Chaque mercredi, retrouvez les aventures de Eva, célibattante parisienne de 30 ans… Super carrière, super copines. La vie rêvée ? Pas tant que ça ! Petit à petit, Eva découvre la beauté du judaïsme et se met à dessiner les contours de sa vie. Un changement de vie riche en péripéties… qui l’amèneront plus loin que prévu !
“Mon client a annulé sa fête, j’ai ma soirée de libre, les filles on se fait un verre en terrasse ?” Message envoyé ! Maintenant je garde les yeux collés au téléphone et j’attends les “ouiiiii” en pagaille et les suggestions de lieu (même si on débat 3 heures alors que ça se termine toujours au Coeur Fou).
Sauf que là, aucun rapport. Je reçois des “désolée j’ai déjà un truc de prévu” à la chaîne.
L’angoisse : une soirée vide qui se profile dans mon agenda. Je ne pensais même pas que ça pourrait m’arriver. Règle 7 de la Princesse Parisienne : “Un agenda complet des semaines à l’avance tu auras”. Et cette règle, je l’appliquais à la lettre. Mieux ! C’était moi l’auteur du manuel de la PP (Princesse Parisienne).
J’étais tranquille dans ma vie de “working-girl” que je menais tambour battant. La capitale était à moi. J’avais un métier passionnant dont je me plaignais à longueur de journée (je travaillais dans une agence d’évènementiel), je me nourrissais quasi-exclusivement de sushis et de tomates-cerises. J’encombrais mon appartement de bougies parfumées hors de prix, j’étais à l’affût des nouvelles tendances et des dernières soldes. Bref, la vie parisienne dans toute sa splendeur.
Du coup je n’étais pas préparée à passer ma soirée en solo, allongée sur mon canapé en mode marathon série TV !
Bon la vérité, c’est que j’appréhendais aussi de me retrouver à penser (pour la millionième fois) à David (ce naze) qui m’avait quittée (pour la millionième fois) depuis déjà 3 semaines.
Je traînais des pieds (mais dans de jolies chaussures !) pour rentrer chez moi, pas du tout pressée de me retrouver en tête à tête avec mes pensées (David, David, Daviiiid !) et je ne remarquais pas Guila, ma voisine qui entrait dans l’immeuble derrière moi.
“Salut Eva, comment vas-tu ? Oh ! je t’ai fait peur, désolée !
- Non, non t’inquiète j’avais la tête ailleurs, comment vas-tu Guila ?”
Revenue à la réalité, je m’aperçois que ma jeune et jolie voisine a les bras chargés de sacs de courses. Donc immédiatement, je lui prends des paquets des mains pour la soulager et on monte ensemble dans l’ascenseur.
“Qu’as-tu prévu de beau ce soir, Eva ?” Elle est tellement gentille Guila, toujours à prendre de mes nouvelles. Moi spontanément je lui réponds : “Eh ben rien du tout ! Figure-toi que je devais travailler, mais mon client a décidé d’annuler sa soirée et personne n’est libre, donc je rentre sagement à la maison.”
Je me force à sourire pour ne pas lui montrer que j’appréhende ce moment. Mais mon sourire ne tient pas quand elle me dit : “Mais viens à la maison, j’organise un cours de Torah ce soir.”
Aïe, aïe, aïe, comment je me sors de ce piège ? Entre un cours de Torah et une soirée TV y’a pas photo (réfléchis vite Eva…!). Trop tard ! Guila ajoute : “Chaque année, j’organise un cours pour l’anniversaire de décès de ma grand-mère et c’est ce soir”. Echec et mat ! Je ne peux sortir aucun argument valable pour me défiler... Et je m’entends lui dire (en me forçant à sourire de nouveau) : “C’est à quelle heure ?”.
Et voilà comment je vais me retrouver assise dans un salon avec des gens que je n’ai jamais vus de ma vie et un rabbin qui parlera de tout sauf d’un sujet qui m’intéresse. Ça m’apprendra à me plaindre à voix haute !
