Il est un fait évident que la Révélation du Sinaï inclut toute la Création. Le Créateur de l’univers a choisi un TEMPS, un LIEU, une NATION pour révéler Sa Loi. Cet évènement unique dans l’histoire est le fondement de la foi, car il s’adresse à l’humanité entière. Depuis cet évènement, les religions se sont séparées, mais elles restent des religions révélées. Comment cet évènement a-t-il été perçu ? Nos Sages disent que les âmes ont été élevées vers le ciel, comme si les spectateurs étaient morts, spirituellement, et ont ressuscité aussitôt ! La Guémara dit que l’Éternel leur a distillé une goutte de survie, pour les réanimer ! Cet instant exceptionnel dans l’histoire de l’humanité est toujours actuel, puisque la Torah, révélée ce jour-là, reste la charte du peuple juif, charte qui ne saurait être caduque, ainsi que le pensent les détracteurs de la Torah.
Pour essayer de comprendre cette situation totalement inhabituelle, deux exemples tirés des évènements de l’Écriture nous permettront sinon de comprendre (ce qui est assurément impossible) mais au moins de tenter d’appréhender cette Révélation. Lorsque l’Éternel Se révéla à Samuel, Il l’appela à trois reprises jusqu’à ce qu’il comprenne que l’Éternel s’adressait à lui.
Le grand-prêtre Eli lui expliqua que la Voix divine n’était entendue que par Samuel (I Samuel, 3). La parole divine ne peut être entendue que par celui à qui elle s’adresse. Un deuxième exemple est lié à la personne du patriarche Its’hak. Quand il a voulu transmettre les bénédictions concernant les biens matériels à Essav, il a voulu s’assurer qu’il s’agissait bien d’Essav. Comme il était aveugle, il a fait appel aux quatre autres sens (en dehors de la vue) pour savoir à qui il parlait : il a goûté les plats (goût), écouté la voix (ouïe), il l’a tâté (toucher) et finalement a reconnu l’odeur des vêtements (odorat). Les sens devaient l’aider à transmettre sa bénédiction. Ainsi devons-nous comprendre la Révélation prophétique, la recevoir à travers les divers sens : la Volonté divine s’inscrit dans les éléments matériels. Au moment où Its’hak fut lié sur l’autel, son âme est également montée au ciel, pour s’imprégner du désir de l’Infini. Ce n’est qu’après cette rencontre avec l’Être du monde que le prophète peut s’identifier avec le message qu’il doit transmettre. C’est ce que le verset dit quand il précise que les enfants d’Israël ont « VU LES VOIX » (mélange des sens). À partir de cette sensation inhabituelle, il apparaît que le Transcendant se situe dans l’Immanent. Il y a une convergence qui explique cette image. De même, Chavou'ot est la fête des Bikourim, des premiers fruits, qui sont l’objet du goût ou de l’odeur. Fête des moissons aussi, elle se traduit, au Temple, par l’offrande des DEUX PAINS (le ‘Hamets qui représente la durée dans le créé). C’est ici la spécificité de la Révélation du Sinaï : un syncrétisme dans le FINI pour permettre d’avoir une révélation de l’Infini. C’est cela que signifie la goutte faite pour ressusciter les enfants d’Israël, le jour de la Révélation du Sinaï. Le Tout-Puissant, Éternel, S’inscrit dans le temps et unit toutes les forces de la création pour Se révéler. Telle est la leçon de Chavou'ot : nous confronter avec la spiritualité absolue, et c’est la force de la Torah, la source de sa pérennité. Israël ne s’inscrit pas dans l’Histoire, mais reflète l’éternité. Les Dix Commandements donnent leur sens aux Dix Paroles de la Création. Ils se situent dans cet espace – spirituel avec assise matérielle, et ce n’est qu’ainsi que le monde peut se maintenir. La rencontre des sens, le syncrétisme est la condition de la survie de l’humanité. Message inquiétant, ardu, mais riche par ses conséquences, car il est la condition de cette dimension de la Création, la Guéoula. Soyons-en dignes, comprenons ce message et cette dimension finale, amorcée par les prophètes, se réalisera bientôt, espérons-le.