Cette année, nous avons dans le calendrier hébraïque deux mois d’Adar. Or nous savons par la tradition qu’Adar est un mois propice à assurer une bonne destinée au peuple juif. Moché Rabbénou, le sauveur du peuple hébreu, est né pendant ce mois et nous y fêtons aussi Pourim, commémorant les miracles qui eurent lieu à l’époque de Mordékhaï et Esther. C’est pourquoi l’on marque cette période par de la joie qui, cette année, se prolongera pendant 60 jours. Le dernier Admour de Loubavitch disait que “tout désagrément se verra annulé par soixante [jours]”, faisant par là une référence sympathique à une loi de Cacheroute permettant de consommer une nourriture interdite mélangée dans 60 fois sa quantité d’aliments Cachères.
On parle d’augmenter la joie en Adar, mais encore faut-il que ce sentiment réside ne serait-ce qu’en petite dose dans le cœur de l’homme. Or notre époque est justement marquée par la tristesse et le manque d’entrain : on ne sait plus ce qu’est la Sim’ha, à plus forte raison dans le service divin, au point qu’il est nécessaire de préciser qu’“il est une grande Mitsva d’être continuellement dans la joie”. Alors, concrètement, comment faire naître l’allégresse dans notre quotidien ?
Tout d’abord, il est primordial de s’éloigner de tout ce qui afflige, tel que la lecture de faits divers rapportés par les médias, ainsi que les livres, chansons et films mélancoliques. Au contraire, on cherchera la compagnie de personnes gaies, positives et optimistes. Aujourd’hui, on a vite tendance à associer ceux “qui pensent” à des gens moroses et qui “font la tête”, et ceux qui sont de bonne humeur à des individus au quotient intellectuel assez bas. Conséquence directe, si l’on ne veut pas passer pour un “demeuré”, on a tout intérêt à afficher un visage sombre. Cela fait partie d’un dysfonctionnement de l'Occident, qui plonge le monde dans la dépression au nom de codes sociaux absurdes.
La principale clé pour parvenir à la Sim’ha est assurément la Émouna ; celui qui pense que son destin est dû au hasard vit dans la peur et l’angoisse. Lorsqu’on est convaincu que D.ieu nous assiste et nous place dans les meilleures conditions pour nous réaliser, on en ressent de la plénitude. Au lieu d’envier notre prochain, on cherchera même à l’aider dans ses besoins, car sa part n’empiète pas sur la nôtre. Ensuite, il est important d’être proche de soi-même sans chercher à ressembler à l’autre ou à un personnage fictif inventé, tous bien éloignés de ce que nous sommes réellement. Enfin, le fait de cultiver de la reconnaissance envers toute personne qui nous a prodigué du bien nous conduit aussi à la joie, car en réalité, c’est un ego malade qui empêche ce sentiment de se manifester pleinement.
Afin d’illustrer cette dernière idée, revenons au point de départ de notre réflexion et essayons de comprendre pourquoi a-t-on fixé des années de 13 mois. On sait que les Juifs suivent le calendrier lunaire, qui est en décalage avec le calendrier solaire. Par conséquent, on aurait dû commémorer nos fêtes chaque fois à une période différente de l’année, puisque les saisons dépendent du cycle du soleil. Mais la Torah insiste pour que Pessa’h tombe au printemps, afin que nous nous souvenions des bienfaits de l’Éternel qui fit sortir nos ancêtres d’Égypte durant cette saison tempérée, ni trop chaude, ni trop froide. C’est pourquoi nos Sages rééquilibrent le calendrier juif en lui ajoutant tous les trois ans (environ) un mois supplémentaire qui permet de faire concorder Pessa’h avec le printemps.
Il s'avère donc que c’est afin de témoigner de la gratitude envers D.ieu (en fêtant Pessa’h au printemps) que nous obtenons deux mois d’Adar, ce qui nous apporte un flux de bénédictions et de joie !