Question de David B.
Cher Rav,
Je suis stupéfait d’entendre qu’une rumeur traîne sur Internet selon laquelle les Juifs seraient à l’origine de la propagation du Coronavirus, ou encore que l’Etat israélien prépare un vaccin et va s’enrichir sur le dos de milliers de victimes dans le monde. Je pensais que si déjà dans le passé on a accusé les Juifs d’empoisonner les puits d’eau lors de la peste noire qui avait dévasté un tiers de la population d’Europe, c’est parce que les Juifs à l’époque étaient moins touchés (la vraie raison étant, on le sait, que les Juifs respectaient les lois d’hygiène telle que l’ablution des mains avant de manger, la toilette avant Chabbath et les lois de pureté familiale qui exigent la propreté totale de la femme avant l’immersion au Mikvé). Concrètement, la communauté juive de par le monde est touchée autant que les non-juifs, et à l’heure actuelle l’Etat hébreu se bat comme les autres nations pour empêcher la multiplication des malades et des morts, sans détenir la “potion magique” anti-corona. Comment dès lors peut-on spéculer et accuser notre peuple d’être responsable de ce fléau !?
Merci de votre réponse, en souhaitant un bon rétablissement pour tous ceux touchés par le virus.
Réponse du Rav Daniel Scemama
Chalom David,
Il y a au moins 2 raisons à ce phénomène, la première d’ordre psychologique et la seconde d’ordre religieuse.
1. Lorsque l’homme est soumis à une épreuve, il souffre et son âme est perturbée. Il peut chercher en lui des ressources pour surmonter sa douleur, trouver des solutions et faire son introspection. Mais certains, par faiblesse, par facilité, cherchent autour d’eux un responsable sur qui déverser leurs frustrations, leur marasme et leur courroux. Les femmes et enfants battus en savent quelque chose. Même un chef d’Etat, devant ses erreurs, peut congédier ses ministres ou imposer des taxes exorbitantes pour parer à sa mauvaise gestion du trésor public. Le point commun de ces personnes, c’est la lâcheté. Dans l’Histoire, le peuple juif a toujours été le bouc émissaire idéal d’individus, de gouvernements qui cherchaient “un coupable” à leurs manquements. Les enfants d’Israël en exil étaient une proie facile : on pouvait sans s’encombrer de beaucoup de scrupules leur faire porter les crimes des autres, et bien sûr personne ne viendrait crier vengeance pour eux, ni même exiger un procès en bonne et due forme. (Le sujet de la Providence divine dans ces événements est à traiter séparément, mais elle a bien sûr ses explications.)
Aujourd’hui, dans une situation de crise comme nous la vivons, la peur, l’amertume, l’économie en danger créent un terrain fertile d'où va surgir presque “automatiquement” l’antisémitisme. On fabriquera une théorie, une conspiration autour du juif, qui dès le départ est désigné comme coupable. Le même mécanisme apparaît tout au long de l’Histoire.
2. Mais il y a une deuxième raison à ces accusations. L’épidémie a détruit en quelques semaines toutes les sources de plaisirs et de loisirs et a déstabilisé l’économie mondiale. L’invincible et toute-puissante civilisation occidentale se fissure en quelques semaines. L’empire d’Edom est en train de s’effondrer. Il faut être aveugle pour ne pas y voir la main de D.ieu qui est en train de donner une magistrale leçon à l’homme et lui montre qui est le véritable “Patron” dans ce monde. Certains Le reconnaissent. Mais d’autres ne veulent pas l’admettre, car admettre c’est se soumettre. Les Juifs, qui sont les porteurs de la parole divine auprès des Nations, suscitent la haine pour le message qu’ils véhiculent. On fait donc un “transfert” facile et, faute de “se battre” contre l’Eternel, on accuse ceux qui Le représentent sur Terre, à savoir le peuple juif.
En Israël, malheureusement, un phénomène un peu similaire a lieu. Les médias et certains politiciens israéliens laïques accusent de façon obsessionnelle les ‘Haredim (Juifs orthodoxes) d’être la source de la propagation du coronavirus dans le pays. Le laïcisme israélien n’a rien à proposer devant l’angoisse et le mal de vivre que le virus provoque et certains trouvent dans la haine du religieux et dans ces accusations un tremplin pour échapper a une véritable remise en question que réveille cette épidémie. L’Etat hébreu, malheureusement, a aussi son « juif ».
Mais la population israélienne n’est pas dupe, et récemment suite à des propos virulemment anti-religieux de la journaliste Rina Matslia’h, une vague de solidarité envers le public religieux et orthodoxe s’est levée. La mairie de Tel Aviv a même affiché un grand “Bné-Brak on t’aime” sur la façade de son bâtiment et le chef d’Etat Netanyahou a lui-même protesté contre ces accusations mensongères. Qui en Israël, laïc ou religieux, n’a pas eu recours aux organisations de ‘Hessed des orthodoxes, au Rav Firrer pour un conseil médical, à Yad Sarah pour emprunter gratuitement du matériel médical allant de la chaise roulante à l’appareil d‘inhalation en passant par les béquilles ? Qui n’a pas reçu un repas chaud à l’hôpital ou un accompagnement par Darké Myriam ? Sans parler d’Ezer Mitsion, de Zaka (respect dû aux défunts lors d’attentats) et j’en passe.
J’espère avoir répondu clairement à ta question. Ce processus est en fait vieux comme le monde et n’essayons pas d’y trouver un mécanisme logique, puisque c’est justement dans l’incongru et l’illogique qu’il prend racine.
De bonnes nouvelles et une bonne santé pour toi, ta famille, ‘Am Israël, et toute l’humanité méritante.