Au moment où je me fais la réflexion que je ne connais même pas le sujet du cours, le rabbin prend la parole : “Bonsoir, nous sommes tous réunis pour honorer la mémoire de la grand-mère de Guila (“Non, pas moi ! Je suis là parce que je ne supporte pas d’être seule, désolée grand-mère”) et j’ai choisi de vous parler de la poursuite du bonheur” (“Ohlala, ça promet ! Y’a même pas de sushis pour faire passer le temps plus vite ! Oui je fais une contre-soirée dans ma tête avec mes meilleures remarques cyniques. Oups, Guila me regarde avec un sourire si sincère, que je vais me forcer à écouter le rabbin, au moins par gentillesse pour elle”).
“Vous me voyez assis devant vous avec ma longue barbe blanche et mon chapeau, mais savez-vous qu’avant d’être rabbin, j’étais architecte ? J’étais spécialisé dans la construction d’immeubles de bureaux et de centres commerciaux. J’étais marié, mais malheureusement, ma femme quitta ce monde seulement deux ans après notre mariage.
Quelque temps après son décès, j’étais en train de ranger ses affaires quand je me suis demandé quelle image ses amies gardaient d’elle. Alors je suis parti les interroger. ‘Généreuse !’, ‘Toujours le sens de l’humour’ ou encore ‘Elle savait écouter’, me répondirent ses copines. Le soir, assis devant les plans d’un nouveau projet de centre commercial, je repensais à ce qu’avaient dit ces femmes et toutes n’avaient rappelé que les qualités humaines de ma femme. Combien elle avait su être présente pour chacune d’elles à des moments importants de leur vie : par sa présence réconfortante chez celle qui avait vécu une fausse-couche ou encore quand elle proposait de garder les enfants de son amie qui partait étudier le soir. Et d’un coup, je me suis demandé : “Qui pensera à moi une fois que ces immeubles seront dessinés ?” Après tout, on n’a jamais vu écrit sur une tombe : “Il était le meilleur des employés. Il arrivait toujours à l’heure”. Et c’est comme ça que j’ai décidé lentement mais sûrement de trouver LE véritable sens de ma vie.
Vous voyez mesdames, c’est à ce moment que j’ai compris que la seule trace qu’on laisse de notre passage dans ce monde est qui l’on est et la valeur des actions que l’on accomplit. Vous, vous êtes toutes pour la plupart au début de vos carrières, je sais que vous pensez devoir vous investir à 100% dans vos métiers respectifs, atteindre vos objectifs, viser promotion et augmentation comme des buts, des étapes à passer. Mais vous êtes-vous déjà demandées réellement pour quelle raison vous êtes dans ce monde ? Après tout, si on vous a mises ici, c’est que votre présence est essentielle...
Quel est alors le sens du bonheur véritable ? Nos Sages nous enseignent que le bonheur est le résultat d’une harmonie entre nos valeurs les plus profondes et la façon dont on se conduit dans tous les domaines de notre vie.”
Difficile de vous expliquer ce que je ressentais à ce moment. Son histoire personnelle m’avait profondément émue. Au lieu de percevoir tristesse et amertume face à son épreuve, il parlait avec douceur et il émanait comme une joie profonde de lui. Cette force de caractère m’impressionnait. En même temps que je l’écoutais, je ne pouvais m’empêcher de me passer un film sur ces dernières années de ma vie. J’avais 30 ans et l’impression que mes journées tournaient dans le vide autour de mon travail, de David (encore et toujours !), des week-ends en famille et de mes sorties entre copines. Après le cours, quand Guila me raccompagna à la porte, elle dut ressentir mon trouble parce qu’elle me demanda si tout allait bien. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je lui répondis spontanément : “J’ai une impression bizarre, comme si j’avais fait fausse route pendant des années !”
Guila eut un sourire mystérieux et me dit : “C’est magnifique ! Reviens vite me voir, nous en discuterons...”
La suite la semaine prochaine...