Si Yossef avait trébuché en Égypte, la Torah n’aurait pas hésité à le rapporter, rétorqua Rabbi Yossé. Si ça n’est pas le cas, c’est que Yossef maintint sa vertu et sa droiture en dépit des terribles épreuves auxquelles il fut confronté. Mais quel est donc son secret ?
À la fin du livre de Béréchit, la Torah rapporte que Yossef, 17 ans, fils chéri de son père Ya’akov, fut un jour vendu par ses frères et emmené en Égypte. Là-bas, il subit 22 ans de souffrance, de rejet et d'éloignement de sa famille. Orphelin de mère, séparé de son père et rejeté par ses frères, Yossef, cet homme droit et pur, se retrouve soudain seul dans un monde hostile, étranger, aux antipodes des valeurs puisées auprès de son père.
Nos Sages expliquent que l’Égypte de l'époque était un pays excessivement corrompu sur le plan moral. Maïmonide, dans son Yad Ha’hazaka, explique que l'homme est inéluctablement influencé par son entourage. Pour rester droite, une personne doit baigner dans un environnement propice à la morale. Or la Torah rapporte que Yossef, en dépit de la dépravation qui l’entourait et des épreuves auxquelles il fut soumis, resta intègre dans ses voies. Nos Sages témoignent qu'il compte même parmi les sept bergers d’Israël, aux côtés d’Avraham, Its’hak, Ya’akov, Moché, Aharon et David. Non seulement il resta intègre, mais Yossef surpassa même ses frères en moralité et en droiture.
Le même Yossef
Le Midrach rapporte qu’un jour, une princesse vint interroger Rabbi Yossé au sujet de l'intégrité de Yossef en Égypte. "Comment croire que dans de telles circonstances, Yossef ne commit effectivement aucune faute avec les femmes, comme l’affirme votre Torah ?", demanda-t-elle, sceptique. Face à ces interrogations, Rabbi Yossé admit que la ténacité de Yossef n’était pas logique, pourtant il était certain que la Torah disait vrai. La preuve ?, poursuit-t-il. La Torah n’a pas hésité à nous relater l’histoire de Tamar et Yéhouda, peu flatteuse pour ce dernier, ni celle de Réouven qui déshonora la couche de son père, récit qui lui aussi place Réouven dans une posture difficilement justifiable, en tout cas pas à son niveau. Ainsi, expliqua Rabbi Yossé, si Yossef avait trébuché en Égypte, la Torah n’aurait pas hésité à le rapporter. Si ça n’est pas le cas, c’est que Yossef maintint sa vertu et sa droiture en dépit des terribles épreuves auxquelles il fut confronté.
Le verset dans Chémot 1, 5 dit : "Yossef était en Égypte" et Rachi d’expliquer sur la base du Midrach que si la Torah mentionne ce fait, c’est pour nous renseigner sur l’intégrité de Yossef. Le même Yossef qui fut proche de son père et s’abreuva aux sources de sa Torah, fut le même qui fut vendu en Égypte, réduit en esclavage, séduit par une Égyptienne, jeté en prison puis élevé au rang de vice-roi d’Égypte. Yossef, droit, pur, intègre, ne s’écarta jamais de sa conduite malgré les vicissitudes que l’existence lui réserva.
À chaque membre sa récompense
Dans un autre Midrach, nos Sages rapportent que lorsque Yossef fut promu vice-roi d’Égypte par Pharaon après avoir réussi à interpréter avec justesse ses rêves, Yossef bénéficia de marques d’honneur qui, précisent nos Sages, furent toutes "amplement méritées". Rabban Chim’on Ben Gamliel enseigne ainsi que chaque partie de son corps avait en effet préservé son intégrité : sa bouche, qui ne céda pas aux avances de la femme de Potiphar, fut récompensée en dictant dorénavant sa conduite au peuple égyptien ; son corps, qui ne se souilla pas par la faute, fut désormais vêtu d’apparats royaux ; son cou, qui ne se pencha pas vers la faute, porta désormais une chaîne royale ; ses mains, qui ne touchèrent pas la femme de Potiphar, portèrent désormais la bague de Pharaon ; ses pieds, qui fuirent la tentation, foulèrent le char royal. Et le texte de conclure : "Et la pensée [de la faute] qu’il n’eut pas fut désormais couronnée de sagesse, ce qui lui permit de diriger le pays d’Égypte".
