Deux fêtes juives furent instaurées par nos Sages – celles de Pourim et de ’Hanouka. Toutes deux commémorent des événements majeurs pour le peuple juif. Il existe plusieurs différences entre les deux fêtes. L’analyse de ces dissemblances nous permettra de mieux comprendre ces fêtes. Nous nous focaliserons ici sur la fête de Pourim.
Tout d’abord, beaucoup plus de Mitsvot ont été instaurées à Pourim. En effet, à ’Hanouka, nous n’avons qu’une seule Mitsva ; celle de l’allumage de la ’Hanoukia. En revanche, à Pourim, nous n’avons pas moins de quatre Mitsvot ; la lecture de la Méguila, le Michté, les Michloa’h Manot et Matanot Laévyonim. De plus, les jours de Pourim sont appelés « Jours de festin et de réjouissance »[1], ce qui signifie qu’il nous incombe de manger (lors du Michté) et, de manière générale, d’être joyeux.
Pourquoi tant de Mitsvot, comparé à ’Hanouka ? Le Gaon de Vilna[2] propose une explication qui nous permettra de mieux comprendre la fête de Pourim. Il écrit que ces Mitsvot sont là pour contrer la menace présentée par notre ennemi Haman. Le verset de la Méguila décrit le projet de Haman qui voulait « détruire, tuer et éradiquer tous les Juifs… et piller leurs biens »[3]. Les termes de destruction semblent redondants – à quoi chacun fait-il référence ?
Détruire (Léhachmid) : le terme Chmad se réfère à la destruction spirituelle, relative à la Néchama. Avec la destruction du peuple juif, leurs efforts spirituels cesseraient également. Tuer (Laharog) : il s’agit de les tuer physiquement et de mettre fin à leur Néfech (force vitale). Pour éradiquer (Léabed) : même après les avoir tués, Haman souhaitait effacer toute trace de leur existence physique ; afin qu’il ne subsiste aucun reste d’eux – sous quelque forme que ce soit.[4] Piller leurs biens (Ouchlalam Lavoz) : leurs possessions deviendraient propriété collective. Ainsi, leurs noms disparaîtraient complètement, ils ne seraient même plus les « anciens propriétaires de ces biens ».
Ces quatre aspects de destruction correspondent aux quatre composantes de l’essence de l’homme : son âme, sa force vitale physique (Néfech), son corps et ses biens. Haman voulut non seulement assassiner physiquement les Juifs, mais les détruire spirituellement, anéantir leur existence physique et les déposséder totalement.
Chacune des Mitsvot de Pourim célèbre le salut qui s’est produit dans ces quatre domaines. La lecture de la Méguila est un parallèle au projet de détruire notre spiritualité qui émane de la Torah. Le fait de se réjouir vient contrer le projet de nous assassiner parce que plus une personne est heureuse, plus elle profite de la vie. Ainsi, c’est la meilleure façon de montrer l’échec de Haman dans ce domaine. Le festin répond au projet de détruire nos corps physiques. Les Mitsvot de Michloa’h Manot et de Matanot Laévyonim entravent la tentative de Haman de supprimer la notion de propriété juive. Nous célébrons son échec en montrant notre propriété de la manière la plus significative – en offrant nos biens à des proches ou à des pauvres.
Une analyse plus profonde indique que ces Mitsvot ne sont pas seulement des parallèles aux tentatives destructrices de Haman, mais elles servent de rectification aux fautes qui ont conduit au décret de destruction. Le Aboudraham[5] écrit que la fête de Pourim commémore les miracles accomplis en faveur du peuple juif, tout au long de l’histoire de Pourim. Tout d’abord, lors du premier festin, la reine Vachti fut tuée, ce qui ouvrit la voie à Esther. Ensuite, lors des festins suivants, la chute de Haman fut enclenchée. Mais le premier festin était en soi une faute, alors pourquoi le commémorer ? En réalité, nous ne nous souvenons pas uniquement des événements passés, mais nous tentons de rectifier les fautes commises à ce moment-là. Les Juifs ont participé au festin, ce qui était mauvais, mais nous essayons de réparer cette erreur en mangeant un repas en l’honneur d’Hachem.
Le manque d’unité au sein du peuple juif provoqua aussi le décret de destruction. Quand Haman demanda l’autorisation à A’hachvéroch d’anéantir le peuple juif, il expliqua la raison de leur indignité, en les qualifiant de peuple dispersé et divisé[6]. Cette critique des Juifs convainquit le roi du fait qu’ils ne seraient pas protégés par Hachem. Si le peuple juif n’est pas uni, il ne peut pas bénéficier de Protection divine.[7]
Par conséquent, l’un des meilleurs moyens d’annuler le décret divin de destruction est de renouveler l’unité au sein de la nation. Rav Yonathan Eibeshitz explique que c’était l’intention d’Esther quand elle demanda à Mordékhaï : « Va, rassemble tous les Juifs qui se trouvent à Chouchan, et jeûnez pour moi. » [8] Elle sut que seul un effort dans l’unité du peuple pouvait renverser le décret.
On comprend donc bien pourquoi nos Sages ont institué tant de Mitsvot dans le domaine des relations interpersonnelles. Pourim nous rappelle l’importance de l’unité au sein du peuple juif. Donner à autrui nous permet de nous soucier de lui davantage. Et il ne suffit pas de donner à ses amis, il faut aussi penser aux personnes démunies qui sont facilement oubliées. C’est pourquoi, en sus de la Mitsva de Michloa’h Manot, nous avons l’obligation de Matanot Laévyonim.
Enfin, la raison fondamentale du décret de destruction était l’abandon de tout espoir de respecter la Torah. L’histoire de Pourim se passa quand le Beth Hamikdach était détruit et que le peuple juif était en exil. Une réelle inquiétude régnait ; celle que les Juifs se fondent dans la masse non juive et abandonnent la Torah. Pour rectifier cela, nous avons la Mitsva de Méguila, en parallèle à celle de l’étude de la Torah.
Ainsi, les Mitsvot de Pourim servent à commémorer notre sauvetage du projet destructeur « en quatre étapes » de Haman. Et elles servent aussi de rectification pour les fautes qui furent la cause du décret. Puissions-nous mériter d’observer toutes les Mitsvot dans leur intégralité.
[1] Esther 9,22.
[2] Commentaire du Gaon de Vilna sur Esther 3,13.
[3] Esther 3,13.
[4] Le Gaon dans Adéret Eliya écrit que Haman avait l’intention de brûler les corps des Juifs et de les réduire en cendres.
[5] Aboudraham, Séder Téfilat Pourim.
[6] Esther 3,8.
[7] Sifté ’Haïm Moadim 2, p.197-205 : Sfat Emet, cité dans Béchem Omro, ’Hamech Méguilot, p. 20.
[8] Esther 4,16.