On connaît la philosophie de Levinas qui a voulu inclure « toute » la réalité, et la mettre sous le regard de l’infini (« Totalité et Infini », thèse magistrale d’Emmanuel Levinas). Pourim est précisément cette célébration de la matérialité, inscrite dans l’infini. Dans ses « Si’hoth » sur Éloul, le Machguia'h de Mir, Rav Yérouham, a rappelé que l’homme vit dans une triple dimension : le MOI, l’AUTRE et le TRÈS HAUT. Trois versets résument ces 3 dimensions : un premier verset parle du Moi : il est écrit : « L’Éternel circoncira ton cœur et le cœur de tes enfants » (Dévarim 30, 6). Un deuxième verset vient ajouter la dimension de l’Autre : « occasions de faire des présents chacun à son prochain et (d’accorder) des dons aux pauvres » (Esther 9, 22). Le troisième verset est tiré du Cantique des Cantiques : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi » (Cantique 6, 3) ; le bien-aimé est l’Éternel. Les 4 lettres initiales de ces 3 versets sont un acrostiche du terme ÉLOUL, le mois prévu pour la repentance. Trois directions dans ces 3 versets : le MOI (circoncision du cœur), l’AUTRE (charité envers les autres) et dimension VERTICALE vers D.ieu (prière – appartenir au Tout-Puissant).
Remarquons que ces 3 options s’inscrivent dans les Mitsvot liées à Pourim, c’est-à-dire dans la TOTALITÉ du CRÉÉ. En réalité, on sait que les 4 Mitsvot s’adressent au MOI (sens du repas de Pourim), à l’AUTRE (cadeaux au prochain et charité aux pauvres) et illustrent l’action cachée mais évidente (dans tout le développement de l’histoire) de la Transcendance. C’est ici la dimension qu’il faut découvrir et qui se manifeste clairement, dans une lecture immédiate de la Méguila. C’est Mordekhaï qui le dit à Esther de façon voilée : « Qui sait si ce n’est pas pour une conjoncture pareille que tu es parvenue à la royauté ? » (Esther 4, 14). La Providence divine, bien que non exprimée dans la Méguila, ne cesse jamais d’être présente.
Ne voit-on pas ici que Pourim représente la totalité matérielle ? Les faits rapportés dans la Méguila témoignent d'eux-mêmes, et il faut être aveugle pour ne pas lire les événements de l’Histoire. Cela est donc symbolisé par l’observance des 4 Mitsvot de Pourim, ainsi qu’on l’a relevé. Comme il s’agit, en réalité, du devenir de la création, la Méguila s’achève par cette promesse : « (Il importe) de commémorer et de célébrer ces jours, de génération en génération, dans chaque famille, dans chaque province, de ne pas laisser disparaître ces jours de Pourim, au milieu des Juifs, ni d’en effacer le souvenir du milieu de leurs descendants » (Esther 9, 28). Les Sages ajoutent que si toutes les fêtes devaient être annulées, Pourim resterait, car cette fête est le témoignage de l’action de la Transcendance, de la présence permanente de la Providence dans Sa création.