Nous allons expliquer ci-après que la prière est une requête que l’homme adresse directement à son Créateur sans qu’il n’y ait d’intermédiaire entre eux. Aucune entrave ne se place entre l’homme et D.ieu Tout puissant qui entend et reçoit toutes les prières.
Le Ram’hal a écrit (Messilat Yécharim, chap.19) : « Celui qui est intelligent et sensé pourra, avec peu de réflexion, concevoir ce qu’est véritablement une prière et comprendre qu’il peut créer une relation intime avec Hachem. Il méditera sur la manière de se répandre en supplications devant Lui et de Lui adresser ses demandes, et sur celle dont le Saint Béni Soit-Il, l’écoute attentive comme un homme prête attention aux paroles de son prochain. »
Le plus souvent, ce qui amène l’homme à renoncer au pouvoir de la prière est ce sentiment inapproprié d’humilité qui le gagne et fait naître en lui des interrogations telles que : « Qui suis-je pour que D.ieu Tout-Puissant accepte mes prières ? Hachem va-t-il écouter les prières d’une personne telle que moi ? » Or, tout ceci n’est que le jeu du Yétser Har’a (le mauvais penchant) qui cherche à détourner l’homme de ses tentatives pour se rapprocher de D.ieu. En réalité, aucune séparation ne fait écran entre l’homme et D.ieu et empêche une prière d’être acceptée. Bien au contraire, adresser nos suppliques à un intermédiaire est interdit, ce serait considéré comme de l’idolâtrie. Et c’est la différence qui existe entre nous et les nations du monde, comme il est dit (Dévarim 4, 7) : « Car qui [est] une grande nation ayant Elokim proche d’elle, comme Hachem, notre Elokim [l’est] dans tous nos appels vers Lui ? » Nos prières, nous avons l’obligation de les adresser directement à D.ieu Tout Puissant et uniquement à Lui. C’est d’ailleurs ce que les Sages de la Grande Assemblée ont instauré en rédigeant la formule "Baroukh Ata", "Béni Sois-Tu", au singulier, formule que nous utilisons pour nous adresser à Lui.
Voici les propos rapportés dans l’ouvrage Beit Elokim du Mabi’t : « Le terme "MéhaKel" (de D.ieu) est là pour nous enseigner que nous ne devons adresser nos demandes et nos requêtes qu’à "HaKel Hitbarakh" (D.ieu, Béni Soit-Il) et non aux anges des mondes supérieurs auxquels nous ne sommes pas assujettis. Même au moment où le peuple d’Israël a été infidèle et qu’il lui a été dit « Voici que Je t’envoie un ange devant toi pour te garder en chemin… » (Chémot 23, 20) et « Prends garde à lui… ne l’irrite pas ! Car il ne pardonnera pas votre transgression… » (Ibid., 21), bien qu’à priori, il semblerait que l’ange ait été un intermédiaire entre notre Créateur et nous, la Torah nous éclaire immédiatement en précisant que sa fonction était uniquement d’amener le peuple en Erets Israël. Il est écrit en effet (Ibid., 23) : « Car mon ange ira devant toi… ». Compte tenu de tout ceci, nous ne sommes autorisés à adresser nos prières qu’à Hachem, car Il est le D.ieu unique et Il veille sur nous tous et sur chacun individuellement. »
Dans ce même ouvrage, est évoqué également le point suivant : « La Torah a implicitement donné une autre raison au fait que nos prières doivent s’adresser à D.ieu uniquement et non à un intermédiaire : D.ieu seul a la possibilité de pourvoir aux besoins de tous ceux qui L’invoquent. A ce sujet il est dit : « Vous servirez Hachem votre D.ieu ». En effet, le Maître du monde peut rendre le pain et l’eau abondants et également arrêter les maladies, ce qui n’est pas le cas d’un homme. Ainsi, si tu pries autrui de t’accorder des bienfaits, il ne pourra pas te sauver du mal. Et si toutefois il y parvient, il ne pourra pas te faire du bien. En effet, même les anges ont chacun une fonction précise et ne peuvent faire la volonté d’un homme si cela ne fait pas partie de leurs facultés. Et même dans ce cas, ils ne peuvent agir qu’avec la permission de D.ieu. »
Dans le Talmud Yérouchalmi, Traité Brakhot (Chap. Haroé), il est dit : Lorsqu’il arrive un malheur à un être de chair et de sang, il se présente à l’entrée de la maison d’un riche gouverneur et envoie un membre de sa maison l’avertir de sa présence. Cependant, D.ieu n’est pas comme ce gouverneur, il n’a pas besoin qu’on vienne le prévenir. Ainsi, dans la souffrance, l’homme n’appellera pas l’ange Mikhael ou Gavriel afin qu’il aille avertir D.ieu de sa présence mais il criera directement vers Lui, comme il est écrit (Yoël 3, 5) : « Alors quiconque invoquera le nom de l’Eternel sera sauvé ». Comme le serviteur avec son maître, s’il s’adresse à eux, ils devront demander de l’autorisation à D.ieu pour intervenir. Cette parabole est une mise en garde. En servant Hachem de tout son cœur, c’est-à-dire en priant avec ferveur, convaincu que D.ieu est le Seul à qui s’adresser, l’homme verra tous ses désirs et ses souhaits s’accomplir tôt ou tard. Hachem l’inondera de Ses bienfaits et écartera de lui tout mal.
Certains parmi les impies pensent que D.ieu, du fait de sa grandeur infinie, ne se préoccupe pas de ce bas monde. Ce verset est là pour leur montrer leur erreur (Irmyia 32, 27) : « Certes, Je suis l’Eternel D.ieu de toute chair », Je veille sur tous les êtres même s’ils sont inférieurs de par leur composition matérielle, car il ne convient pas que quelque chose leur soit impossible. Par conséquent, Je veille sur chaque détail de leur vie car Je suis leur D.ieu.
