« Ordonne à Aharon et à ses fils, en disant : "Ceci est la règle de l’holocauste…" » (Vayikra, 6:2)

Rachi explique sur les mots « Ordonne à Aharon » : [Le mot] « Ordonne » (tsav) implique forcément une notion d’empressement (zerizout), maintenant [à l’époque d’Aharon] et pour toutes les générations à venir. Rabbi Chimon dit que le verset devait stimuler le zèle dans une situation où il est question d’une perte financière.

Pour parler des autres korbanot (sacrifices), la Thora dit généralement qu’Hachem ordonna à Moché de « dire » aux Kohanim comment procéder. Cependant, en ce qui concerne le premier korban de la paracha, le korban olah (l’holocauste), Hachem dit à Moché d’« ordonner » aux Kohanim. Rachi note que le mot employé pour cette injonction signale un degré supplémentaire de zerizout. Il fallut parler aux Kohanim avec des mots plus puissants qu’à l’accoutumée. Rachi rapporte ensuite l’avis de Rabbi Chimon qui explique la nécessité d’un zèle particulier pour ce korban. Celui-ci entraîne une perte d’argent pour les Kohanim, contrairement aux autres sacrifices – il y avait donc à craindre qu’ils soient plus indolents dans leur avoda pour cette offrande[1].

À ce propos, le Yalkout Maamarim[2] affirme qu’il existe deux catégories de mitsvot, qui présentent chacune un nissayon bien différent, proposé par le yétser hara. Il y a tout d’abord les mitsvot qui génèrent un bénéfice matériel, un profit quelconque à la personne qui les accomplit. Par exemple, l’obligation de manger du korban Pessa’h (l’agneau pascal), celle de Oneg Chabbat (jouir du Chabbat), de manger la veille de Kippour, etc. Pour ce genre d’actions, on craint peu que l’individu manque d’empressement, étant donné qu’il en profite personnellement.

L’individu est alors testé sur l’intention qu’il a en effectuant cette action – est-ce pour en retirer un plaisir matériel ou bien léchem Chamaïm (pour le Ciel) ? La guemara donne l’exemple de deux personnes accomplissant la même mitsva (manger du korban Pessa’h), mais avec des motivations très différentes — l’une la fait léchem Chamaïm (le verset cité pour la représenter évoque le « tsadik ») et l’autre s’intéresse au goût de l’aliment consommé (le même verset la nomme alors « pochéa » – fauteur)[3].

Pour toutes ces mitsvot, l’élément déterminant leur valeur n’est pas l’acte, mais l’intention. Il est facile d’agir avec empressement pour manger les bons plats du Chabbat, mais le test sera sur le côté spirituel de cette conduite.

Le deuxième groupe de mitsvot se compose d’actions dont on ne tire aucun bénéfice ni plaisir. Le défi n’est alors pas d’avoir les bonnes intentions en accomplissant la mitsva, puisqu’elle n’est réalisée que parce qu’Hachem en a donné l’ordre. Prenons l’exemple de la mitsva de tefillin qui ne procure aucun plaisir matériel ; on les met uniquement parce que c’est un commandement d’Hachem. Pour ce genre de mitsvot, le défi principal est de les accomplir comme il se doit. Le yétser hara n’intervient pas ici sur les intentions de la personne, mais sur sa paresse. D’où l’importance de se motiver pour surmonter son penchant naturel pour le confort.

Rav David Povarsky, qui se levait habituellement à trois heures du matin raconta à ses élèves qu’il avait eu la visite du yétser hara un matin qui lui proposa de rester cinq minutes supplémentaires couché, étant donné le froid glacial qui sévissait et son état de fatigue. Il repoussa ce « conseil », car se savait en danger de tomber dans le piège du mauvais penchant ; il risquait de rester finalement dix ou quinze minutes en trop dans son lit. Le rav dit ensuite à ses disciples que l’homme est constamment confronté aux incitations du yétser hara – pour sortir vainqueur, il faut avoir raison de lui dès les cinq premières minutes…

Pour en revenir à la mitsva du Cohen qui approche le korban olah, la difficulté est d’autant plus grande ; non seulement il n’en tire aucun bénéfice, mais il fait face à une perte d’argent. Donc, précisément pour cette mitsva, la Thora met l’accent sur le besoin de zerizout.

Comme on le sait, cette qualité de zerizout est très pertinente à Pessa’h – la matsa que nous mangeons symbolise la précipitation dans laquelle les Juifs ont cuit leur pain en sortant d’Égypte. D’ailleurs, nos Sages nous enseignent que s’ils avaient attendu, ils n’auraient pas pu être délivrés. Ainsi, la fête de Pessa’h est un moment propice pour travailler sur cette qualité.

Puissions-nous tous surmonter le yétser hara et ses conseils perfides.



[1] Plusieurs avis sont rapportés parmi les commentateurs au sujet de cette perte financière – le Maharal explique que les Kohanim devaient consacrer de leur temps de travail pour le Service Sacrificiel. Or, dans le korban olah, ils ne recevaient aucune contrepartie financière. En effet, les Kohanim n’en mangent pas du tout la viande, ce qui n’est pas le cas des autres offrandes. Voir aussi Ramban et Or Ha’Haïm.

[2] Rapporté dans Léka’h Tov, Vayikra, p. 41-42.

[3] Nazir, 23a.