« Efface ta volonté devant la Sienne, de sorte qu'Il élimine la volonté des autres face à la tienne. »
Nous avons jusque-là évoqué la première clause de la Michna affirmant que l'homme doit faire de la volonté de Hachem la sienne, et ensuite Hachem réalisera la volonté de l'homme comme s'il s'agissait de Sa propre volonté. La Michna se poursuit sur une affirmation assez semblable a priori : « Efface ta volonté devant la Sienne, de sorte qu'Il élimine la volonté des autres face à la tienne.» La seconde partie de cette clause – la promesse selon laquelle Hachem éliminera la volonté des autres, est différente de la promesse figurant dans la clause précédente ; mais qu'ajoute la Michna en demandant à l'homme d'annuler sa volonté devant celle de Hachem – n'est-ce pas au fond une manière différente de dire que l'on doit aligner notre volonté à celle de Hachem, ce qui semble être le message de la première clause ?
Le Tossefot Yom Tov suggère que la première clause demande à l'homme de faire de la volonté de Hachem la sienne, en se concentrant sur les Mitsvot positives, tandis que la seconde clause stipulant que l'on doit annuler notre volonté, se focalise sur les Mitsvot négatives. Au regard de notre action tournée vers le positif, on doit s'évertuer à s'imprégner du désir de réaliser la volonté de Hachem. En revanche, lorsqu'on fait face à la tentation d'une action contredisant la volonté de Hachem, l'accent est sur la négation de ce désir, et de ce fait, on cherche à éviter une transgression.
Abrabanel offre une explication différente : d'après lui, les deux clauses couvrent toutes sortes de Mitsvot, mais font référence à des situations différentes. La première clause, qui demande à l'homme d'aligner sa volonté à celle de Hachem, évoque des situations idéales, lorsque l'homme est capable d'aligner véritablement son Ratson (volonté) à celui de Hachem. Dans de tels scénarios, l'homme n'a pas besoin d'annuler ses désirs, il a plutôt réussi à modifier son désir naturel pour qu'il devienne identique à celui de Hachem. Or, parfois, l'homme n'a pas encore atteint ce niveau, et il est mis au défi de réaliser une Mitsva ou d'éviter de transgresser une Mitsva négative, mais son Yétser Hara (mauvais penchant) le persuade qu'il souhaite faire le mauvais choix. Dans de tels cas, il est nécessaire d'annuler ce désir afin de lui permettre de réaliser la volonté de Hachem.
Un exemple de ces deux niveaux : un homme se lève le matin et a le choix de se lever pour prier en Miniyan, ou de se rendormir et de manquer le Miniyan. Il a peut-être atteint le niveau où il désire plus fortement prier à temps et en Miniyan, plutôt que de dormir plus longtemps. S'il possède ce niveau, il n'aura pas trop de difficultés à se lever. En revanche, s'il est au niveau où son désir de dormir dépasse sa volonté de prier à temps et en Miniyan, il devra recourir au plan B et éliminer en quelque sorte son désir de dormir, afin d'avoir suffisamment de motivation pour se lever.
Il va de soi que la seconde situation (le test) est bien plus difficile que la première, car vaincre ses désirs naturels exige une grande force. De ce fait, il est clairement recommandé de tenter d'atteindre le niveau de la première clause de la Michna, où les désirs de l'homme sont en phase avec ceux de Hachem. Mais ce n'est pas toujours facile à atteindre, et il est de ce fait nécessaire de tenter d'utiliser le conseil de la seconde clause et d'annuler sa propre volonté. Comment peut-on s'efforcer de gagner cette bataille ?
Une approche consiste à reconnaître qu'au moment de l'épreuve, il est très difficile de surmonter ses désirs naturels. De ce fait, il est essentiel en amont, lorsqu'on n'est pas dans le feu de l'action, d'avoir un plan pour passer l'épreuve lorsqu'elle arrivera inéluctablement. Pour revenir à l'exemple du réveil le matin, l'homme peut prévoir au départ, pour l'aider à se lever, de programmer une ou plusieurs alarmes si nécessaire. De plus, le coucher tardif est fréquent, de sorte que si l'on traite ce problème le soir précédent, il sera plus facile de se lever au bon moment.
Le second conseil s'appuie sur les enseignements de nombreux maîtres du Moussar (éthique juive) : le meilleur moyen de renier ses désirs physiques consiste à accroître ses désirs spirituels. La spiritualité et la corporalité exercent des pressions en sens contraire, et en conséquence, si un homme s'attache davantage à la spiritualité, il lui sera naturellement plus facile de venir à bout de la luxure. Si l'homme travaille sur son appréciation de la prière, il sera automatiquement plus facile de se lever pour prier. On peut y parvenir en travaillant sur la compréhension du sens des prières spécifiques et de l'idée générale de la prière. A priori, cette explication combine en réalité les deux clauses : en augmentant notre volonté dans les domaines spirituels, on sera capable d'effacer notre volonté dans les domaines physiques. De cette façon, on réussira à appliquer les deux parties de cette Michna.