C’est l’histoire d’un homme qui a absolument besoin de la somme astronomique d’un million de dollars. Il ne désire pas obtenir cet argent pour un voyage de plaisir ou pour le dilapider, non, cet homme doit subir un traitement médical spécial et très onéreux, un traitement rare composé de plusieurs étapes, administré dans un seul hôpital au monde. Un homme très fortuné entend parler de ce cas, et décide de l’aider en lui offrant toute la somme. Trois mois plus tard, il doit gagner, grâce à un gros contrat, quelques dizaines de millions de dollars. Il en prélèverait alors « seulement » un million pour sauver la vie d’un homme. Le généreux donateur décide de lui offrir toute la somme cent jours plus tard.
L’homme fortuné savait que s’il annonçait au malade sa décision de lui donner l’argent cent jours plus tard, il serait heureux et se réjouirait beaucoup. Mais cette période d’attente serait difficile pour lui. Il l’attendrait avec une impatience fébrile, chaque jour lui semblant une éternité. Chaque jour, il compterait le nombre de jours restants jusqu’au jour convoité où il recevrait cette somme d’argent. Car seuls les jours le séparent de la réception de cet argent.
L’homme aisé réfléchit et eut une idée brillante pour faciliter au malade cette période d’attente. Il lui proposerait un travail facile. Dans le cadre de ce travail, il serait salarié à hauteur de dix-mille dollars par jour, de sorte qu’au bout de cent jours, il aurait en main la somme d’un million de dollars. Il lui annoncerait ensuite la fin de sa période d’embauche. De cette façon, les jours s’écouleront rapidement pour l’homme. Pourquoi ? Car lorsqu’un homme attend de recevoir un million de dollars, et qu’on lui demande d’attendre cent jours, ces cent jours-là constituent une attente dénuée de sens. Ce sont des jours où les nerfs sont mis à vif, et l’homme attend uniquement qu’ils passent, ces jours-là constituant uniquement une séparation entre lui et l’argent.
Mais si ces cent jours ne sont pas uniquement des moments d’attente, mais des jours où il accumule dix-mille dollars, puis dix-mille dollars etc., dans ce cas, ces journées ne sont ni ennuyeuses ni énervantes, au contraire. Chaque jour est un bénéfice, chaque jour qui s’écoule, il accumule de l’argent et avance en direction du but désiré. De cette manière, cent jours passent très rapidement. Un jour est un jour de plus de bonheur où il a réussi à gagner une somme honorable en vue de cet objectif important. Chaque jour, il compte l’argent qu’il a déjà gagné jusque-là et il est très content. Au contraire, s’il manque un seul jour, il perdra de l’argent et n’arrivera pas au but désiré.
À partir de cette histoire, nous pouvons comprendre la Mitsva du compte du 'Omer mentionnée également dans la Parachat Emor.
La forme de ce décompte ne va pas de soi, en réalité. Un homme qui se marie et attend le grand jour avec impatience compte le nombre de jours qui le séparent du mariage. Il ne compte pas combien de jours se sont écoulés depuis ses fiançailles. Pourquoi comptons-nous chaque jour le nombre de jours écoulés du compte du 'Omer ? Nous comptons les jours en attente du grand jour où nous allons recevoir la Torah. Nous aurions dû compter combien de jours il nous reste jusque-là.
En réalité, ce ne sont pas de simples jours d’attente en vue du jour extraordinaire qui nous attend. Ce sont des jours de travail. Ce sont des jours où nous devons nous purifier et nous sanctifier. Chaque jour, nous avançons encore d’un pas en vue du jour J. Ces jours-là sont incontournables. Sans eux, nous ne pourrons recevoir la Torah.
Le Zohar Hakadoch l’explique : lorsque le peuple juif se trouvait en Égypte, ils étaient dominés par les forces d’impureté. À la sortie d’Égypte, ils ont dû se purifier pendant sept semaines. Tout comme une femme Nidda compte sept jours pour se purifier, le peuple a alors compté - et compte aussi aujourd’hui - sept semaines, et chaque semaine qui s’écoule, nous nous purifions de plus en plus. D’où l’emploi de cette expression dans la Torah « Vous compterez pour vous », ce compte est pour vous, pour que vous puissiez vous purifier et être dignes de recevoir la Torah. Le Zohar conclut en affirmant qu’un homme qui ne compte pas le 'Omer n’est pas pur, n’a aucun lien avec la Tahara (pureté), et n’a aucune part dans la Torah.
Quel enseignement pouvons-nous en déduire pour nous ? Comment sommes-nous censés nous conduire, et comment nous élever ces jours-là ?
Les livres de ‘Hassidout s’étendent sur ce qui est requis de nous en cette période. Rapportons brièvement les propos du Maharcha. Le lendemain de la fête de Pessa’h, il y a une Mitsva d’apporter un Korban (sacrifice) du 'Omer. Cette offrande est composée d’orge qui a servi à cette période à l’alimentation des vaches. Pour la fête de Chavou'ot, la Torah nous enjoint d’apporter au Beth Hamikdach deux pains, formés de blé, un aliment consommé par l’homme.
Nous commençons immédiatement à compter le lendemain de la fête de Pessa’h, le jour où l’on apporte l’offrande du 'Omer, d’où l’appellation de la « Séfirat Ha'omer ». Nous comptons jusqu’à la fête de Chavou'ot. Nous trouvons ici une allusion particulière : le peuple juif, au moment de la sortie d’Égypte, était maladroit et à un niveau spirituel très bas, tout comme la vache. Le Maître du monde demande au peuple d’Israël : commencez peu à peu à vous élever, chaque jour, franchissez un autre niveau, jusqu’à ce qu’à la fête de Chavou'ot, vous accédiez au niveau de l’homme. C’est pourquoi on offre au départ du compte du 'Omer un aliment destiné aux bêtes, et, au terme du compte, il est déjà possible d’offrir un aliment comestible par l’homme.
Et c’est en réalité ce qui est exigé de nous : dominer la partie bestiale et matérielle en nous. Renforcer l’aspect intellectuel par rapport aux instincts et aux désirs. Renforcer notre âme située dans notre cerveau par rapport aux penchants avilissants qui se trouvent dans notre cœur.
Ce travail n’est pas des plus faciles, mais c’est la condition pour recevoir la Torah.