Alors qu’Israël est en pleine guerre et que la Hiloula annuelle de Moché Rabbénou approche à grands pas, nous avons rencontré Mendy ‘Haviv, responsable du District Centre de Zaka. Il nous dévoile les dessous de cette coutume ancestrale et nous dresse un bilan de ses actions depuis le 7 octobre.
Une coutume méconnue de la plupart d’entre nous (mais d’une importance capitale, comme nous allons le voir) est celle de la Sé’oudat Mitsva du 7 Adar (qui est la date de décès de Moché Rabbénou) organisée chaque année depuis des temps immémoriaux par les membres de la ‘Hévra Kadicha des différentes communautés juives de par le monde.
L’occasion pour les bénévoles de s’amender, de célébrer la Hiloula de Moché Rabbénou mais aussi d’implorer le pardon des défunts, comme le veut la coutume.
Mendy ‘Haviv est responsable du District Centre à Zaka (organisme qui se charge d’octroyer aux morts les derniers honneurs). Après le 7 octobre, il a passé 3 mois en compagnie de ses équipes à effectuer l’ineffable tâche de se charger des dépouilles sur les zones sinistrées. Dans un entretien accordé à Torah-Box Magazine, il nous révèle la signification du 7 Adar pour la ‘Hévra Kadicha et les bénévoles de Zaka, et nous parle du caractère très particulier de l’évènement cette année spécifiquement.
"Mendy ‘Haviv, Chalom. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis marié et père de 8 enfants. J’habite Kfar ‘Habad, dans le centre du pays. Je suis bénévole à Zaka depuis de nombreuses années. Je suis aussi le fils du Rav Its’hak ‘Haviv, qui intervient régulièrement sur Torah-Box.
Quelle est la signification du 7 Adar pour les employés de la ‘Hévra Kadicha et toutes les personnes qui s’occupent des défunts ?
Cette date est très particulière. C’est celle de la Hiloula de Moché Rabbénou qui, en plus d’avoir délivré les Hébreux d’Égypte, fut aussi le premier bénévole Zaka de l’Histoire, pour ainsi dire ! Moché s’occupa en effet de récupérer les ossements de Yossef Hatsadik qui étaient ensevelis en Égypte, et de les ramener avec le peuple en Erets Israël. Tous ceux qui s’occupent du Kavod Hamet (derniers honneurs à rendre à un défunt) voient en Moché Rabbénou un modèle et un pionnier. Nos Sages enseignent aussi que le seul jour où les membres de la ‘Hévra Kadicha à l’époque de la sortie d’Égypte chômèrent est le 7 Adar, puisque c’est D.ieu en personne qui Se chargea de son enterrement. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que le 7 Adar n’est pas seulement la date de la disparition de Moché, c’est aussi et surtout sa date de naissance ! C’est en ce jour qu’est né le libérateur des Juifs et donc l’espoir d’être délivré, qui s’est finalement concrétisé. Il était donc naturel que ce jour soit choisi pour s’amender, jeûner et demander pardon aux défunts.
Une date vraiment spéciale, en effet. En quoi est-il nécessaire de demander pardon aux défunts ?
Pour le judaïsme, l’âme, la Néchama, est sainte, mais le corps qui accueille cette âme lors de son passage sur terre l’est presque tout autant. C’est de là que découle d’ailleurs l’interdiction d’attenter au corps, de se faire incinérer etc. Or les membres de la ‘Hévra Kadicha craignent d’avoir, de manière inintentionnelle, manqué de respect aux dépouilles. En général, lorsque l’on demande pardon à une personne et que celle-ci nous accorde son pardon, elle nous demande à son tour de l’excuser. Or lorsqu’on a affaire à des défunts, la réciproque est impossible et l’on craint qu’une accusation ne s’élève contre le défunt. C’est pourquoi l’on jeûne pour implorer Hachem d’effacer toutes les fautes de part et d’autres et l’on brise ce jeûne par une grande Sé’oudat Mitsva en l’honneur de Moché Rabbénou. Cette année, dans le contexte spécifique actuel, un très grand événement réunissant tous les employés de la ‘Hévra Kadicha et tous les bénévoles Zaka d’Israël se tiendra à Jérusalem.
