Andrew Warhola, né en 1932 de parents d’origine tchèque, immigrés aux USA dans la ville industrielle de Pittsburgh, est un enfant malingre, couvé, qui est atteint d’une maladie rare (la danse de Saint-Guy). Il restera de longues journées aux côtés de sa mère et, assis à la table de la cuisine, observera et recopiera tout ce qui s’y trouve. Introverti, incapable de communiquer spontanément avec des enfants de son âge, il se crée un univers à lui, s’inspirant des icônes de l’église byzantine que sa mère fréquentait et découpant dans les journaux les photos des stars de l’époque.
Aujourd’hui, Warhola aurait sans doute été diagnostiqué comme souffrant d’un trouble psychologique appartenant au spectre de l’autisme.
Adolescent, il s’arrache au tablier de sa mère et monte à New York. Il travaille dans la publicité, rapidement recherché par les plus grands magazines ; puis, virage vers les arts plastiques purs, il devient Andy Warhol, le roi du Pop Art.
Si la définition d’un artiste est celui qui, par une intuitivité hyper aiguisée, sait capter l’air de son temps et le traduire via un média qu’il maîtrise (écriture, peinture, musique), Warhol n’est pas par hasard l’un des plus grands artistes du 20ème siècle.
Les années soixante avec leur boulimie de consommation, leurs supermarchés aux rayons colorés et répétés à l’infini, leur surabondance matérielle, ont été retranscrites génialement par lui.
A star is… dead
En août 1962, la plus grande star d'Hollywood meurt tragiquement.
Warhol perçoit le drame de l’actrice, dont l’image fut utilisée à outrance par tous les supports médiatiques, comme celui d’un être qu'on aurait "consommé" abusivement. Cette femme-produit, fragile, tendre et pourtant réduite à un cliché rabâché à l’infini, sera jetée en pâture à l’appétit vorace du public et va inspirer Warhol. Il crée 4 mois après sa mort le « Diptyque Marylin ».
D’une photo classique du visage de l’actrice, il fait une sérigraphie de petits portraits accolés les uns aux autres, y appose des aplats de couleurs vives et kitsch sur le côté gauche de la toile : c’est la représentation iconique de la comédienne de son vivant sur les écrans et magazines à papier glacé. Sur la droite, les portraits passent au noir et blanc, et se fanent au fur et à mesure, se brouillent, s’entachent, pour finalement s’éteindre.
En 50 photos au format passeport, Warhol dit tout sur la société de consommation et assène sur elle la critique la plus virulente qui soit, avec laquelle aucun slogan ou manifeste écrit ne peut rivaliser.
Une multiplication à l'excès mène à l’anéantissement. D’un être, d’un objet, mais aussi d’une société.
Pop mais cher…
Christie’s a vendu la semaine dernière une des œuvres de Warhol au prix record (et effarant) de 195 millions de dollars.
Adjugé en 4 minutes.
On reste bête. L’art POPulaire se vend bien.
Warhol est entraîné vers une totale incohérence dans sa démarche, car le système qu’il dénonce dans ses œuvres sera en fin de compte celui qui l’enrichira et le fera entrer par la grande porte dans l’artistically correct. De son vivant et bien avant la vente faramineuse de cette toile, il deviendra le peintre des stars et prendra des commandes contre des cachets exorbitants.
Marginal, décadent, étrange, son atelier The Factory, lieu ultra-branché de Manhattan, sera aussi récupéré par la consumer society, et son design repris en masse par les… masses. Warhol a peut-être perçu génialement les travers de son époque, mais il y sombre lui aussi, devenant un maillon de cette chaîne de production. Quelques années avant sa mort, il fera un come-back surprenant vers la religion de sa mère. C’est vers la spiritualité qu’il se tournera en fin de compte, après avoir exploré et exploité tout ce que le matérialisme avait à offrir.
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Notre chance est que, riches des expérimentations idéologiques passées (artistiques, politiques, philosophiques), hissés sur leurs épaules avec vue prenante sur tous leurs échecs, il ne nous reste en fin de compte plus qu'à chercher honnêtement le dernier îlot d’authenticité. Et il existe.
Tous les juifs sont à la recherche du nouveau, de l’inédit, car une vibration en eux les anime, héritée de leur ancêtre Avraham. Lorsqu’ils ont laissé échapper leur talent sur « les terres étrangères », ils sont devenus les Mahler, Modigliani ou Proust. Et même les Gainsbourg. Mais leur bateau s’est perdu en mer sans atteindre le rivage.
Ceux qui ont su cultiver leur étincelle d’anticonformisme sur le bon terreau, la préserver tout en la faisant rayonner autour d’eux, sont eux, les authentiques avant-gardistes de ce monde. Véritablement originaux, car s’abreuvant à l’Origine, penchés sur les textes saints, reliés à l'éternité, ils n’ont besoin d’aucun artifice pour exprimer leur art : celui de savoir lire le monde à travers la Parole de D.ieu.