Il leur dit : « Sortez et identifiez la voie droite à laquelle l’homme doit s'attacher. » Rabbi Eliézer dit : « un bon œil. » Rabbi Yéhochoua dit : « un bon ami. » Rabbi Yossé dit : « un bon voisin. » Rabbi Chimon dit : « entrevoir les conséquences de ses actes. » Rabbi Eléazar dit : « un bon cœur ».

QUESTIONS

1. Pourquoi Rabbi Yo'hanan, précisément ici, leur demande d'identifier ces choses-là ?

2. Dans cette Michna ainsi que dans la première Michna de ce chapitre, les mêmes termes sont employés (le bon chemin auquel l'homme doit s'attacher…), mais les réponses sont très différentes. Pourquoi ?

3. Pourquoi est-il dit ici, d'identifier la voie droite à laquelle l'homme doit « s'attacher », tandis que dans la première Michna du chapitre, il est dit : quelle est la voie de rectitude que l'homme doit choisir ?

Rabbi Yo'hanan préconise à ses élèves d'aller identifier la voie de rectitude à laquelle l'homme doit s'attacher. Les élèves répondent alors par divers traits positifs ou attitudes. Dans la première Michna du même chapitre, Rabbi Yéhouda Hanassi exprime presque le même sentiment : il demande de manière rhétorique : « Quel chemin vertueux l'homme doit-il choisir ? » Il donne une seule réponse, totalement différente des réponses figurant dans cette Michna. Ceci indique que le sujet de la discussion est certainement différent dans ces deux Michnayot. Quelle est la différence ? Possible indice pour nous aider à répondre à cette question : il y a une différence de formulation d'un mot dans les deux Michnayot[1] : dans la première Michna, Rabbi se réfère à la voie de rectitude que l'homme doit choisir, tandis qu'ici, Rabbi Yo'hanan aborde la voie droite à laquelle un homme doit s'attacher.

Une approche : Rabbi évoque une approche générale de la vie, qui doit être adaptée à la personne pour réussir.[2] De ce fait, Rabbi a recours au terme « choisir » pour enseigner que l'on doit choisir cette attitude. Rabbi Yo'hanan se concentre sur un point spécifique de plus : quel est l'unique aspect d'une conduite positive qui mérite le plus de s'y attacher ? Il reconnaît qu'il y a un certain nombre de modes d'action recommandables (Hanhagot), mais il interroge ses élèves : quelle est celle à la source de toutes les Hanhagot positives ? Donc, il n'a pas recours au terme « choisir », car il implique que l'on doit choisir un mode de vie et rejeter les autres, comme c'était l'intention de Rabbi. Il utilise plutôt le terme « attacher », qui fait allusion à l'existence d'un certain nombre de manières louables d'agir ; mais à laquelle d'entre elles l'homme doit-il s'attacher plus que tout, si bien qu'il finira par améliorer toutes les Hanhagot louables ?

Autre point qui précède la discussion d'actions louables est le langage par lequel Rabbi Yo'hanan introduit ses propos : « Allez et identifiez. » Qu'est-ce que cela signifie – qu'est-ce qu'une personne doit identifier ? Certains commentateurs expliquent ce langage de manière figurée ; Rabbi Yo'hanan leur prescrivait de sortir des limites de leur réflexion ordinaire et d'observer plus attentivement la Hanhaga la plus louable à laquelle s'attacher.[3] Le Midrach Chemouël explique également de manière figurative que Rabbi Yo'hanan parlait à des hommes très vertueux qui vivaient à un niveau très élevé. Il leur prescrivait de se dépasser dans leur manière de penser et de voir le monde, et de tenter de comprendre comment les gens ordinaires vivent et réfléchissent, et de cette manière, ils pouvaient discerner le moyen idéal de se conduire pour une personne ordinaire. C'est une idée importante, car des personnes de très haut niveau peuvent avoir des difficultés à comprendre les luttes et défis d'hommes d'un niveau plus faible.

Le Midrach Chemouël propose une autre explication : il explique brièvement que Rabbi Yo'hanan leur demandait de quitter le Beth Midrach. Il est difficile de prendre cette explication au sens littéral, du fait que nous savons que Talmud Torah Kénégued Koulam : l'étude de la Torah est supérieure à tout le reste, alors pourquoi Rabbi Yo'hanan pourrait-il leur demander de quitter le Beth Midrach ? Une approche possible : il voulait qu'ils appliquent leur étude en aidant d'autres personnes. Tout comme l'étude de la Torah est une obligation, enseigner la Torah aux autres et les aider à progresser dans leur judaïsme est également une obligation. Rav Moché Feinstein indique que même un homme qui consacre tout son temps à étudier la Torah, devra réserver 1/10ème de son temps à enseigner aux autres, de la même manière dont on est tenu de prélever un dixième de ses revenus pour les reverser à la Tsédaka.

Nous avons compris le contexte de l'instruction de Rabbi Yo'hanan adressée à ses élèves. Dans les articles suivants, nous analyserons leurs réponses à sa question sur la manière idéale de s'y attacher.

 

[1] Voir les commentateurs sur cette Michna pour une discussion approfondie de la nature de l'enseignement de Rabbi.

[2] Voir Tossefot Yom Tov.

[3] Dans certaines versions de cette Michna, il est dit que Rabbi Yo'hanan leur demanda d'observer le bon chemin auquel s'attacher, qui s'oppose à la voie droite qui s'applique à la première Michna. Or, dans la plupart des versions à notre disposition, cette Michna emploie également l'expression « le droit chemin », et de ce fait, la seule différence entre les deux passages est ce que nous avons évoqué ci-dessus.