Marceline Loridan-Ivens, née Rozenberg, juive, française, fut arrêtée à 15 ans par la Gestapo et internée successivement à Auschwitz, Bergen-Belsen et Theresienstadt.
Elle revendique pour elle-même l’appellation « survivante » de la Shoa, terme à ses yeux bien plus exact que « rescapée ». Car selon elle, on restera toute sa vie une survivante après les camps. Elle fut une cinéaste de courts-métrages et de films documentaires, intervenant à de nombreuses reprises dans les médias sur son expérience dans l’enfer concentrationnaire.
Elle utilisait souvent une phrase, déconcertante, sur ceux qui perpétrèrent ou assistèrent passifs à l'extermination des juifs : « Ils ne nous pardonneront pas le mal qu’ils nous ont fait ». Étrange formulation.
Comme si la victime ne peut être pardonnée du mal qu’on lui a fait. En effet. Quand le mal est trop abominable, qu’il dépasse l’entendement - comme la Shoa le fut, monstrueuse anomalie de l’histoire universelle -, le meurtrier ne peut plus demander pardon. La culpabilité est si grande, si étouffante que la seule possibilité de se libérer de cette conscience qui torture, est de pointer un doigt accusateur sur la victime : toi aussi tu es mauvais et tu perpètres des actes hautement répréhensibles par la morale. Psychologiquement parlant, c’est la seule issue du criminel pour survivre au mal qu’il a fait : accuser sa victime.
Doucement, doucement, de façon pernicieuse depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, avec l’apparition de l’Etat hébreu sur la place géopolitique, les nations n’auront de cesse de nous accuser de tous les maux. Ces condamnations systématiques d'Israël sont la soupape soulageante d’une conscience bien trop chargée. L’Europe a choisi de pointer automatiquement le doigt sur son ancienne victime et de l’affubler de toutes les exactions commises contre elle, il y a 80 ans. On entendra donc sur Israël : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide palestinien, manque de symétrie dans la riposte, frappes démesurées, meurtres de femmes et d’enfants etc… Et une oreille attentive décèlera dans le choix de ces termes une pathétique rengaine en arrière-fond, celle d’une culpabilité abyssale. (Rav Kaufmann, fils de déporté, dans une analyse excessivement pertinente, pense que la démission des valeurs de l’Occident moderne, la permissivité à outrance, la déliquescence des mœurs prend directement sa source dans cette Europe qui dorénavant ne pourra plus se regarder dans une glace et choisit la décadence comme seule issue à son impasse.)
C’est sur la base de cette culpabilité étouffante que l’Occident, aujourd’hui, se permet de juger Israël, alors qu’il aurait dû, après l’infamie des déportations, s’astreindre au moins à la décence du silence.
4360 roquettes tombent sur le pays, envoyées par le ‘Hamas sur la population civile israélienne : nous sommes les coupables. Les émeutes à Lod et à Acco : les colons ont provoqué. La riposte de Tsahal, tout aussi ciblée soit-elle, aussi humaine soit-elle, sera toujours jugée asymétrique, trop forte. On veut nous faire endosser la cuirasse de Goliath, et donner aux Palestiniens la fronde de David. Habile tour de passe-passe dans lequel ‘Essav excelle : se présenter comme le héraut de l’humanisme, lire les événements dans une extrême superficialité et tirer les conclusions qui le caressent : décidément, Israël exagère, outrepasse les bornes, tue des innocents. Les photos d’enfants en pleurs dans les rues de Gaza rentrent parfaitement dans le narratif larmoyant d’Edom : Israël est aussi une criminelle de guerre. Ouf ! On respire.
Malheureusement, certains des nôtres tendent naïvement leur poitrine devant ce peloton d’exécution, parfaitement rodé et prémédité : l’israélien laïc dont l’identité s’est cristallisée en 1948 sent comme une fissure se lézarder en lui et, devant les images de la petite Palestinienne en pleurs sous les bombardements et les malicieux raccourcis des médias à l'affût, ses convictions s’ébranlent. Comment justifier la perte d’enfants innocents, même si son armée, celle dans laquelle lui et son fils ont servi loyalement, est de très loin la plus humaine au monde ?
Le juif déconnecté de sa judaïté, humaniste et compatissant, qui a troqué les Mitsvot contre la Charte des droits de l’homme, a également l’impression, devant cette mise en scène bien orchestrée des médias et de l’opinion publique, d’être coupable. Il se doit de dénoncer ses frères, à l'image de ces juifs italiens qui ont manifesté dernièrement, après l’opération « Gardien des Remparts », se désolidarisant de la riposte si légitime d’Israël, portant des affiches où il était écrit « Non a nostro nome » - pas en notre nom… Honteux, confus, ils pensent devoir s’excuser… quelle désolation ! Quelle lecture erronée de la réalité… Ils tombent dans le panneau des ennemis du peuple juif, les plus cyniques et les plus pervers.
Sachons que notre légitimité à vivre en tant que Juifs, à habiter cette terre, ne viendra pas d’eux. Comme l’immense Rachi l’explique et l’a pressenti, viendra un temps où les Nations nous accuseront d’avoir volé cette terre. Mais D.ieu, dans Son infinie bonté, aura déjà préparé la réplique, écrite dans Sa Torah depuis la nuit des temps : « De même que Terre et Ciel, Je les ai créés pour Israël, de même c’est Moi qui ai attribué ce lieu (Erets Israël) à Mon Peuple. »
Le contrat est clair, il ne nous reste qu'à honorer ses clauses : être les enfants fidèles de D.ieu, accomplir Sa volonté et recevoir toutes Ses bénédictions.
Ne jouons pas le jeu de nos ennemis, ceux qui, pour se soulager de leurs crimes, nous ont depuis longtemps préparé le garrot.
« Jamais, ils ne nous pardonneront le mal qu’ils nous ont fait. »