L'histoire suivante va sûrement vous dire quelque chose : un(e) ami(e) vous appelle, et vous demande de l'aider pour un motif quelconque. De votre côté, vous n'êtes pas vraiment disponible : vous avez pleins de choses à faire à la maison, et un début de migraine en prime. Sans compter que vous avez ramené du boulot à la maison. Votre ami(e) demande : « Tu peux m'aider alors ? » Et là, vous faites taire vos réserves et vous vous entendez répondre : « Euh, oui bien sûr, sans problème. »
La conversation prend fin, et c'est alors que résonne en vous cette question qui vous revient si souvent : « Mince alors, pourquoi je ne sais pas dire non ? »
La situation est parfois inversée. La voisine appelle pour demander quelque chose. Vous êtes très occupée et lui répondez : « Non, je ne peux pas ». Fin de la conversation, mais début du petit refrain culpabilisant : « Pourquoi ai-je dit non ? Que va-t-elle penser de moi maintenant ? Après tout, cela me coûtait quoi de l'aider un moment ?... » Chacun selon son propre couplet....
Pourquoi est-il si difficile de dire non, en étant en accord avec soi-même et sans se sentir coupable ?
Nous voulons tous nous sentir gentils et aimés. Malheureusement, beaucoup d'entre nous pensons que pour cela, nous devons plaire aux autres. Dans la mesure où nous pensons que l'on nous aime plus ou moins selon que nous rendons service ou pas, que nous soyons serviables ou pas, alors il nous est très difficile de dire « non », même si nous en avons envie.
Tant que nous avons cette vision des choses, même si nous arrivons à sortir un « non », il s'avère que cela éveillera immédiatement en nous des pensées du type : « Peut-être va-t-il (elle) être déçu(e) de moi maintenant ? Il (elle) ne m'aimera plus ? Va-t-on pouvoir rester amis ? »
Tant que nous évaluons notre propre valeur et notre estime de soi à l'aune de ce que pensent les autres, il nous sera très difficile de faire quoi que ce soit qui pourrait un tant soit peu déplaire à autrui. Cette fausse croyance nous limite, restreint notre volonté et souvent aussi notre liberté de choix.
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Le deuxième point qui rend difficile le fait de refuser est l'idée que les besoins des autres sont plus importants que les nôtres. Peu importe que je sois débordée, fatiguée, épuisée, voire carrément à plat, si ma voisine me demande de garder son enfant, c'est bien plus important que le fait que j'aille me reposer un peu… Ou bien quand on me sollicite pour préparer un repas à une accouchée, alors que j'arrive à peine à cuisiner pour ma propre maisonnée, je dis « oui » à la jeune maman, et tant pis si mes propres enfants continuent de manger des sandwiches. Tout ça parce que je n'arrive pas à dire non.
Tout d'abord, il faut savoir que notre valeur et tout le bon que nous avons en nous ne dépend pas de ce que les autres pensent de nous. On n'est pas plus ou moins aimé ou détesté selon que l'on aide ou non les gens, notamment si on le fait sans limite. Il est crucial d'apprendre à s'écouter soi-même avant tout, et ensuite de choisir ce qui est vraiment bon pour nous.
Il est important de comprendre qu'une véritable bonne action dépend de notre libre-arbitre. Faire une bonne action simplement parce que l'on ne sait pas dire non, cela ne s'appelle pas faire du bien ; c'est juste combler un vide intérieur. Comme le dit Rav Yakovson, le grand éducateur : « Si un homme ne sait pas dire « non », alors même son « oui » ne vaut pas grand-chose. »
Le fait de comprendre que l'on peut dire « non », et même que l'on DOIT parfois le dire, procure sans conteste une grande sensation de liberté. Je suis libre de décider ce qui m'est agréable et ce qui ne l'est pas. Je ne suis lié(e) par aucun principe (intérieur ou extérieur). Je peux réellement réfléchir pour savoir s'il est bon pour moi de rendre service à un moment donné, et décider en conséquence.Nous pouvons jouir d'une liberté intérieure significative, afin de cesser de vivre et de nous juger à travers les autres, au lieu que ce soit par nous-mêmes.