Qu’est-ce que ce repas apporte aux bénévoles de manière générale, et cette année en particulier ?
Comme on le sait, ceux qui s’occupent des défunts effectuent un travail d’une immense sainteté, sans aucune contrepartie puisqu’ils sont bénévoles et que le défunt ne peut évidemment pas les remercier. Il s’agit d’une tâche éprouvante, très physique, infiniment triste et difficile que peu de personnes sont capables d’effectuer. Le fait de se retrouver tous ensemble chaque année autour d’un événement central où l’on va pouvoir parler à des gens qui vivent les mêmes expériences a une vertu thérapeutique, littéralement. Il n’est pas rare de voir les bénévoles s’installer en cercles et s’ouvrir les uns aux autres spontanément, comme lors de cercles de parole. Je pense personnellement que ce n’est pas un hasard si cette date coïncide avec la période où l’on doit donner le Ma’hatsit Hachékel, lui aussi symbole d’unité et du besoin que nous avons les uns des autres.
Rav ‘Haviv, vous avez passé 3 mois à vous occuper des dépouilles au sein des Kibboutzim touchés par le pogrom du 7 octobre. Comment se remet-on des visions auxquelles vous avez été exposé avec vos équipes ?
Je ne sais pas si l’on peut s’en remettre. Nous sommes tous traités sur le plan psychologique. Deux des bénévoles de Zaka, dont un sous mes ordres, sont décédés des suites d’un infarctus suite à ce qu’ils ont vu, puisse D.ieu venger leur sang. Le porte-parole de Zaka a lui aussi subi un arrêt cardiaque et se trouve dans un état préoccupant. Les images que nous avons vues témoignent d’une cruauté indicible. Mais comme lors de Pourim où ceux qui voulaient nous exterminer non seulement n’y sont pas arrivés, mais ont en plus contribué à ce qu’une fête d’une sainteté suprême nous soit octroyée, de même nous avons la foi que nos ennemis, même s’ils ont réussi à nous porter un coup dur, n’ont fait que nous renforcer autour de l’attente de notre Délivrance prochaine, avec l’aide de D.ieu.
Une personne qui n’a pas la foi peut-elle à votre avis effectuer un tel travail ?
Une personne qui n’a hélas pas la Émouna pourra probablement s’occuper des défunts, pour peu qu’elle soit bien constituée physiquement et solide sur le plan psychologique. Mais la question est de savoir dans quel état elle-même sortira de cette expérience… Et de ce point de vue, je pense effectivement que sans la foi, il est impossible de survivre et de vivre une fois que l’on a vu ce que l’on a vu.
Y a-t-il une petite lueur dans toute l’obscurité que vous avez rencontrée ?
Sans aucun doute ! La Providence nous accompagne à chaque seconde, je peux en témoigner. Même au sein des ténèbres les plus profondes, nous avons vu d’innombrables miracles. Je pense notamment à une maison de Kfar ‘Aza, dans laquelle nous étions absolument certains de ne trouver aucun survivant. Elle avait été intégralement incendiée, après le passage des terroristes qui l’avaient criblée de balles dans chaque recoin. Sur place, nous n’avons étonnement trouvé personne. Et quelques jours plus tard, la locataire des lieux est arrivée et nous a surpris en nous révélant qu’elle ainsi que toute sa famille étaient sains et saufs ! La Présence d’Hachem est incontestable, nous voyons que c’est Lui qui gère Son monde et octroie la vie à qui Il le souhaite.
Merci Rav ‘Haviv, puisse Hachem panser nos plaies et délivrer le peuple juif de ses ennemis !