Chaque mercredi, retrouvez les aventures de Eva, célibattante parisienne de 30 ans… Super carrière, super copines. La vie rêvée ? Pas tant que ça ! Petit à petit, Eva découvre la beauté du judaïsme et se met à dessiner les contours de sa vie. Un changement de vie riche en péripéties… qui l’amèneront plus loin que prévu !
Dans l’épisode précédent : Eva a réussi à imposer son respect du Chabbath au travail, créant même l’admiration chez son directeur, une victoire à plus d’un titre !
En sortant du bureau de Franck, c’est limite si je ne tremblais pas sur mes jambes ! Je n’en revenais pas ! J’avais réussi à dire que je ne serais pas présente à l’évènement de l’année pour cause de Chabbath. C’était un sentiment presque euphorique ! A croire qu’affirmer mes convictions vis-à-vis d’Hachem décuplait mes forces.
Je me sentais tellement fière de moi. En sortant du travail ce soir-là, je ne m’étais pas remise de mes émotions et je me repassais la scène en boucle. D’un coup, c’était comme si le décor d’une pièce de théâtre tombait devant mes yeux. Combien de fois avais-je tremblé juste à l’idée de prévenir que je devais partir plus tôt pour cause de rendez-vous médical. Maintenant seulement, je prenais conscience de ce que ma mère m’avait répété de nombreuses fois : j’accordais beaucoup trop d’importance à mon travail.
Grâce à D.ieu, je réalisais enfin que j’avais mis mon responsable et toute cette agence sur un piédestal et qu’Hachem m’avait envoyé un petit test pour m’aider à ouvrir les yeux et à réaliser ce qui était vraiment important dans la vie.
Je me sentais comme une guerrière capable de relever tous les défis ! Alors pour sûr, à partir de maintenant, il n’y aurait plus jamais d’hésitation sur la question du Chabbath ou d’un jour de fête.
Pour me récompenser, je décidais d’aller faire une séance de shopping en quête d’une robe pour le mariage de Guila. Le temps avait filé et on était déjà à une semaine du mariage.
Dès que j’avais reçu le faire-part, je m’étais empressée de réserver mon billet de train pour Strasbourg où aurait lieu la cérémonie. Guila m’avait expliqué que ce serait un mariage où hommes et femmes seraient séparés pour le repas et les danses, et, depuis, je n’arrêtais pas d’y penser. Comment serait l’ambiance ? Est-ce que je devais m’attendre à une soirée morose où les hommes dansent et les femmes se contentent de regarder ? Comment elle pourrait avoir une belle salle de mariage avec des paravents érigés en plein milieu comme un mur de séparation ?
Quoi qu’il en soit, j’étais touchée de son invitation et j’avais hâte de découvrir la ville de Strasbourg que je ne connaissais pas. Sur le faire-part était écrit : “Une tenue en accord avec la modestie juive réjouira le cœur des mariés”, je m’étais donc appliquée à chercher une robe qui ne révèle ni mon décolleté ni mes genoux… Eh bien, c’était en réalité un vrai défi ! Qui aurait cru que trouver une robe somme toute classique serait plus difficile que de trouver un bikini à jupons ?
Mais je n’étais pas une Princesse Parisienne pour rien ! Je ne m’avouais pas vaincue et je finis par trouver une belle robe longue en satin d’un vert profond avec manches ballons et col montant. Une pure merveille ! On aurait dit le chic des années 50. Très Jacky Kennedy !
Dimanche matin, je pris le train en direction de Strasbourg et j’eus l’agréable surprise de me trouver dans le même wagon que Sarah, une amie de Guila que j’avais rencontrée chez elle plusieurs fois. Sarah, qui connaissait bien Strasbourg, m’expliqua que c’était courant d’organiser la cérémonie en fin de matinée et de la poursuivre par un cocktail-déjeuner. Ça tombait bien, je mourrais de faim, n’ayant pas eu le temps de prendre de petit-déjeuner par peur de rater le départ du train. D’habitude, quand j’ai faim, je ne pense qu’à ça !
Mais là, à peine arrivée dans la grande synagogue, j’oubliais mes rêves de petits-fours, bluffée par le lieu.
La décoration était simple mais élégante, mais c’était surtout la chaleur humaine et la joie qui m’avait frappées dès mon entrée. J’étais portée par cette ambiance qui réchauffait les cœurs dans cette grande synagogue.
Quand la musique retentit, Guila fit son entrée. Elle était majestueuse, on aurait dit une reine ! J’étais comme hypnotisée par sa grâce et la douceur avec laquelle elle s’avançait vers la ‘Houpa, entourée de ses parents. Je m’attendais à ce qu’elle s’assoit ensuite sur la chaise sous la ‘Houpa, mais elle se mit à tourner lentement autour de son fiancé, qui lui gardait les yeux fermés et priait. Très étonnée, je posais la question à Sarah, qui m’expliqua la symbolique de chacun des 7 tours qui ont une forte résonance d’après la Kabbale et qui signifient que la mariée consacrera dorénavant ses forces spirituelles à la construction d’un foyer juif.
