La vie du Ram’hal est exceptionnelle, sa fin tragique. Quant à ses écrits, ils sont sublimes. Au-delà des péripéties et des bouleversements de son histoire, est perceptible la profonde unité de sa personnalité et de son œuvre.
Ram’hal, initiales de Rabbi Moché Haïm Luzzatto (1707-1746), est sans doute l'un des maîtres les plus prolifiques et les plus innovateurs que le judaïsme ait connus après Maïmonide. Kabbaliste et logicien, talmudiste et poète, moraliste et grammairien, théologien et dramaturge – telles sont les facettes apparemment antinomiques de la personnalité exceptionnellement riche de ce géant de la Torah.
Mais le Ram’hal est d'abord le plus grand érudit de la Kabbale qui a pensé la véritable dimension ésotérique en termes rationnels. Ainsi, il a clairement défini les fondements authentiques de la foi juive à partir de la Kabbale (Dérekh Hachem, La voie de D.ieu).
Un génie qui suscite la controverse
Il naît en 1707 dans le ghetto de Padoue (Italie), qu'il ne quittera qu'en 1735. La virulence des calomnies et les violentes attaques contre ses écrits l'obligent alors à quitter sa ville natale pour Amsterdam. Dès leur diffusion en effet, les écrits de Ram’hal soulèvent une polémique sans merci. Ils sont bientôt attaqués avec une violence inouïe par les rabbins de Venise, puis par ceux de Francfort lors du passage du maître dans cette ville en 1735.
En réalité, la raison de cette grande controverse ne réside pas dans la propagation de la Kabbale par un jeune homme qui irrite les maîtres de sa génération, mais dans l'idée du messianisme qui émane de l'œuvre Ram’halienne. En effet, le Ram’hal a reçu la révélation d'un Maguid – un narrateur céleste – en 1727, qui lui dicte le Zohar Tin'yana ou le Second Zohar pour la Délivrance. À l'instar de Rabbi Chim’on Bar Yo'haï, le maître du Zohar, Ram’hal s'impose dès l'âge de vingt ans dans le canon Torahique.
Pourtant, en 1730, sous la pression des maîtres de sa génération, hantés par l'idée du "faux messie", le Ram’hal accepte de signer un "aveu", sur le conseil de son maître, Rabbi Isaïe Bassan. Cet aveu stipule l'interdiction d'écrire les secrets ou les révélations sous la forme araméenne du Zohar. La signature de l'aveu n'apaise pas les détracteurs du Ram’hal, et les attaques se poursuivent sans répit, jusqu'au début de l'année 1735 où le grand génie de la Kabbale est contraint de quitter l’Italie pour Amsterdam. Il fait une escale dans le Beth Midrach de Rabbi Ya’akov Papirach, à Francfort. Il espère que dans cette ville d'érudits, il pourra s'employer à dissiper les malentendus dont il est victime. Mais il est menacé de 'Herem (anathème), s'il ne signe pas un second aveu qui, cette fois, stipule l'interdiction d'écrire des ouvrages sur la Kabbale, de l'enseigner et même de l'étudier, avant l'âge de quarante ans.
Accès incontesté à la postérité éternelle
Après avoir signé, le Ram’hal se rend à Amsterdam. Dans cette ville, il peut enfin retrouver une vie plus sereine et il compose des œuvres ayant trait, non pas à la Kabbale directement, mais à l'éthique et à la foi. En 1740, il publie un livre, le traité de Moussar (éthique juive) le plus remarquable qui ait jamais été écrit : Messilat Yécharim, La voie des Justes. Toutes les communautés de la Diaspora adoptent sans hésiter cet ouvrage, qui devient ainsi le traité fondamental de la morale juive.
Pourtant, Messilat Yécharim est plus qu'un livre de morale. Le Ram’hal y enseigne la voie de la perfection qui conduit au but ultime : la prophétie. Il y montre la voie de la piété authentique, tant recherchée par les véritables maîtres de la Torah qui aspirent à l'union avec D.ieu.
À Amsterdam où il vit jusqu'en 1743, Ram’hal publie une dizaine d'ouvrages, dont le fameux Dérekh Hachem – La Voie de D.ieu, véritable sommet de la foi juive.
En 1743, Ram’hal quitte Amsterdam pour se rendre en Erets Israël, à Acco (Acre). Trois ans plus tard, en 1746, le 26 Iyar, alors qu'il n'est âgé que de 39 ans, il est victime d'une épidémie et quitte ce monde pour rejoindre les saints d'Israël. Il est enterré à Tibériade, à côté de Rabbi ‘Akiva.
La vie du Ram’hal est exceptionnelle, sa fin tragique. Quant à ses écrits, ils sont sublimes. Au-delà des péripéties et des bouleversements de son histoire, est perceptible la profonde unité de sa personnalité et de son œuvre.
Au-delà de la symbolique et du rationnel, au-delà de l'éthique et de la mystique, il y a quelque chose dans l'œuvre Ram’halienne de l'ordre du conscient universel, il s'agit du Yi’houd, l'Unité absolue.
L'œuvre du Ram’hal inaugure l'ère messianique qui libère les hommes du dualisme et les conduit vers l'Unité ultime pour atteindre la Dvékout, l'adhésion. La totalité de cette œuvre est presque entièrement consacrée à la connaissance de la Hanhaga, la direction divine du monde, et à son but ultime, le Guilouï Yi’houdo, la révélation de l'Unité.