La paracha Vayikra nous dit : « Si une personne veut présenter une oblation à Hachem, son offrande doit être de fleur de farine. Elle l’arrosera d’huile et mettra dessus de l’encens. » (Vayikra, 2:1.)

Rachi, sur la base de la Guémara[1], précise que le terme « Néfech » (l’âme) n’est employé pour aucune offrande volontaire, si ce n’est celle de farine. Pour qui est-il normal d’approcher un tel sacrifice ? Pour l’indigent. Hachem dit : « Je considère comme s’il avait sacrifié son âme. »

Ainsi, bien que le pauvre n’apporte qu’un simple Korban (sacrifice), Hachem lui attribue une grande valeur étant donné qu’il suppose un gros investissement.

Le Midrach raconte plusieurs histoires illustrant cette idée.[2] L’une d’elles concerne le roi Aggripas qui voulut apporter en sacrifice mille oiseaux en une journée. Il enjoint au Cohen Gadol de ne laisser personne d’autre apporter d’oblation ce jour-là. Or un indigent vint pour l’offrande de deux colombes. Le Cohen Gadol le prévint qu’il ne pouvait pas aller à l’encontre des instructions du roi. Mais l’homme répliqua qu’il chassait chaque jour quatre colombes, en offrait deux et consommait les deux autres. Il était persuadé que ce sacrifice lui donnait le mérite de gagner sa vie et qu’il risquait de perdre sa Parnassa s’il n’approchait pas ce Korban. Le Cohen Gadol ne put résister à ses supplications et consentit donc à sa demande. Cette même nuit, le roi vit en rêve que le simple sacrifice de ce pauvre homme valait plus encore que ses mille offrandes.

On en déduit qu’Hachem est plus intéressé par la façon d’accomplir une Mitsva que par l’action en soi. L’effort fourni est bien significatif que le résultat obtenu. Cet enseignement est très pertinent dans le ’Hinoukh (l’éducation des enfants). Plusieurs éducateurs soulignent qu’il vaut mieux faire l’éloge du travail que d’un talent naturel. En effet, un point fort qui donne de bons résultats n’est pas digne de glorification, puisque c’est un don divin ; contrairement à l’effort, puisque l’individu peut choisir d’en faire ou pas et décider combien en fournir.

Des études statistiques ont prouvé ce point. Les enfants réagissent très différemment en fonction des louanges qu’ils reçoivent. Résultat surprenant d’un sondage : le fait de congratuler un enfant sur un talent inné peut entraîner par la suite un sentiment de faiblesse. On demanda à un groupe d’élèves de résoudre des problèmes modérément difficiles. Quand un enfant avait fini, on le félicitait pour son bon résultat puis on le complimentait soit sur son intelligence (« Tu es très fort en mathématiques »), soit sur ses efforts (« Tu as dû travailler très dur pour si bien réussir »). Le troisième groupe d’enfants n’était pas complimenté du tout. Ensuite, on donnait aux élèves une autre série de problèmes, bien plus compliqués. Quand ils durent expliquer leur échec, le premier groupe l’attribua à un manque d’intelligence, alors que les autres (ceux félicités pour leurs efforts et ceux qui ne le furent pas du tout) estimèrent que c’était à cause d’un manque de travail. L’éloge d’un potentiel eut donc un effet négatif – même si au départ, le « récipiendaire » en était satisfait, il se déprécia lors d’un échec, même si celui-ci était inévitable. En revanche, celui qui fut complimenté pour ses efforts ne se sentit pas indigne, mais il comprit qu’il devait travailler davantage à l’avenir.

On peut tirer d’autres leçons importantes de ces études statistiques : des enfants vantés pour leur intelligence ont tendance à esquiver les challenges, pour éviter de se sentir incompétents en cas d’insuccès. Et quand ils en subissent un, ils continuent souvent à accumuler d’autres mauvais résultats par la suite. Ils sont plus intéressés à surclasser les autres élèves qu’à essayer de se surpasser. Enfin, ils sont plus enclins à tricher ou à mentir pour avoir les meilleures notes afin de préserver et de justifier leur réputation d’enfants perspicaces. À l’inverse, les élèves complimentés pour leurs efforts aiment les missions plus complexes qui leur demandent de travailler et de s’améliorer ; et l’échec n’a pas un effet aussi préjudiciable sur leurs résultats.[3]

Pour résumer, le modeste Korban offert par un homme pauvre a énormément de valeur aux yeux d’Hachem, du fait de l’effort impliqué. Et de manière générale, le fait de mettre l’accent sur l’ardeur est bien plus fructueux dans l’éducation des enfants et des élèves.

Puisions-nous tous mériter d’apprendre et d’intérioriser ces enseignements primordiaux.



[1] Ména’hot, 94a.

[2] Vayikra Rabba, 3:5. Voir Ayélet Hacha’har, 2:1.

[3] Meuller and Dwek, 2002