La carte de route du cerveau semble plus complexe et plus ramifiée qu’une cartographie de l’univers. Dans une odyssée fantastique, les hommes depuis la nuit des temps ont voulu découvrir ce qui se cache dans notre encéphale. Comment peut-il générer l’immatériel, la délicatesse d’une inspiration, la complexité d’une idée ? Et pas seulement : sentiments, langage, conscience, imagination, tout l’éventail subtil de l’esprit humain, se trouverait-il dans cette masse gélatineuse d’1,3 kg ?
Carte de visite
Il contient 100 milliards de cellules nerveuses, reliées entre elles par un réseau tentaculaire de plus d’un million de milliards de connexions. Il baigne dans un liquide nutritif, est entouré par 3 enveloppes protectrices - les méninges -, se nourrit spécialement de glucose et utilise 20% de notre énergie.
C’est notre tour de contrôle, au sommet d’une longue épine dorsale et reliée à elle par une infinité d’embranchements nerveux.
Notre matière grise est si précieuse qu’elle est conservée dans un écrin osseux plus dur qu’une noix de coco, et à l’abri dans cette boîte noire, se trouve toute l’énigme de la pensée humaine. La capacité à « réfléchir » est un phénomène unique à l’homme. Aucune créature vivante à part lui n’a une conscience de lui-même qui lui permette de se regarder vivre, de se « projeter » à l’extérieur de sa personne, en se réfléchissant. Sans cette résonnance, même l’animal le plus évolué reste enfermé dans sa matière, sans aucune possibilité de voir jaillir de lui l’intelligence.
Petit historique cérébral…
Le cerveau, jusqu’au 17ème siècle, n’était pas le favorite des anatomistes. On pensait jusque là, avec Aristote à l’antiquité, que l’organe roi et le centre du fonctionnement humain, facultés cognitives incluses, était situé dans le cœur. En effet, il réagit aux sentiments, palpite, vibre, tachycarde et réagit au quart de tour aux stimuli extérieurs. Cela le rend vivant et plus enclin à être le noyau de la fantastique machine humaine. Alors que le cerveau, SIM froid et mécanique, semblait plutôt gérer les automatismes ou faire fonction de radiateur qui tempérerait le flux sanguin du corps. Platon, intuitif, réfutait déjà la prédominance du cœur, et pariait sur le cerveau. Mais il était pratiquement seul.
On négligea donc pendant des siècles la matière grisâtre, aux denses circonvolutions, située entre nos oreilles.
Au sortir du Moyen Âge - où les avancées scientifiques s’étaient figées, les dissections étant interdites -, le corps humain et le système nerveux passionnent érudits, scientifiques et philosophes. On comprend qu’une lésion au cerveau entraîne le dysfonctionnement d’un membre éloigné de la tête ; on découvre qu’il est compartimenté en diverses régions, les lobes. Au 17 et 18ème siècles, Descartes et La Mettrie essayent de déchiffrer l’énigme par excellence : comment matériel et immatériel, corps et esprit, cohabitent en nous. Leurs conclusions sont à l’opposé.
Le premier sépare la matière corporelle et la matière pensante en deux entités totalement différentes, et le second, lui, remplace l’âme par le cerveau et « matérialise » le corps humain en une machine uniquement fonctionnelle. Le 19ème siècle commence à compartimenter les diverses fonctions mentales, comme l’imagination, la mémoire, la vision, la coordination des mouvements, dans les régions spécifiques du cerveau.
Paul Broca (1824-1880), médecin, anatomiste, anthropologue, s’occupe d’un patient aphasique (qui a perdu l’aptitude de la parole) qui ne parvient à prononcer qu’une syllabe « tan », et qu’on surnomme M. Tan dans le corps médical. Broca découvrira qu’en effet, dans son cerveau, le centre du langage a été endommagé et cette zone responsable de la parole s’appellera dorénavant l’aire de Broca.