Le Midrach relate que lorsque Yossef servait son maître Potiphar, qu’il s’adonnait à ses tâches quotidiennes de rangement et de nettoyage, la femme de son maître le harcelait sans cesse. "Ne me dis pas non", menaçait-elle sans honte. "Si tu refuses, je te ferai souffrir par d'autres moyens. Tu devras me servir comme esclave", prévenait-elle, mais Yossef résistait. Elle changeait alors d'approche : "Tu as confiance parce que tu es un serviteur dans une maison royale, tu as à manger en abondance. Mais je te jetterai hors de cette maison, tu seras livré à la faim et au vagabondage." Yossef répliquait : "C’est D.ieu, et non toi, qui donne du pain à ceux qui ont faim". Elle disait alors : "Je te jetterai en prison si tu refuses !" Là encore, Yossef répondait : "D.ieu sauve les opprimés, je ne crains rien." Mais elle poursuivait ses menaces : "Je te crèverai les yeux !" Yossef ne flancha pas. Finalement, elle s’empara d’un morceau de fer pointu qu'elle plaça sous la bouche de Yossef et qu’elle enfonça dans sa chair, lui disant : "Regarde-moi !" Malgré la douleur et les menaces, Yossef ne leva même pas les yeux pour regarder la femme de son maître !
Le secret de Yossef
Jusqu’où un homme est-il capable de se préserver ? D’où Yossef puisait-il une telle force ? La réponse à cette question est à aller chercher du côté de son regard.
En fait, la force de Yossef, ce qui permit à ce Tsadik de se préserver, est sa capacité à protéger ses yeux. C’est parce qu’il a su préserver ses yeux et n'a pas contemplé la femme de son maître que Yossef n'a pas été tenté par le péché. Il n'a même pas eu de pensées impures ! Le Midrach explique que cette attitude est d’une importance capitale car toutes les tentations prennent leur source dans les yeux. En maintenant le contrôle sur son regard, en le préservant de visions prohibées par la Torah, on empêche les désirs impurs de naître dans notre cœur.
Nos Sages précisent que Yossef était si beau que lorsqu’il se déplaçait dans les rues d’Égypte, les femmes se pressaient sur les murailles pour contempler sa beauté, elles lui jetaient leurs bijoux afin d’attirer son regard. Mais Yossef ne levait pas les yeux. Or cette capacité surhumaine à garder ses yeux pour préserver sa vertu lui valut une protection contre le mauvais œil, ainsi que nos Sages l'ont enseigné : "Le mauvais œil n'a aucune emprise sur Yossef et ses descendants".
Lorsqu’un homme préserve son regard, il réduit le Yétser Hara’ à néant ; celui-ci ne peut plus avoir d’emprise sur lui. En concentrant ses yeux sur l'étude de la Torah et les Mitsvot, le cœur devient naturellement incliné vers la droiture. C'est ainsi que Yossef, par sa maîtrise des yeux, nous offre la clé de la résistance aux tentations vers la faute.
Nos yeux sont la porte de l'âme et de l'esprit. En les protégeant des visions interdites, on peut espérer grandir en Torah, en crainte du Ciel et en moralité, à l’instar de nos grands Tsadikim.
Les Grands de la Torah n’ont de cesse de mettre en garde notre génération contre les dangers engendrés par l’utilisation immodérée des nouvelles technologies. Celles-ci exposent nos yeux à des contenus contraires à la Torah. Or ce que les yeux voient pénètre le cœur, influence nos pensées et nos désirs ! À l’inverse, ceux qui préservent leurs yeux bénéficieront de la Brakha dans toutes leurs actions.
Retranscrit d’après un cours du Rav Ariel Fhima paru sur torah-box.com