Le Midrach nous relate la parabole d’un roi qui avait une fille unique; un autre roi arriva au palais et s’en éprit. Il demanda à l’emmener dans son pays et à l’épouser. Le roi lui répondit : « Ma fille que je t’ai donnée est ma fille unique. Je ne peux pas me séparer d’elle. Je ne peux pas te dire non plus de ne pas la prendre, car elle va devenir ton épouse. Mais j’aimerais te demander une faveur : où que tu ailles, prépare-moi un petit appartement pour résider chez vous, car je ne peux quitter ma fille. » C’est en ces termes que le Saint béni soit-Il s’est adressé à Israël : « Je vous ai donné la Torah, Je ne peux me séparer d’elle. Je ne peux pas vous dire de ne pas la prendre. Mais où que vous alliez, faites-Moi une maison pour que J’y réside » (Chémot Rabba, Paracha 33).
Lorsque le Machguia’h Rabbi Yé’hezkel Lévinstein cita à la Yéchiva ces propos bouleversants du Midrach, le Rav Chakh relata le lendemain qu’il n’avait pas réussi à fermer l’œil toute la nuit. Les termes du Midrach : « Je ne peux pas m’en séparer » ne lui laissaient aucun repos. En effet, le Saint béni soit-Il en personne affirme qu’Il ne peut se séparer de la Torah, et nous, pouvons-nous nous en séparer, même un peu ?!
Le sentiment de « Je ne peux m’en séparer » est une sensation qui brûle dans le cœur de chacun qui a goûté un jour à la Torah. Une page de Guémara, pour celui qui étudie la Torah dans la pureté, est enivrante, et celui qui l’étudie est ivre. Ivre, non pas de vin, mais ivre de Torah.
Un petit-fils de Marane Rav Y. C. Eliachiv m’a raconté ceci : « Il y avait un système de rotation chez grand-père. Un jour, ce fut mon tour. Grand-père était assis comme d’habitude, penché sur sa Guémara. J’allai dans la cuisine et lui préparai une tasse de thé brûlant. Je plaçai la tasse devant lui. Il me remercia et continua à étudier avec sa célèbre mélodie en plongeant tout son être dans la page de Guémara.
Quelque temps plus tard, j’entrai dans la pièce. Grand-père étudiait, très concentré. La tasse de thé était renversée, la boisson s’était répandue sur la nappe, la table et son pantalon. Et grand-père ? Aucune réaction. Il ne ressent rien, il est plongé dans les propos de Rav Ada Bar Ahava et Rav Houna. Et la tasse de thé ? Personne ne s’en souvient ! »
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Au département chirurgical d’un hôpital de Jérusalem, un célèbre professeur se racla la gorge. Il s’adressait à un groupe d’hommes prestigieux, les fils et gendres du Président du Conseil des sages, le Gaon Rav Ovadia Yossef. Il leur exposa les différentes possibilités de traitement, ou plutôt, les options d’opérations pour le Rav.
« Votre papa n’est pas jeune. D’un côté, j’ai du mal à lui causer des souffrances. Mais d’un autre côté, il est impossible de l’anesthésier vu son état actuel. Il ne me reste d’autre choix que de l’opérer ainsi. »
Un des fils, Rabbi David Yossef, Rav du quartier de Har Nof à Jérusalem, entra dans la pièce où se trouvait son père, et lui expliqua que l’intervention qu’il devait subir serait difficile, douloureuse et éprouvante.
« Ne t’inquiète pas. J’ai une Souguia (thème du Talmud) à étudier, je traite à présent un sujet sur lequel je rédige une Responsa. Le médecin fera son travail, et moi, le mien », déclara le Rav Ovadia sans perdre le fil de sa pensée.
Le professeur fit son intervention, et le silence régnait dans la pièce. Le Rav était plongé avec intensité dans la Souguia tandis que le médecin était occupé avec son intervention. Au terme de celle-ci, les fils entrèrent dans la chambre. Le Gaon Rav Ovadia sursauta, leva les yeux et demanda, étonné : « Alors, pourquoi le médecin ne commence-t-il pas à me soigner ?! »
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Le Rabbi de Sanz, le Gaon Rav Yékoutiel Yéhouda Halberstam zatsal, a déclaré un jour : « Hitler ne savait pas que s’il veut combattre les Juifs, il doit brûler leur Tossefot. » Les propos des Tossefot, d’après le Rabbi de Sanz, reflètent l’être juif, l’amour infini et ce sentiment si enivrant : la Torah !!!
L’Admour de Sanz Klausenbourg avait perdu toute sa famille dans l’enfer nazi, des centaines de ses disciples étaient décédés, mais, d’après lui, la vraie destruction se serait produite si, que D.ieu préserve, le Tossefot avait été brûlé. C’est ce que ressentent ceux qui étudient la Torah : en dehors du corps, il y a la vie. Mais, sans la Torah, il n’y a rien, rien du tout.
