« Tu feras ce qui est droit et bon aux yeux d’Hachem afin qu’Il te fasse du bien. Tu viendras, tu hériteras la terre qu’Hachem a promise à tes ancêtres. » [1]
Les commentateurs affirment que ce passouk, situé vers la fin de la paracha, nous apprend à aller au-delà de la loi stricte [2]. Il montre qu’il convient d’éviter d’être médakdek (pointilleux, exigeant) sur la loi et qu’il vaut mieux être mévater (concéder) ce qui nous revient de droit dans certaines situations.
Par exemple : si quelqu’un trouve un objet qu’il a le droit de garder d’après la halakha, mais qu’il connaît son propriétaire, ‘Hazal estiment qu’il doit le lui rendre [3]. Aussi, si un terrain est en vente, les acheteurs potentiels doivent laisser la priorité à celui qui vit à proximité de cet emplacement, car c’est celui qui en bénéficiera le plus [4].
En réalité, il existe plusieurs cas qui demandent d’aller au-delà de la loi stricte – le Ramban écrit que la Thora n’en a pas fait une liste exhaustive, mais nous devons apprendre de ce passouk qu’il faut constamment s’efforcer de faire preuve d’empathie et toujours éviter de juger autrui sévèrement [5]. La guemara nous informe que le Beit HaMikdach fut détruit parce que les gens étaient trop exigeants [6]. Ceci semble difficile à comprendre. Le fait de ne pas s’arrêter à la loi stricte semble être un comportement positif, mais optionnel, une exigence.
Pourquoi le peuple juif mérita-t-il une sanction si dure pour son manque de clémence ?
Ce manquement indique en réalité une faille profonde dans la avodat Hachem (le service divin) de la personne. Mon rav, le rav Its’hak Berkovits chlita explique (sur la base du commentaire du Ramban sur ce passouk) que « véassita hayachar véhatov » est l’équivalent de « kédochim tihyou » (l’obligation d’être saint) dans le domaine du ben adam la’havéro (les relations avec autrui) : le Ramban souligne, dans parachat Kedochim, qu’une personne peut respecter toutes les mitsvot et rester ménouval birechout haTorah – c’est-à-dire que même sans transgresser de avéra, elle ne cherche pas à s’élever dans les domaines appelés réchout, comme l’alimentation ou le sommeil.
Elle croit en la véracité de la Thora et estime donc qu’elle doit être respectée, mais elle ne se soumet pas à son mode de vie. Elle ne souhaite pas grandir spirituellement ; ses objectifs sont très matériels, elle désire satisfaire ses désirs physiques et accumuler des richesses [7].
Il en est de même dans le relationnel. Un homme peut reconnaître la nécessité de respecter les lois de la Thora, mais ne pas vouloir intérioriser les hachkafot (conceptions, visions du monde) qui se cachent derrière elles. Ainsi, il adhérera à la loi stricte, mais dès qu’il aura la possibilité de gagner de l’argent (d’une manière permise), il saisira l’occasion. La mitsva de faire « ce qui est droit et bien » montre qu’il commet une erreur monumentale ; il doit aller au-delà de la loi stricte, juger les autres favorablement et ne pas être constamment exigeant.
La Thora nous demande de développer une ahavat Israël sincère et de considérer autrui comme on voudrait être traité – avec indulgence et compassion. Ainsi, si quelqu’un perd un objet de valeur, il convient de le lui rendre, même si l’on n’en est pas obligé ; si un indigent doit de l’argent à un Juif, ce dernier doit être conciliant et empathique.
Ceci nous aide à comprendre pourquoi la sanction fut si sévère lorsque les Juifs se jugeaient durement – ils ne tirèrent pas leçon du « hayachar véhatov » ; il n’est pas correct de traiter son prochain sévèrement, impitoyablement. C’est contraire à l’idéologie véhiculée par la Thora.
Les commentateurs posent une autre difficulté sur la guemara qui affirme que le Beit HaMikdach fut détruit parce que le peuple juif était inclément. D’autres guemarot avancent différentes raisons de la destruction : le meurtre, l’idolâtrie, la débauche, la haine gratuite [8]. Le rav Its’hak de Volozhin répondit à cette question à la suite d’un incident auquel il fut témoin.
Un homme qui avait calomnié son prochain était venu s’excuser une veille de Kippour. La victime refusa de lui accorder son pardon, sur la base de la halakha qui stipule que l’on n’est pas tenu de pardonner une calomnie. Rav Its’hak évoqua les guemarot mentionnées plus haut et expliqua que le Beit HaMikdach fut détruit à cause des terribles fautes énumérées. Il souligna toutefois que ‘Hazal nous informent que lorsque l’on juge autrui avec indulgence, Hachem agit « mesure pour mesure » et est clément, même lorsqu’il s’agit des fautes les plus graves. Cependant, quand Hachem voit que les Bné Israël se comportent sévèrement avec leurs prochains, Il agit en conséquence et décide de ne pas pardonner leurs manquements. Rav Its’hak dit donc à celui qui refusait d’absoudre son offenseur qu’Hachem agirait de la même manière à son égard. L’homme tira morale des propos du rav et pardonna au calomniateur.
Puissions-nous tous être capable de juger autrui de la façon dont nous voudrions être jugés et qu’Hachem agisse conséquemment à notre égard.
[1] Parachat Vaét’hanan, Devarim, 6:18.
[2] Voir Rachi et Ramban.
[3] Baba Metsia, 30b.
[4] Baba Metsia, 10a. Ce principe est appelé « din debar metsra ».
[5] Ramban, Vaét’hanan, ibid.
[6] Baba Metsia, 30b.
[7] Voir mon article sur Parachat Vayéra qui explique comment Loth incarnait cette dichotomie.
[8] La guemara de Baba Metsia n’explicite pas de quel Beit HaMikdach il s’agit.