L’une des illustrations les plus remarquables de la sortie d’Egypte du peuple d’Israël est le syndrome du sang. En trois occasions, le sang est utilisé, comme signe de l’action du Créateur : au moment où D.ieu veut demander à Moché Rabbénou de commencer sa mission de dirigeant spirituel du peuple – lors de la Révélation du buisson ardent – l’Eternel, déjà, donne comme troisième signe de Son action, la transformation de l’eau en sang. En Egypte même, le sang est, évidemment, la première des dix plaies. Au moment de la sortie d’Egypte, c’est le sang, venu de l’agneau du Sacrifice pascal, qui sera apposé sur le linteau et les deux poteaux, et ce sera le signe de la sortie d’Egypte. Trois étapes marquées par le sang.
Le terme « dam » – sang, est proche d’une racine impliquant le « silence », comme il est dit à propos d’Aaron, au moment de la mort de ses deux fils : « Vayidom Aaron – Aaron garda le silence » (Vayikra 10.3). La même racine apparaît dans le terme דמות – « Démout » – image, ressemblance, représentation semblable de l’extérieur. Il apparaît, déjà dans cette première approche, un désir de donner au sang – valeur physique extérieure – une signification essentielle. L’idée du sang véhicule, en fait, l’expression extérieure, silencieuse, d’une réalité intérieure. C’est le premier des trois niveaux de l’âme – Néfech – qui inclut également le domaine animal.
Au pluriel, le même terme hébraïque recouvre, dans la Torah, l’aspect propre du vivant. Quand Caïn a tué Abel, le texte dit : « Le cri des sangs de ton frère » (Genèse 4.10). Ailleurs, dans l’Exode, la Torah fait la distinction entre le voleur qui mérite la mort s’il s’introduit par effraction, et celui dont il est évident qu’il ne tuera pas… ». Ici, la Torah utilise le terme « Damim », sang au pluriel (Exode 22.1-2) pour rendre le concept de biens matériels : « l’argent ».
Il semble bien, avec ces exemples, que l’idée de sang traduit la nécessité d’exprimer un véhicule physique, significatif, mais passif, silencieux. Le pluriel est encore plus riche de sens à cet égard que le singulier, plus manifestement organique. Mais il faut lire dans cette rencontre entre l’extérieur (le sang physique) et l’intériorité (bien appartenant à la personne) une convergence fortement significative.
Cette convergence se retrouve dans les deux autres étages de l’âme : le Roua’h et la Néchama qui, tout en recouvrant une dimension spirituelle, sont portés en parallèle par des éléments physiques. Ainsi, le « Roua’h » qui traduit, au niveau de la spiritualité la parole – l’élément humain général, traduit aussi le souffle, le vent, élément physique. De même la Néchama, troisième étage de la spiritualité, est liée à la « Néchima », respiration physique, car quand la base organique physique s’arrête, la Néchama s’élève vers le Trône divin.
Il convient de comprendre que lorsque le Tout-Puissant a créé le monde, Il a joint à l’apparence physique une dimension intérieure qui lui donne sa valeur. Dans Sa relation à la nature, Il a créé le monde par les « Maamarot » – paroles – 10 expressions créatrices. Il s’est révélé ensuite par les « Dibrot » – 10 paroles signifiantes (le Décalogue). Il est reconnu et exalté par les 10 Hilloulim (les 10 expressions de louange, incluses dans le livre des Psaumes). Il est donc demandé au croyant de donner une dimension intérieure à nos actes extérieurs.
Le sang véhicule la vie organique. Le Roua’h traduit la communication. La Néchama nous permet de nous élever vers le Tout-Puissant. Telle est la voie éternelle du Juif, fidèle à l’alliance du Sinaï, qui doit rapprocher l’ère messianique. Selon l’image exprimée par le Rav Haïm de Volozhin, sur la base du verset de Chir Hachirim (le Cantique des cantiques) : « A la jument, attachée au char de Pharaon, je t’ai comparée, mon amie » (1.9). La jument ne suivait pas le cavalier, mais le dirigeait. De même, le peuple d’Israël, attaché au Créateur, doit, par sa conduite, diriger l’Histoire vers son but. La base matérielle – le sang –, l’organisation sociale – le Roua’h, doivent, avec la Néchama, guider et élever le croyant, lui faire transcender les apparences extérieures pour avoir accès au Royaume.