Dans la localité de Grosswardein, tout le monde célébra l’arrivée d’un célèbre funambule qui se déplaçait sur un fil, suspendu entre ciel et terre. Tous les résidents de la ville, non-juifs comme Juifs, se pressaient en direction de la place de la ville pour observer ce prodigieux spectacle.
Voici le récit de l’Admour de Vijnitz Monsey :
« Pour éviter d’être attiré par le spectacle du funambule, je fus obligé de fermer la porte à clé de la maison et de jeter la clé par la fenêtre. Mais mon frère Moïchélé (qui n’est autre que l’Admour de Vijnitz, auteur du Yéchou’ot Moché) n’eut pas besoin de jeter la clé. Il aimait tellement étudier, au point que rien d’autre ne l’attirait. »
Lorsqu’un Juif aime la Torah, son monde est constitué uniquement du Rachba et du Ritva, de Rabbi Akiva Eiger, du Min’hat ‘Hinoukh, du Kétsot et du Nétivot, de Rabbi ‘Haïm Halévy et de Rav Naftali Trop.
Toute la ville peut s’amuser à regarder les futilités de ce monde, mais celui qui étudie ? Pourquoi changer de monde ?!
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Le Gaon Rabbi Aharon Séler avait rendu visite avec un ami au Roch Yéchiva, le Gaon Rav Ména’hem Man Chakh, à qui ils montrèrent les « commentaires du Gaon de Vilna » dont le sens leur échappait.
« Quelle est la signification de ces textes ? », demandèrent les jeunes hommes. Le Rav Chakh, peiné, répondit : « J’ai du mal à lire les textes. » Les élèves reculèrent et voulurent quitter la pièce, mais le Rav, déjà âgé, les interpella : « Vous n’avez pas de bonnes Midot (qualités) ! »
« Quoi ? », répondirent les jeunes hommes, ébranlés.
« Il y a ici un Juif âgé, qui ne parvient pas à lire les commentaires du Gaon de Vilna, et vous n’êtes pas prêts à les lui lire ?! », demanda le Rav sur un ton amer. Puis, il consacra une heure et demie aux jeunes hommes jusqu’à ce qu’ils comprennent les propos du Gaon de Vilna !
Une autre fois, le Rav Chakh pleura, suite à une opération de la cataracte qu’il avait subie aux yeux. Les médecins avaient décrété que le Roch Yéchiva avait l’interdiction formelle de consulter quelque livre que ce soit. Ouvrir un livre, même pour quelques instants, serait nocif pour ses yeux. L’un des petits-fils du Rav était à son chevet et le Rav s’endormit.
Au milieu de la nuit, le Rav se réveilla, préoccupé par une pensée de Torah. Dans le fil de ses pensées, il voulut consulter le livre du Rachba et se tourna vers son petit-fils. « Apporte-moi s’il te plaît le Rachba sur l’étagère, j’ai du mal à me lever seul. » Le petit-fils refusa délicatement, puisque les médecins le lui avaient formellement interdit. Le grand-père s’entêta, et le petit-fils, aussi.
« De grâce, apporte-moi le Rachba un instant ! », implora le Rav Chakh. Mais il se heurta à un mur. Le Rav Chakh ne se retint plus et fondit en larmes, implorant à travers les larmes de recevoir le Rachba. Le petit-fils céda et le lui apporta et les yeux du Rav brillèrent.
Nous sommes tous obligés de respirer, et une page de Rachba constituait de l’air pour son âme.
Autre histoire sur Rabbénou, l’auteur du Avi Ezri, le Rav Chakh :
Un jour, le Rav Chakh souffrait d’une maladie des yeux, il avait besoin de soins médicaux urgents. On convoqua un professeur spécialiste des yeux, qui demanda à Rabbénou de lire un texte pour lui. On lui ouvrit le Kétsot et Marane se mit à lire, à un rythme soutenu, sur un ton prodigieusement clair.
Les personnes présentes s’étonnèrent de la vision claire du grand sage, mais le célèbre médecin des yeux rit. Il trancha : « Le Rav lit tout le texte de mémoire ! Il ne lit pas du tout dans le livre ! » On lui apporta le journal Yated Nééman, on ferma le Kétsot et on ouvrit le journal et Marane, qui ne connaissait pas le Yated Nééman par cœur, se mit à lire tout doucement, avec beaucoup de difficulté, trahissant sa vision défectueuse…
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« Savez-vous ce qu’est le Guéhinam (enfer) ? », demanda le Gaon, auteur du Beth Aharon et Président du Tribunal rabbinique de Karlin. « Le Guéhinam, c’est lorsque tu es assis le vendredi soir à étudier et que la lumière s’éteint, la lune au-dehors n’éclaire pas et tu n’as aucun moyen de voir les termes de Rachi ! » C’est l’enfer sur terre !!… Avez-vous entendu ?