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Autre point important dont nous devons prendre conscience et que nos Sages ont souligné : « Les pauvres de ma ville ont priorité sur ceux des autres villes », ou encore « Ta vie compte avant celle de ton ami ».
Pour illustrer ces propos, je vais vous raconter une histoire que j'ai entendue d'un célèbre Rav de Bné Brak. Dans un certain quartier de la ville vivait une femme très connue pour sa gentillesse et sa serviabilité. Elle passait ses journées à courir d'une maison à une autre, à cuisiner pour des accouchées, des personnes malades ou fatiguées. Elle faisait le ménage chez des personnes nécessiteuses, s'occupait d'enfants délaissés ; bref, elle se vouait corps et âme aux bonnes actions. Or, contre toute attente, sa propre maison était à l'abandon. Ses enfants, désœuvrés, s'ennuyaient ferme. Ils avaient faim aussi et réclamaient à corps et à cris un peu d'attention. La maison était sale. Mais voilà, Maman est occupée à faire des bonnes actions, elle n'a pas le temps pour tout ça…
Le Rav entendit parler de cette dame si dévouée, et l'invita à lui rendre visite. Il commença par la féliciter de ses bonnes actions et de son dévouement sans égal pour les autres, et souligna qu'il s'agissait là d'une très grande et importante Mitsva. Il continua en lui demandant si elle aurait du temps pour aider une famille supplémentaire. La femme acquiesça aussitôt avec enthousiasme, et le Rav lui parla donc de la famille en question : « Les enfants sont affamés, privés de la moindre attention, ils restent seuls toute la journée. La mère étant submergée d'autres occupations, elle ne peut même pas s'occuper d'eux. La maison est sans dessus-dessous. Ils ont absolument besoin d'une aide urgente ! » En entendant cela, la femme est convaincue et demande aussitôt : « Je vais y aller le plus vite possible, et même immédiatement. Quelle est leur adresse ? » Le Rav la remercie énormément et prend un instant avant… de lui donner sa propre adresse !
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Nous devons en permanence nous souvenir que nos propres besoins, ainsi que ceux de nos enfants et de notre conjoint(e), passent AVANT toute aide extérieure au foyer. Certes, il n'est pas agréable de dire « non », mais il l'est encore moins d'aider quelqu'un en dépit de nous-mêmes ou au détriment de nos proches. De la même façon que nous fixons des limites à nos enfants dans le but d'assurer leur sécurité et leur protection, et que nous devons parfois leur dire « non », nous nous préservons et nous protégeons nous-mêmes, ainsi que notre famille et nos forces, quand nous disons « non ». Quand une personne sait dire « non », cela lui permet justement de pouvoir véritablement répondre « oui » à un autre moment. Dire « non » préserve nos forces et nos envies, ce qui nous permet ensuite de continuer à donner, de façon équilibrée et avec enthousiasme.
Alors, même si ce n'est pas évident les premiers temps, il est important de travailler ce point et d'y penser avant de répondre oui ou non. « Est-ce que ça me convient vraiment ? En ai-je la force ? Est-ce compatible avec ma vie de famille ? » Si l'on obtient des réponses négatives à ces questions, alors on pourra posément décliner la demande d'aide, et dire « non » en toute connaissance de cause. Notez qu'il est tout à fait possible de prendre du temps pour répondre, en disant : « Je dois réfléchir, je te réponds au plus vite. »
Si par hasard un sentiment de culpabilité nous assaille après cela, ou des pensées noires du type « Il (elle) doit être très déçu(e) par moi, il (elle) ne va plus m'aimer », il faut nous répéter que nous avons choisi selon notre vérité propre, et non selon « ce que les autres vont penser de nous. »
En outre, lorsque nous sommes en accord avec nous-mêmes, lorsque nous croyons en nous, et nous considérons comme quelqu'un de bien, cela rayonne sur notre visage. C'est la chose la plus importante et la plus authentique, qui maintiendra également notre capacité et notre volonté de donner à l'avenir !
Bonne chance !