Lorsque j’étais adolescent, il y a de cela quelques décennies, j’entendais souvent à la synagogue des discours sur la venue imminente du messie, et parallèlement sur l’importance primordiale de monter en Israël “avant qu’il ne soit trop tard”. J’étais alors étudiant à l’université, mais ma soif d’enrichir mon judaïsme m’amenait à écouter des cours de Talmud, de Tanya ou de pensée juive à la Choul. C’est dans ce cadre qu’intervenaient des Rabbanim de toutes tendances dont j’écoutais “religieusement” les discours, avec toute l’innocence d’une personne qui découvre la Torah. “De même que quatre cinquièmes des Bné Israël ont disparu durant la plaie de l’obscurité en Égypte, c’est ce qui risque d’arriver aux Juifs résidant en dehors d’Israël aujourd’hui !”, entendait-on de certains intervenants (car à cette époque, 4/5 des Juifs habitaient en diaspora).
Certes j’étais alors naïf, mais pas sot, et beaucoup de questions sur ce genre de propos me tracassaient : “Mais que se serait-il passé si le messie s’était dévoilé il y a trois cents ans, alors que la terre sainte était vide de Juifs ? Ce sauveur, censé rapatrier en Israël tous les égarés des quatre coins du monde, aurait-il une difficulté à faire monter les Juifs de France ? Comment se fait-il que le Rabbi de Loubavitch, qui a tellement insisté sur l’importance de l’attente du Machia’h, ait vécu lui-même aux États-Unis et n’ait pas poussé ses disciples à partir en terre sainte ? Comment peut-on comparer ces Hébreux frappés par le Ciel car ils désiraient rester esclaves en Égypte, avec les Juifs français actuels, qui réellement voudraient monter en Israël, mais tout simplement ne le peuvent pas ?”
Plus de 30 ans sont passés depuis, et le Machia’h n’est toujours pas là !
Personnellement, je suis monté dans une tout autre optique, basée sur la recherche d’une élévation spirituelle authentique. C’est ce qui m’a permis de surmonter les épreuves et les difficultés d’intégration. Je me suis souvent posé la question de savoir ce que je serais devenu si j’avais agi, en écoutant ces discours pressant à la ‘Alyah à tout prix, en quittant famille, amis et situation avec la pensée “que tel est mon devoir à l’heure actuelle”.
Certains argumentent aussi que le fait de monter en Israël sauve de l’assimilation. Cette considération est inconsistante quand on prend conscience du nombre incroyable d’Israéliens qui ont quitté la terre sainte pour l’étranger sans le moindre patrimoine de judaïsme, effacé par le système d'éducation laïque israélien. Dernièrement, on estime à près d’un million ceux d’entre eux installés sur le continent américain. Leur taux de mariages mixtes est parmi eux de 73% (bien plus que la moyenne des Juifs américains) et leur progéniture dans sa quasi-totalité n’étudie pas dans les établissements juifs. Des organismes comme Mekusharim déploient des efforts colossaux afin de les rapprocher du Judaïsme.
Il est certain qu’Israël est une terre sainte, qui refleurit pour nous miraculeusement après deux millénaires de désolation. Ce cadeau du Ciel permet un renouveau extraordinaire du judaïsme, car “l’atmosphère de cette terre bénie contribue à purifier l’âme”, comme l’enseignait Rabbi Na’hman de Breslev. C’est justement à l’aune de vraies valeurs juives que l’on est capable d’apprécier l’importance de vivre en terre d’Israël.
Mais il reste interdit d’utiliser la conscience juive pour encourager une ‘Alyah massive et irréfléchie, en manipulant les paroles de nos Sages et de la Torah. Cela peut même provoquer le retour en diaspora de nouveaux immigrants ! Il s’agit d’une décision que l’on prend sérieusement, en demandant conseil et en s’y préparant, le principal étant de rechercher dans cette démarche un moyen de se rapprocher de D.ieu.