Lorsque l’Amoura Rabbi Yo’hanan perdit la tête après le décès de son compagnon d’étude, Rech Lakich, les Sages prièrent pour qu’il quitte ce monde.
Pourquoi nos Sages n’ont-ils pas prié pour que Rabbi Yo’hanan retrouve ses esprits comme au départ ? Et de répondre : si Rabbi Yo’hanan avait retrouvé sa lucidité, s’il s’était souvenu de Rech Lakich et de la Torah qui lui manquait, il aurait à nouveau plongé dans la folie.
Au terme de toutes les vicissitudes de la vie, tous ces fous, ces hommes « ivres » seront encore bien présents. Pendant des milliers d’années, on a torturé notre corps avec des peignes en fer, on nous a embrochés et guillotinés, mais cet amour enivrant de la Torah n’a pas diminué. Le « chant de la voix céleste, la sainte Torah » (dans les termes du ‘Hazon Ich) ne nous a pas quittés. On le trouve dans chaque synagogue, chaque Beth Midrach, ou chaque Yéchiva. Car la finalité de la Torah, tel que l’écrit le Avné Nézer de Sokhtchov, est de nous délecter en elle.
« Il faut étudier la Guémara comme on mange de la pastèque ! », s’écria un jour Rabbi Aharon Cohen, Roch Métivta de ‘Hévron, au beau milieu de l’étude animée d’une Souguia.
« Et comment mange-t-on de la pastèque ? On plonge dans le fruit et on mord. Plus on mord, et plus c’est un plaisir. Le jus rosé s’écoule de tous côtés, et nous sommes de plus en plus heureux. C’est ainsi qu’on étudie la Torah ! »
Et si je n’ai pas réussi à communiquer cette émotion, tournez-vous vers les lieux ardents d’étude de la Torah comme Poniowitz à Bné Brak, Mir, ‘Hévron, Porat Yossef et Belz à Jérusalem, Na’halat Haléviim à ‘Haïfa, le merveilleux Stiebel de Sanz à Tsfat, les Kollélim Midrach Eliyahou à Elad et la Yéchiva de Lakewood aux États-Unis. Rencontrez des milliers de Juifs comme eux, et voyez l’amour de la Torah qui s’en dégage !
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La vérité, c’est que la Torah n’est pas le seul apanage de ceux qui l’étudient jour et nuit. La sainte Torah appartient également à ceux qui sont contraints de travailler, ils ont également le droit de se délecter de la Torah !!
Je suis entré dans le passé dans un Kollel de Ba’alé Batim (hommes qui travaillent) et j’y ai rencontré ‘Haïm B., un Juif qui travaille pour subvenir à ses besoins et qui fixe plusieurs heures d’étude par jour au Beth Hamidrach.
Voici ce qu’il m’a raconté : « Il y a quelques mois, j’ai croisé le Machguia’h (guide spirituel) de mon ancienne Yéchiva. Cela faisait des années que nous ne nous étions rencontrés, et nous échangeâmes quelques brèves paroles de politesse. Puis, le Machguia’h me demanda : "De quoi vis-tu ?" Je lui répondis en lui décrivant mon travail; grâce à D.ieu, j’avais une Parnassa.
Le Machguia’h me sourit agréablement, et répéta sa question : "Oui, mais comment vis-tu ?". J’ai cru qu’il n’avait pas entendu ma réponse et je répétai, cette fois-ci plus lentement, que je travaillais de 8 heures à 17 heures à Ramat Gan. Je lui expliquai que j’avais un bon salaire, et même des allocations, mais le Machguia’h me répéta sa question pour la troisième fois : "Oui, mais de quoi vis-tu ?".
J’avais connu le Machguia’h, et je savais que c’était un homme intelligent. D’après ce que je savais, il n’était pas sénile, mais en bonne santé, grâce à D.ieu… Alors je lui demandai de m’expliquer ce qu’il visait par ses propos.
"Je voulais te demander de quoi tu vis, ce qui te fait vivre, vivre ton âme, ton esprit. Et non comment tu gagnes ta vie", répondit le Machguia’h; et moi, qui venais de comprendre, bégayai quelque chose du style : "Je vis du bonheur procuré par mes enfants."
Mais cette réponse ne satisfit pas le Machguia’h, et, en vérité, moi non plus. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé, sur les bons conseils de mon épouse, dans ce Kollel. À présent, je sais de quoi je vis. Je vis de la sainte Torah, c’est elle que je retrouve, en même temps que mon excellente ‘Havrouta, chaque soir, ici au Kollel. Et croyez-moi, toute personne qui vient ici comprend de quoi je parle. Tout le monde est invité ! »
« Réjouissons-nous dans cette Torah, qui est pour nous une source d’énergie et de lumière ! »
Rabbi Chemouël Baroukh Ganot