L’affaire Phileas Gage (1823-1860), contremaître des chemins de fer américains, qui en travaillant avec de la dynamite, reçoit une barre de fer qui traverse son crâne, prouverait que même la personnalité d’un individu trouve sa source dans un lobe du cerveau. Gage, lors de l’accident, ne meurt pas mais perd son œil gauche. Il revient à lui et va survivre. Mais d’un gentleman attentionné, distingué, raffiné, il se métamorphose après ce traumatisme crânien en un goujat, pestant et vulgaire. Les scientifiques concluront que c’est là, la conséquence des dégâts causés à la région cervicale responsable du comportement.
Son cas deviendra une source d’étude, qui passionnera grand public et spécialistes.
Voyage en eaux troubles
Les années 90 ont été proclamées “Décennie du cerveau” par le président Bush senior et l’étude des neurosciences va prendre un essor foudroyant. Les vannes des connaissances dans ce domaine s’ouvriront, permettant de comprendre et de soigner plus efficacement les maladies neuro-cérébrales comme Parkinson, Alzheimer, l’autisme et les accidents vasculaires cérébraux.
Mais la fantastique épopée du cerveau commencée à l’aube de l’humanité voyage aujourd’hui en eaux troubles. Les découvertes accumulées au fil des siècles sur les merveilles de notre encéphale auraient pu conduire à l'humilité et à reconnaître qu’il est statistiquement impossible que cette prodigieuse organisation cérébrale se soit effectuée de façon fortuite. À la place, les chercheurs s’enorgueillissent de leurs trouvailles, pensent qu’ils vont en prendre le contrôle et oublient que ce qu'ils découvrent, ils y parviennent grâce à leur… cerveau.
Vos sentiments, avancent-ils, sont provoqués par une décharge électro-magnéto-chimique, vos accès de colère également, vos sympathies (et vos antipathies) de même. La conscience - c’est pour bientôt, on nous le promet -, se cacherait derrière une combinaison savante de cellules nerveuses via leurs synapses. Ils croient trouver “le mystère de la pensée au bout de leurs microscopes”.
Toute la subtilité de l'esprit humain réduite à des échanges de substance neuronale !
Les partisans du transhumanisme, qui rêvent d’un surhomme, augmenté, performant, presque immortel, s’enthousiasment. Car si tout est matière, on pourra aisément “hybrider” homme et robot, pour en faire une créature de laquelle on aura effacé toute erreur de fabrication. C’est l’Homme Total. Cette conception ne fait pas écho qu’à de bons souvenirs dans l’histoire de l’humanité. Les sociétés antiques qui la prônaient, jetaient les bébés portant des anomalies du haut des rochers, et plus proche de nous, nous avons vu à quoi a mené l’idéologie du prototype humain idéal…
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On trouve dans nos Textes millénaires énormément de références à l'encéphale. Dans la langue hébraïque, le mot Roch, tête, vient de Richone, premier : la hiérarchie de nos organes est insérée dans la racine même du terme. Pour nos Sages, il est évident que l'âme, souffle divin et source de vie qui habite le corps entier, prend son ancrage dans le cérébral, (même si le cœur est d’une importance capitale). Chaque jour, un juif dans sa prière, consacre une bénédiction entière à remercier Son Créateur de lui avoir donné intelligence, intuition et discernement.
Comme nous sommes loin de l’arrogance des partisans de l'Intelligence Artificielle !
Cette Tour de Babel qui s’appelle les neurosciences sème en l’homme la confusion et tente de le déconnecter de son élan naturel vers le spirituel. La nouvelle religion demande de se prosterner devant “nos matières”, à l'image du Ba’al Péor biblique. L’intention n’est pas fortuite : si nous ne sommes qu’une addition d’échanges biochimiques, alors tout est permis, et il ne peut exister ni récompense ni punition, ni libre arbitre, ni possibilité de rendre la justice…
Tout est la faute de nos neurones !