Débridé, décomplexé, délirant, différent : le journal de l'heureuse Maman d'une petite trisomique.

Les Matsot à l’orange de la « Bienfaisante », ça vous parle ?

Je viens d'une famille pour qui le judaïsme est un ensemble de valeurs morales, de respect de l'altérité et de générosité...

La pratique religieuse ne faisait pas du tout partie du décor.

Mais chez ma mamie, depuis ma toute petite enfance, il y avait une fête, une seule, qui ne bougeait pas, tradition incontournable : la galette à l'orange !

Peu importe si la baguette se trouvait à côté, peu importe ce qui tartinait la galette, cette tradition est dorénavant gravée en moi.

Il y avait un cérémonial sacré, chaque fois, à la même période de l'année : sans explication, on me donnait une galette au bon goût sucré.

Chaque année, mamie sortait du placard un paquet blanc et bleu ; elle l’ouvrait délicatement, comme on le ferait avec un colis fragile de la poste envoyé de l'étranger, contenant de la porcelaine ou du cristal. 

On la dégustait dans une forme de sacralité joyeuse.


Il y a quelques années, je me suis trouvée en France pour Pessa’h, célibataire, et j’ai fait mon Séder seule avec ma famille.

Seule avec ma famille ??

Oui. Seule, avec à côté de moi, ma famille, qui n’y participait pas.

J'avais pu me procurer de la Matsa faite main de ‘Habad, mais, noblesse oblige, la galette à l'orange trônait également sur la table. 

Mon neveu, âgé de quatre ans à l'époque, me regarda avec ses yeux pétillants et me demanda : « Tata, tu manges quoi ? Pourquoi tu ne manges pas de pain ? »

Naturellement, avec son cœur d'enfant, il venait de prononcer le « Ma Nichtana » de Pessa’h. La Haggada et le déroulement du Séder ouvrent aux enfants cet appétit du questionnement. Chaque mets, chaque rituel, le plateau, la singularité de la nuit, tout cela restera gravé dans sa mémoire.

Mon neveu m’a permis de célébrer mon plus beau Pessa’h, en vivant véritablement la fête dans mon fort intérieur, dans une intériorité vraie et simple de Torah.

La soupe de fèves et les galettes à l'orange de ma mamie bien-aimée, bien que dépourvues de Séder ou de lecture de la Haggada, ont façonné mon enfance. Tout comme l'odeur des aubergines ou des poivrons pour les salades cuites, dont l’odeur embaumait la cuisine, réveillait des papillons dans le ventre.

Pessa’h arrive, je pense à ma chère mamie, à sa joie de vivre.

Mamie, merci de m'avoir donné de la galette à l'orange, enfant. Elle m'a permis de ne pas rompre la chaîne de transmission de notre judaïsme, et, en nourrissant mon âme chaque année, elle a certainement ouvert la voie à ma Téchouva, des années plus tard.

 

Une « Bienfaisante » qui porte bien son nom…

La Maman de Sheyna 

 

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