Comment définir le métier d’abatteur rituel ? Comment le devient-on ? Est-ce compatible d’étudier la Torah et d’être au contact du sang ? Cela requiert-il des qualités psychologiques particulières ? Rencontre avec Rav Chalom Saksik, abatteur rituel depuis plus de quarante ans.

Rav Chalom Saksik a écrit un livre sur l’abattage rituel réunissant toutes les lois à consulter pour les professionnels. Il a aussi créé son propre Beth Hamidrach, Cha’aré Chalom, à Créteil. Il nous explique avec une profonde humanité et une solide expérience les coulisses d’un métier peu connu, qui requiert une disposition essentielle : le courage.

Interview.

Rav Saksik, pourriez-vous nous dire qu'est-ce qu'un Cho’hèt ?

C'est un "ustensile sain" : à travers lui, va pouvoir se concrétiser une viande qui était non-Cachère, et qui va devenir maintenant Cachère.

Le travail d'un Cho’hèt est un travail du Ciel qui relie l'homme à D.ieu. Il s’agit d’un travail qui est relié à une Mitsva de la Torah.

Quel est le parcours à effectuer pour devenir Cho’hèt ?

Le parcours du Cho’hèt ne commence pas le jour où il décide de le devenir.

Il commence déjà plusieurs années avant. Pourquoi ? Parce que pour devenir Cho’hèt, il y a une condition impérative et obligatoire, celle d’être un homme qui sait étudier, qui a une connaissance dans l'étude.

Et là seulement, la question peut se poser : "Est-ce que je peux devenir Cho’hèt ?"

Que se passe-t-il une fois l'étude acquise ?

Le Cho’hèt doit se préparer à différentes étapes de formation très techniques.

- l’affûtage : il faut acquérir la main pour pouvoir affûter un couteau qui soit très tranchant et en même temps très lisse, qu'il n’y ait absolument aucune ébréchure. De mon point de vue, cette formation est la plus compliquée, la plus dure concernant le métier de Cho’hèt.

Il faut aussi développer la sensibilité du bout de l'ongle - parce que c'est le bout de l’ongle que l’on passe sur le fil du couteau - et sentir qu'il n’y ait aucune ébréchure, même pas une sensation d’ébréchure. S’il y a quelque chose à cet endroit-là, c'est un couteau qui n'est pas Cachère pour faire la Ché’hita.

- trancher : on passe à l'acte lui-même, qui consiste à apprendre à sectionner une trachée-artère-œsophage, à un endroit exact, avec une force et une concentration précises. C’est une formation qui prend aussi du temps.

Trancher l’œsophage et la trachée artère, quelle est la symbolique ?

Par quel moyen la bête s’attache à la matière ? Par deux tuyaux, la trachée artère – l’air – et l’œsophage – son alimentation. C’est tout ce que la bête fait toute la journée ; elle respire et elle mange. Le travail du Cho’hèt va consister à déconnecter cette bête de la matière en sectionnant ces deux canaux qui la relient à cette matière. Par conséquent, quand cette viande va mériter d’arriver sur la table d’une famille juive, elle va aider le Juif à s’élever, à accomplir les Mitsvot liées aux repas de Chabbath et de Yom Tov.

Après cette formation technique qui dure en moyenne 3 ans, y a-t-il un complément de formation ?

Oui, vous avez le complément de Cho’hèt Oubodek (abatteur et vérificateur).

Ce sont des gens qui ne se sont pas arrêtés seulement à la Ché’hita mais qui ont continué et qui ont appris l'anatomie de la bête, et là où la Torah interdit certaines maladies dans ses organes.

C'est une autre formation qui va commencer, pour apprendre la visite de la bête à l'intérieur, et savoir sélectionner une bête Cachère d’une non-Cachère, c'est-à-dire détecter une maladie qui rend la bête consommable ou non.

Rav Saksik, vous êtes aussi Bodek ?

Oui.

Les connaissances acquises et la pratique validée par un diplôme, l'entrée du Cho’hèt dans la vie active est-elle éprouvante ?

Il faut être quelqu'un de courageux. Sans cela, il vaut mieux chercher une autre vocation. 

Pourquoi le métier de Cho’hèt nécessite-t-il du courage ?

D’abord, il faut être très matinal. À cinq heures du matin, on est déjà sur la chaîne. Il faut se lever encore plus tôt, dormir tôt...

Il y a aussi l’ambiance, avec beaucoup de sang, beaucoup d'animaux, beaucoup de cadavres, donc il faut être quelqu'un de physiquement assez fort.

Il y a les voyages. Il n'y a pas d'abattoirs à domicile, à côté de la maison.

J'ai connu l'époque où il y avait un abattoir à Vaugirard, à côté de Paris. On prenait le métro pour y aller. C'était magnifique, cette époque-là ! Je n’étais pas encore Cho’hèt, j’étais apprenti. Il fallait connaître cette époque : ce n'était pas courageux qu'il fallait être, mais un héros !

Tout cela cause des difficultés pour la personne qui s'est plongée pendant des années dans l'étude de la Torah.

Ce sont pour toutes ces raisons qu’évidemment, quand il va connaître le monde de la Ché’hita, il doit être quelqu’un de courageux.

En dehors du courage, quelles sont les autres qualités pour être un bon Cho’hèt ?

Il faut qu’il craigne le Ciel. Il y a deux explications :

- de la part du public, tout le monde le considère comme quelqu'un qui craint le Ciel, qui craint D.ieu. 

- ou alors cela veut dire que depuis des années, il a une réputation telle que cela fait qu’on ne lui connaît aucun problème au niveau de sa crainte du Ciel.

Le Cho’hèt doit aussi être serein, c'est-à-dire concentré sur son étude et son abattage. À part ça, il ne doit pas s’occuper d’autre chose. C'est une qualité indispensable pour un Cho’hèt.

Enfin, le Cho’hèt doit avoir une attitude modeste. C'est très important parce que l’entente qu'il y a dans une équipe, c'est cela qui "sauve" la Cacheroute, à savoir quand on communique, quand on parle, quand on soulève les problèmes… Pour cela, il faut un peu de modestie et ne pas dire : "Non non, je connais tout ! Moi je sais !"

Enfin, l’écoute de l’autre est une qualité importante.

La question qui revient souvent : au moment de l’abattage, l'animal souffre-t-il  ?

Non. Puisque les jugulaires sont immédiatement sectionnées en une fraction de millième de seconde, il n'y a plus d'afflux de sang dans le cerveau. Il n’y a aucune douleur. La bête ne souffre pas. Faire souffrir une bête est strictement interdit par la Torah.

Un petit mot de conclusion ?

Les taureaux ou la Torah : c'est le complément, cela va ensemble. Cela veut dire qu’une fois que le Cho’hèt n’est plus avec ses taureaux, il doit s'occuper de sa Torah.