Lorsque Ya’akov combattit l’ange, il lui demanda : « Quel est ton nom ? » (Béréchit 32, 30) Le commentateur, le Emek Davar, explique que cette question étonna l’ange, c’est pourquoi il répondit en disant : « Pourquoi demandes-tu mon nom ? ». Ceci revenait à dire : « Pourquoi as-tu besoin de moi ? N’adresses-tu pas tes prières à Hachem, qui est le possesseur de tous les pouvoirs ? »
D’autre part, dans le Talmud Yérouchalmi, il est rapporté l’échange suivant : On a demandé à Rabbi Salmaï la signification du verset (Dévarim 4, 7) : « Qui [est] une grande nation ayant Elokim proche (en hébreu, le mot "proche" est au pluriel) d’elle ? » Il leur a répondu que D.ieu est proche dans toutes sortes de relations, ce que Rav Papa a dit au nom de Rav Yéhouda Bar Simon : Une idole parait proche mais elle n’est que lointaine, pour quelle raison ? « Ils le chargent sur leur épaule, ils le transportent… » (Yéchayiaou 46, 7) Ceci montre bien, qu’en fin de compte, leur dieu est avec eux, dans leur maison. Pourtant, ils crient vers lui jusqu’à mourir mais ni il n’entend, ni il ne les sauve de leur malheur. En revanche, Hachem parait lointain mais il n’y a pas plus proche que Lui, comme le dit Lévi : « De la terre jusqu’au firmament, sur une distance de cinq cents ans, etc… » Voyez comme D.ieu se trouve dans les hauteurs et pourtant un homme peut entrer dans une synagogue, se tenir derrière son pupitre et prier à voix basse et Hachem entend sa prière. Comme il est dit (Chmouel I, 1, 13) : « ‘Hanna parlait en elle-même ; on voyait seulement remuer ses lèvres, mais on n’entendait pas sa voix » et D.ieu l’entendit. Cette proximité, toutes les créatures peuvent en jouir comme le verset y fait allusion (Téhilim 102, 1) : « Prière d’un malheureux qui se sent défaillir… » C’est celle d’un homme qui parle à l’oreille de son ami et celui-ci l’entend. Existe-t-il un D.ieu qui ait une relation plus intime avec Ses créatures ?
Rav Papa a dit : Si quelqu’un fait confiance à un être humain pour qu’il vienne le sauver, à plus forte raison devra-t-il se tourner vers Hachem, Le Maître du monde.
Rav Papa au nom de Rabbi Zé’ïra a dit : Si un homme a un maître et l’importune régulièrement avec des requêtes, ce dernier dira : « Trouve quelqu’un d’autre pour t’aider et arrête de me déranger ». Il n’en est pas ainsi de D.ieu car même tes demandes insistantes, il les recevra comme il est dit (Téhilim 55, 23) : « Décharge-toi sur D.ieu de ton fardeau, il prendra soin de toi ». [Dans le commentaire Maré Hapanim, il est dit : Hachem ne répond pas uniquement aux grands Sages, ni seulement dans les moments de grande détresse mais Il répond à tous les hommes qui L’appellent. Comme il est dit « Alors quiconque invoquera le nom de l’Eternel sera sauvé », de toute peine, même minime, il sera sauvé.]
Rabbi Pin’has au nom de Rabbi Tan’houm Bar ‘Hanihaï a dit : Si des ennemis capturent un homme alors qu’il se trouvait à l’entrée même de la cour de son maître, le temps que ce dernier n’arrive pour lui porter secours, il aurait déjà la gorge tranchée. En effet, un homme n’a pas le pouvoir de répondre immédiatement. En revanche, D.ieu a sauvé Yéhochafat in extremis de l’épée de Aram, alors qu’il était sur le point de lui trancher la gorge, comme il est écrit (Divré Hayamim II, 18, 31) : « Yéhochafat poussa des cris et l’Eternel, venant à son secours, les détourna de lui ».
Le verset des Téhilim (23, 20) « Mais toi, ô D.ieu, ne t’éloigne pas ; Toi qui es ma force, viens vite à mon secours » est expliqué ainsi dans le Targoum Zohar : C’est pourquoi, ne T’éloigne pas pour Te séparer de nous et nous abandonner. Comme si d’ici-bas, le peuple d’Israël Le tenait et ne Le laissait pas s’éloigner. Ainsi, en priant à voix basse comme s’il confiait des secrets à un roi, l’homme maintient D.ieu près de lui car tant que cette relation de confidence existe, Il ne s’écarte pas.
« Toi qui es ma force », le terme qui est employé ici est "ayalouti" qui veut également dire cerf. Il fait allusion à la caractéristique de cet animal qui, lorsqu’il s’éloigne, revient immédiatement à l’endroit qu’il a quitté. De la même manière, D.ieu s’est élevé dans des hauteurs infiniment éloignées et pourtant Il revient promptement à sa place. Pourquoi ? Parce qu’Israël d’en bas Le tient fermement et ne Le laisse pas l’oublier ni s’éloigner. C’est pourquoi, il doit s’attacher à D.ieu et ne pas s’En séparer ne serait-ce qu’un instant. La ‘Amida (prière qu’on dit en chuchotant) qui suit la bénédiction Ga’al Israël est le moment de renforcer ce lien en Lui parlant en secret à voix basse. A ce sujet, il est écrit (Dévarim 4, 4) : « Et vous qui êtes attachés à Hachem, votre Elokim, vous tous êtes vivants aujourd’hui ». (Fin de la citation de l’ouvrage du Mabi’t)