La Paracha Bé’houkotaï (Vayikra, 26:3) dit : « Si vous suivez Mes décrets et observez Mes Commandements et les accomplissez. »
« Je marcherai parmi vous, Je serai un D.ieu pour vous et vous serez Mon peuple. Je suis Hachem, votre D.ieu, qui vous a fait sortir d’Égypte, pour que vous n’y fussiez plus esclaves… » (Vayikra, 26:12-13.)
Rachi commente, sur les mots « Je suis Hachem votre D.ieu » : Je suis fidèle et vous devez avoir confiance en Moi ; Je peux faire toutes ces choses, puisque Je vous ai fait sortir d’Égypte et ai accompli pour vous de grands miracles.
La Paracha commence par nous faire la liste des grandes récompenses qu’Hachem promet au peuple juif s’il respecte la Torah. Cette section se termine par le rappel qu’Hachem a fait sortir les Juifs d’Égypte. Rachi, en se référant sur le Torat Kohanim, explique qu’Hachem rassure les Bné Israël en leur disant qu’ils peuvent avoir confiance en Lui, qu’Il respectera Ses promesses ; la « preuve » qu’Il donne est qu’Il a déjà accompli pour eux de grands miracles ; ils peuvent donc compter sur le fait qu’Il peut en faire d’autres à l’avenir.
Plusieurs questions peuvent être posées sur ce Rachi [1]. Hachem leur fit ces promesses peu après les grands miracles de l’Exode. Pourquoi était-il alors nécessaire de rappeler au peuple les prodiges passés pour qu’il croie en de futurs miracles – les Juifs ne les avaient alors sûrement pas déjà oubliés ?! [2]
On peut répondre à cette question en expliquant une autre difficulté dans le récit de la Torah. Plus d’une fois dans le désert, les Juifs se plaignirent à Moché de leur situation précaire et évoquèrent avec nostalgie les jours où ils étaient en Égypte. Par exemple, dans la Paracha de Béha’alotékha, ils se lamentèrent de la Manne qu’ils recevaient du Ciel et se rappelèrent de leur vie en Mitsraïm : « Nous nous souvenons du poisson que nous mangions en Égypte gratuitement, des concombres, des melons, des poireaux, des oignons et de l’ail. » [3]
Les commentateurs se demandent comment ils purent avoir une si courte mémoire et oublier le terrible esclavage qu’ils subirent. La réponse donnée est basée sur une Guémara dans Roch Hachana, qui nous informe que les Juifs furent déchargés de l’esclavage durant leurs six derniers mois en Égypte. Pendant cette période, ils vécurent agréablement et purent consommer les aliments mentionnés dans leur plainte. Ainsi, quand ils se souvinrent avec attendrissement de leur vie en Égypte, ils repensaient aux six derniers mois, bien qu’ils aient, avant cela, subi de terribles souffrances. [4]
Ceci nous montre la force du Yétser Hara, qui peut raccourcir la mémoire d’une personne quand cela l’arrange. Dans ce cas, il leur fit oublier la barbarie de l’Égypte, pour six petits mois de « liberté ». C’est ce qui engendra leur lamentation si grave quant à leur situation dans le désert.
Nous pouvons ainsi répondre à la question de départ, à savoir, pourquoi Hachem avait besoin de rappeler au peuple les grands miracles accomplis, comme garantie des récompenses à venir. En vérité, les Juifs avaient la mémoire courte ; cela signifie que malgré les prodiges réalisés peu de temps avant, il était très probable que, dès les premières difficultés qu’ils allaient rencontrer, leur confiance en Hachem faiblirait.
Par conséquent, ils auraient eu tendance à oublier les bienfaits exceptionnels qu’Il leur avait prodigués durant l’Exode. Il était donc nécessaire de leur rappeler qu’Hachem pouvait accomplir de grands miracles en leur faveur, et d’utiliser le souvenir de ces événements pour renforcer leur foi en Hachem sur l’avenir.
Cette explication a d’importantes implications dans nos vies. Nous traversons des moments de Bonté Divine, durant lesquels Hachem nous protège de manière manifeste. Pourtant, la Providence n’est parfois pas si apparente et nous risquons de nous faire du souci concernant certaines situations probables, comme des problèmes financiers ou de santé.
Dans de telles situations, nous pouvons facilement oublier les bontés qu’Hachem nous a prodiguées, et laisser place au désespoir. En revanche, en nous remémorant constamment les bienfaits reçus d’Hachem, nous sommes certains qu’Il est toujours avec nous, même durant l’épreuve actuelle. Le ‘Hovot Halevavot fait remarquer, dans Cha'ar Habita’hon (le chapitre sur la foi), que l’une des deux façons de raffermir notre confiance en Hachem est se rappeler des bienfaits passés, y compris les choses que nous tenons pour acquises, comme le merveilleux cadeau qu’est la vie en soi [5].
Ceci nécessite de nombreux efforts, car, comme nous l’avons expliqué, le Yétser Hara nous fait rapidement oublier les bontés d’Hachem. Mais en prenant le temps de contempler ce qu’Il a fait en notre faveur, nous réussirons à être plus confiants et sereins durant les moments difficiles.
[1] Dans cet article, nous n’aborderons qu’une question. Voir Ayeleth Hacha’har, Vayikra, 26:13, pour une autre interrogation.
[2] On pourrait avancer que ces promesses s’appliquaient aussi aux futures générations, qui n’avaient pas vu les miracles. C’est certes vrai, mais elles concernent également cette génération et il nous faut alors répondre à la question soulevée.
[3] Bamidbar, 11:5. Voir aussi Chémot, 16:2 -3.
[4] Voir Michoul’han Hagavoa, Bamidbar, p. 75 au nom du rav Zelig Réouven Bengis zatsal.
[5] ‘Hovot Halevavot, Cha'ar Habita’hon, Ch. 3.