Rabbi ‘Haïm Horowitz relate l’histoire suivante : « Dans le monde de la Torah, tout le monde a entendu parler du Machguia’h, le Gaon Rav Chlomo Wolbe. Le Rav Wolbe a enseigné à la Yéchiva Béer Ya’acov et a été une figure admirée.
Il est l’auteur des célèbres ouvrages ‘Alé Chour, dans lesquels il prodigue des conseils aux Juifs sur la manière de se conduire dans diverses circonstances de la vie, et sur l’amélioration du caractère et de la conduite. Il a surtout été considéré comme l’un des plus grands experts en ‘Hinoukh, en éducation, et se distingue par son analyse de la perspective de la Torah sur le rôle des parents et l’éducation de nos enfants. Il a été révéré et admiré par les plus grands Tsadikim de la génération précédente. Mais tout le monde ne sait pas qu’il avait lui-même un fils qui a quitté le droit chemin au point de proclamer qu’il abandonnait la voie de la Torah et des Mitsvot.
Après que son fils eut totalement quitté la voie de la Torah, une fille du Rav Wolbe se fiança, et, après les fiançailles, le nouveau ‘Hatan fut invité pour un repas de Chabbath au foyer des Wolbe, comme c’est l’usage dans les communautés israéliennes. Les préparatifs en vue de l’arrivée du ‘Hatan entraînèrent dans leur sillage un grand enthousiasme : des mets spéciaux furent cuisinés et la table fut dressée particulièrement joliment. Les couples mariés furent invités et les élèves célibataires qui restaient généralement à la Yéchiva se joignirent également à la famille pour cette occasion spéciale.
Au milieu du repas du Chabbath, on entendit soudain la sonnette ! Tout le monde paniqua en entendant ce son le saint jour du Chabbath. La sonnette retentit à nouveau… et quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit et ils entendirent un « Chabbath Chalom » lancé d’une voix forte.
C’était le fils qui avait quitté la voie de la Torah. Il était venu en voiture et portait ses habits de semaine. D’une main, il avait les clés de sa voiture et de l’autre, un paquet de cigarettes ! Toutes les personnes présentes voulurent disparaître sous terre tant ils éprouvèrent une honte et un embarras intenses. Que penserait le ‘Hatan en voyant une profanation aussi flagrante du Chabbath dans le foyer de sa future épouse ? Ils ne surent comment réagir, et tout le monde se tourna vers le chef de famille, le Rav Wolbe. Ils l’observèrent et apprirent comment un parent doit agir dans une situation aussi terrible.
Cet homme remarquable aurait pu, avec raison, s’en prendre à son fils et hurler : « Tu savais que nous organisions un repas spécial pour le ‘Hatan - et c’est comme ça que tu arrives ? Tu sonnes ? Pourquoi devais-tu agir ainsi ? Tu es tellement effronté ! Tu connaissais l’effet produit en appuyant sur la sonnette ! Tu voulais que tout le monde te regarde - OK, alors tu as reçu ce que tu voulais ! Une telle ‘Houtspa (insolence)! Tu l’as fait exprès pour montrer ton mépris et ta rébellion ! Tu aurais pu frapper à la porte et entrer avec respect, etc. »
Il aurait pu avoir le droit de réagir ainsi, mais ce n’est pas ainsi qu’Hachem veut qu’un père traite son fils dévoyé. Au lieu de cela, le Rav se leva avec un immense sourire qui éclairait son visage, il s’approcha de son fils en lui ouvrant les bras pour l’embrasser avec une immense affection ! Et il dit : « Chabbath Chalom ! C’est super que tu te sois joint à nous ! Nous étions inquiets de n’avoir pas l’honneur de ta présence pour ce repas spécial avec notre nouveau ‘Hatan. » Il prit encore une fois son fils dans les bras, puis le conduisit à table. Il le fit asseoir à côté de lui et s’assura qu’il soit servi immédiatement et ne cessa de chanter ses louanges devant toute la famille. Il continua à l’entourer d’amour et il concentra toute son attention sur lui. Il lui demanda : « Comment vas-tu ?... Tu as l’air en bonne forme aujourd’hui… J’espère que tu as faim… Mais l’essentiel, c’est que tu sois venu, et je l’apprécie énormément. » L’extraordinaire Rav continua à déverser sur lui des mots gentils et des compliments pour booster son estime de soi. À la fin du repas, lorsque tout le monde repartit, Rav Wolbe serra fortement son fils et le remercia de tout cœur d’avoir participé à cette occasion joyeuse en famille : « Notre famille n’aurait pas été complète sans ta présence ici… On est si content que tu sois venu… nous aimons que tu viennes ! »
Le fils fut si ému par tout l’amour et l’acceptation de son père, amplifiée par son arrivée rebelle chez lui, que lorsqu’il quitta le domicile familial et s’approcha de la voiture, il éprouva un profond sentiment qui l’empêcha de mettre le moteur en marche et de profaner le Chabbath. Il laissa les clés au domicile de ses parents, embrassa son père, et repartit chez lui à pied. La chaleur et l’amour reçus par son père, en particulier ce soir-là, rassérénèrent son cœur et lui donnèrent le sentiment qu’il faisait partie de la famille. Et devinez quoi ? À compter de ce soir-là, il décida de modifier sa conduite. Savez-vous ce qui lui est arrivé ? Le fils « rebelle » fit une Téchouva intégrale et devint un véritable homme de Torah. De nombreuses années plus tard, on interrogea ce fils « dévoyé » : « Pourquoi êtes-vous retourné au mode de vie de la Torah ? » Il répondit en ces termes : « L’amour spécial et sincère que j’ai reçu de mon père ce Chabbath-là, l’accueil qu’il me fit sans aucune condition, bien que j’eusse profané le Chabbath devant lui, que j’eusse agi avec tant de rébellion en sonnant à la porte, en entrant avec mes cigarettes, il ne s’énerva pas contre moi et ne me réprimanda pas, il ne me força même pas à porter une Kippa à la table du Chabbath ou à réciter une Brakha, au lieu de cela, il m’entoura de beaucoup de chaleur et d’amour - ceci et seulement ceci est ce qui m’a ramené à la Torah !! » C’est le pouvoir immense de la chaleur et de l’amour qu’il nous faut donner à nos enfants en difficulté.
P.S. Nous comprenons désormais pourquoi le ‘Hazon Ich avait qualité le Rav Wolbe de « Mé’hanèkh Hador, l’éducateur de la génération » !