Les deux éléments qui caractérisent Roch Hachana sont le son du Chofar d’une part, et d’autre part, l’idée du souvenir qui détermine, dans la prière, le nom de la fête, intitulé Yom Hazikaron, Jour du Souvenir. Le lien entre ces deux concepts exprime les bases de l’éducation selon la Torah : sonner aujourd’hui nous éveille dans le présent, mais évoque le passé et annonce l’avenir.
Le premier point à élucider est le sens du souvenir. Ce concept a pour but de rappeler le passé dans le présent, et de le garder pour l’avenir. Or, ce souvenir s’exprime dans le présent par la sonnerie du Chofar. De ce fait, le Chofar est, dans l’actuel historique, la garantie que le passé se continuera dans l’avenir. Le Chofar est ainsi le PONT, aujourd’hui, entre hier et demain. Le Rav Saadia Gaon – qui a vécu avant l’époque des Richonim, au début de ce que l’on considère comme le Moyen-Âge, a donné 10 raisons pour expliquer la signification du son du Chofar et ces 10 explications s’inscrivent de façon précise dans les 3 dimensions évoquées plus haut. Certaines (3) évoquent le PRÉSENT, certaines (4) rappellent des événements du PASSÉ, et les autres (3) préparent l’AVENIR. En effet, il est essentiel, d’abord, de savoir que l’Éternel est le Souverain Absolu de l’univers ; de plus, réveillons-nous parce que c’est, aujourd’hui, le premier des Dix Jours de Téchouva, et enfin le son du Chofar doit pénétrer en nous, pour ouvrir nos cœurs et nous faire trembler. Ce sont là les 3 raisons qui s’inscrivent, aujourd’hui, dans notre vie quotidienne. Quatre évènements ont été significatifs dans le passé de l’Histoire d’Israël : le fait qu’Avraham ait accepté de sacrifier son fils, Its'hak, lié à l’acceptation du fils ; la Révélation du Sinaï s’est faite au son de la voix de l’Éternel, accompagnée de sons du Chofar, et les paroles des prophètes d’Israël étaient toujours entourées de toutes sortes de bruits célestes ; enfin la destruction du Temple s’est faite au son des bruits de victoire des armées ennemies, et le son du Chofar doit nous éveiller, afin que que nous priions pour la reconstruction du Temple. Enfin, les trois autres éléments qui complètent, selon Rav Saadia Gaon, les 10 objectifs, pour nous, sont dans l’avenir, la crainte, la vénération de l’approche du Jour du Jugement final pour l’humanité à la veille de la délivrance, puis le Retour des exilés, la fin de l’exil d’Israël, et, en dernier lieu, la Résurrection des morts que le son du Chofar accompagnera.
Ainsi le son du Chofar s’inscrit dans le souvenir du peuple juif. Ici apparaît l’unité de l’Histoire d’Israël que le Chofar illustre. C’est la raison pour laquelle il importe de voir, de sentir, de comprendre que l’Histoire est une suite de souvenirs. Le souvenir – Zikaron en hébreu – laisse une trace dans l’Histoire. L’individu passe, puis disparaît apparemment. Le rôle de chaque membre du peuple est de comprendre que sa vie sur terre – brève, passagère, toujours éphémère – reste marquée (du mot Zakhor, souvenir) et donc sert de passage dans le temps. Ce rôle du passage est joué par le son du Chofar, qui n’inclut aucune pensée étrangère, et ne fait que transmettre, sur terre, la voix de l’Éternel, qui, elle, transcende le temps. C’est pourquoi le Chofar est l’élément essentiel de l’Alliance avec le Créateur, car, étant le Yom Hadin (Jour du Jugement), il centralise les efforts d’Israël dans l’Histoire, et promet et annonce la Rédemption finale. Cela est important à notre époque, où l’on voudrait créer en Israël une nouvelle entité qui ne serait pas basée sur le passé de l’Histoire. Le Chofar traduit l’éternité de la Torah, et sa pérennité dans l’Histoire. Fête du Souvenir, Roch Hachana symbolise aussi le sens de l’existence de la Création. Grâce au Chofar, il nous est possible de comprendre, dans l’instant présent, ce qui nous transcende. Marque du Créateur, trace de Sa présence, le Chofar, par les 10 significations qu’il véhicule, doit ouvrir les yeux de nos contemporains, afin qu’ils comprennent que seul le passé, la tradition, assure, par le truchement du Chofar, la permanence du souvenir et donc la perspective finale de la Guéoula !