autour [du Mont Sinaï] en [t’adressant à eux en] ces termes : « Gardez-vous de grimper sur le mont [Sinaï] et de le toucher à ses extrémités [ainsi qu’en toute autre partie de la montagne] Tout celui qui touchera le mont [Sinaï] mourra » (Chémot 19,12).
Or voici que lorsque le don de la Torah fut terminé, cette grande sainteté du Mont Sinaï disparut complètement ! Cette idée se retrouve dans le verset suivant : « Aux derniers sons du chofar, ils grimperont sur la montagne » (Chémot 19,13). Le verset laisse entendre qu’ils avaient désormais libre-accès à la montagne, chose qui leur était strictement interdite sous peine de mort, quelques instants auparavant.
Nous connaissons aussi une autre montagne qui est sainte, à la différence près que sa sainteté est éternelle ; il s’agit du mont Moriah, dénommé également mont du Temple. Ce mont sur lequel ont été construits les deux Temples, le premier par le roi Salomon, le plus sage de tous les hommes, comme l’exprime le verset : « Voici que Je t’ai donné un cœur sage et intelligent tel qu’il n’en a jamais existé avant toi, et tel qu’il n’en existera pas après toi » (Mélakhim 1, chapitre 3, verset 9).
Le second Temple, lui a été construit par les juifs revenus de l’exil babylonien qui dura soixante-dix ans, sous la direction de Zéroubavel et de Yéhochoua’ ben Yéhotsadak. Cela apparaît dans les mots du prophète Zékharia dans le verset suivant : « Les mains de Zéroubavel ont fondé cette Maison et ses mains l’ont façonnée et tu sauras que le D. des Armées m’a envoyé vers vous » (Zékharia chapitre 4, verset 9).
Bien que le deuxième Temple ait été détruit il y a près de 1946 ans par les Romains, la sainteté du Mont du Temple est intacte.
Et là se pose une question troublante : pourquoi la sainteté du Mont Sinaï n’a-t-elle été que provisoire, alors qu’Hachem s’est révélé sur cette montagne de manière très impressionnante ?
La réponse tient aux circonstances mêmes qui ont présidé à l’apparition de ces deux saintetés. Le mont Sinaï a reçu une sainteté qui provenait du Ciel de manière exclusive. Aussi dès que les causes qui ont amené à ce dévoilement extraordinaire de sainteté ont disparu, à savoir la nécessité impérieuse de révéler la Torah au peuple juif, cette sainteté a également disparu.
A l’inverse, le mont du Temple a reçu sa sainteté des mains de l’homme qui y a bâti successivement les deux Temples. Par ailleurs, sa sainteté est aussi liée au sacrifice de Yits’hak qui y a eu lieu (Béréchit 22, 1-9). Or, nous avons un principe que nous tenons de ‘hazal (Nos Sages de mémoire bénie), selon lequel une sainteté qui provient du dévouement humain à la cause divine, ne s’annule jamais. Cette idée nous est rapportée par rav Eliyahou Lopian zatsal dans son ouvrage « Tallelé Orot », dans la première partie, page 310.
Le dévouement de Routh la Moabite
Routh était la fille d’Eglon, roi de Moav et avait toujours vécu dans l’abondance et la richesse. Devenue épouse de Ma’hlon, le fils de Na’omie, elle s’était rapprochée dans une certaine mesure du judaïsme, sans pour autant s’être convertie de manière conforme à la halakha (Loi juive).
Quoi qu’il en soit, elle avait connu une vie agréable puisque son mari faisait partie des officiers dirigeants de l’armée de son père. Puis elle avait subi le veuvage, suite à la mort de Ma’hlon. Sa belle-mère aussi avait perdu son mari Elimélekh et souhaitait retourner en erets-Israël, qu’elle avait quittée dans l’abondance et le bonheur pour ne subir que des désagréments en terre étrangère.
Ce désir de retour vers son peuple et vers sa terre exprimait en réalité un désir profond de se rapprocher d’Hachem. Et Routh, son émérite belle-fille ressentait aussi au fond d’elle-même cet élan irrésistible vers le Tout-Puiss-ant. C’est pourquoi, elle désira accompagner sa belle-mère coute que coute. Même si cette dernière au début la repoussa pour tester sa sincérité, comme l’exige la halakha, elle finit par s’incliner devant cette volonté obstinée de se joindre au peuple juif.
Routh en effet n’avait rien à gagner : sa belle-mère était ruinée, personne ne l’attendait en erets-Israël et elle ne pouvait lui offrir aucun avenir matrimonial. Malgré tout Routh prononcera ces mots qu’elle a légués à la postérité : « Ton peuple sera mon peuple et ton D. sera mon D. » (Routh 1,16).
Ce dévouement hors du commun de Routh sera récompensé par Hachem au-delà de toute mesure. Routh, après s’être convertie cette fois-ci au judaïsme de manière conforme à la halakha, épousera finalement Bo’az, le dirigeant spirituel de la génération (!), et enfantera ‘Oved, lui-même père de Yichaï qui donnera naissance au roi David ! Routh a donné naissance à la lignée royale du peuple juif et est donc l’ancêtre du Roi-Messie qui délivrera le peuple juif dans un proche avenir !
La grandeur du nazir
Le nazir n’est pas destiné de prime abord à la grandeur. Il s’agit de quelqu’un de tout à fait normal qui vit une certaine prise de conscience des dangers de ce monde-ci sur le plan spirituel et qui décide en réaction, de prendre une certaine distance avec la matérialité de ce monde.
Le fait de ne plus boire de vin est très symbolique de cette démarche, du fait que le vin symbolise les désirs de ce monde. Le fait de se laisser pousser les cheveux concrétise une prise de distance avec le souci esthétique et tout ce qui relève du domaine de la séduction, comme cela apparait dans le traité Nédarim 9b, où est rapportée l’histoire du nazir qui venait du Sud d’Israël ; et cela d’autant plus que le nazir, à la fin de son naziréat, se coupe les cheveux et offre ses cheveux en sacrifice, qui sont donc brûlés.
La grandeur du nazir, c’est précisément d’aller à contre-courant dans un monde qui a plutôt tendance à se laisser aller à ses désirs et à ses tendances naturelles.
Le cohen gadol non plus n’est pas né en tant que cohen gadol, il a été choisi en tant que tel pour sa valeur personnelle et son élévation dans la sainteté. Ainsi que l’ont dit nos Maîtres : « Tout celui qui se sanctifie ici-bas, on le sanctifie d’en-Haut » (Bamidbar Rabbah Parachat Nasso, Paracha 10, siman 11).
Le Ramban explique que le nazir est saint et doit de ce fait se protéger de l’impureté, car il est comme un cohen qui sert son D.
Telle est la valeur immense des efforts personnels pour se rapprocher d’Hachem et faire Sa volonté.