Moi qui avais assisté à de nombreuses cérémonies, je n’avais jamais vu ça ! Ni même ressenti autant de spiritualité. J’en avais les larmes aux yeux !
A la fin de la cérémonie religieuse, quand le marié cassa le verre, ce fut un éclatement général d’applaudissements, de cris ! Les copains du marié se précipitèrent et se mirent à danser en ronde autour de lui. C’était fou ! Tout le monde participait à leur joie comme si cette union était aussi la nôtre.
Je fis sagement la queue pour féliciter la mariée qui se tenait encore sous la ‘Houpa. Je m’apprêtais à lui souhaiter joie, amour et réussite, quand elle me prit spontanément dans ses bras et me murmura à l’oreille : “Ma chère Eva, tu es un diamant, je te vois briller de jour en jour et je t’admire pour ton courage et pour ton cheminement. Qu’Hachem te bénisse dans tous les domaines et que bientôt toi aussi tu te trouves sous la ‘Houpa avec celui qui t’est destiné”.
Heureusement que j’avais investi dans un mascara waterproof, parce que ce n’est qu’une fois sortie de la synagogue que je réalisais que je n’avais pas cessé de pleurer ! Impossible de décrire ce que j’avais ressenti, comme si une force supérieure enveloppait tout, comme si les mots qu’elle avait prononcés étaient de puissantes bénédictions qui montaient directement dans le ciel.
Sarah m’attrapa par le bras et, dans un grand rire, me dit : “Elle est forte Guila pour dire des mots qui vont directement au cœur ! Allez viens, on file au buffet !”. Et voilà comment se passa la journée : entre les rires et les larmes de joie !
Après un déjeuner copieux et pendant les quelques heures de battement avant la soirée, j’avais décidé de faire un petit tour dans le centre-ville. Des rues toutes mignonnes comme sorties d’un vieux livre se croisaient. Plusieurs fois dans ma balade, je tombais nez à nez avec un homme portant la Kippa ou une femme à la tête couverte. Que c’était bon de sentir qu’on pouvait vivre son judaïsme au grand air !
Je serais bien restée encore à découvrir la ville, mais c’était déjà l’heure de la soirée.
Finalement, je me trouvais bien plus chic dans ma robe longue que si j’avais opté pour une robe bustier. Comme quoi, finalement, les “Froum” étaient plus au fait de la mode que les Parisiennes !
Toutes mes interrogations sur l’organisation d’une soirée religieuse furent balayées quand je mis un pied dans la salle ! Quelle ambiance, quelle fête… Tout le monde était sur la piste à attendre les mariés en tapant des mains ! Je suivis Sarah côté femmes et, soudain, Guila fit son entrée… Elle se mit à danser sous les arcs fleuris que ses amies lui tendaient pour l’accueillir, les filles étaient hilares et les grands-mères avaient plus d’énergie que les jeunes filles !
On mit Guila au centre de la ronde et ce fut le déchaînement. Une femme me tira par la main dans la ronde effrénée ! A bout de souffle, je fis une pause sur le côté de la piste et je contemplais. Jamais dans un autre mariage je n’avais ressenti une si bonne ambiance, une joie si intense.
Moi qui croyais que la séparation hommes-femmes allait créer des divisions, c’était l’inverse ! Il y avait une union incroyable de tous les côtés. Dans tous les mariages où j’avais été, d’habitude, chacun dansait dans son coin sur la piste, mais là, c’était une fête collective… et quelle fête ! Côté hommes, c’était un véritable concours de danse ! Ils avaient tendu un drap et on faisait sauter le marié dans les airs, pendant que d’autres faisaient des acrobaties sur la piste, c’était tordant ! Et côté femmes, les copines faisaient la ronde autour de la mariée pendant que d’autres lui jetaient des pétales de fleurs !
Je ne sais pas combien d’heures je suis restée sur la piste de danse. Note pour plus tard : remplacer les cours de zumba par des danses ‘hassidiques !
Point inédit : à la fin de la soirée, au lieu de la traditionnelle musique de fin, le père du marié commença à haute voix le Birkat Hamazone, suivi des Chéva’ Brakhot. C’était beau de voir chaque invité bénir le couple et tout le monde taper des mains entre deux bénédictions.
Qui aurait cru que ce serait un dimanche à Strasbourg que je passerais une des plus belles soirées de ma vie ?
Le lendemain matin, j’étais courbaturée, mais toujours aussi bouleversée. J’avais participé à un moment exceptionnel et moi aussi je me souhaitais la même chose. Je repris mon train à contrecœur, j’avais envie de prolonger ce moment.
Ma sœur s’était gentiment proposée de venir m’attendre à la gare en fin d’après-midi. Mais c’est ma mère qui me fit la surprise de m’attendre. “Ta sœur n’a pas pu démarrer sa voiture, elle m’a envoyée en remplacement.” C’était si gentil à ma mère de prendre le relais ! Encore euphorique de la veille, je lui racontais dans les détails toute la journée incroyable que j’avais vécue.
Quand je lui dis que je me souhaitais de faire pareil, son commentaire fut : “N’importe quoi ! Tu t’imagines séparer les invités et ne pas danser avec ton père le soir du mariage ! Hors de question !”
La suite la semaine prochaine...