Vers la fin de la paracha de cette semaine, Haazinou, Moché exhorte le peuple : « … Prenez à cœur toutes les paroles par lesquelles je vous admoneste en ce jour, et que vous devez recommander à vos enfants pour qu’ils observent et exécutent toutes les paroles de cette Thora. Car ce n’est pas pour vous chose indifférente, c’est votre existence même ! Et c’est par ce moyen que vous obtiendrez de longs jours sur cette terre, pour la possession de laquelle vous allez passer le Jourdain. » [1]

Rachi, qui rapporte les propos du Sifri, explique que Moché voulait montrer qu’aucun mot de la Thora n’est superflu, tout est de grande valeur. Il rapporte un verset apparemment insignifiant de la paracha de Toldot : « Les fils de Lotan étaient ‘Hori et Hémam ; la sœur de Lotan était Timna. » [2] ‘Hazal précisent que Timna, issue d’une lignée royale, était décidée à s’unir à la famille d’Avraham Avinou. Quand cela lui fut refusé, elle devint la concubine d’Elifaz, un fils d’Essav. C’est une preuve de la grandeur d’Avraham ; les rois et les seigneurs désiraient s’unir à sa descendance.

Le rav Moché Feinstein zatsal demande en quoi cet enseignement prouve qu’il n’y a rien de superflu dans la Thora et que chaque mot vient nous apprendre quelque chose. En quoi est-ce important de savoir que des rois non juifs voulaient que leurs enfants se marient avec ceux d’Avraham ?

La leçon est en réalité de taille ; cela montre qu’il ne faut pas abandonner tout espoir et penser que rien de ramènera à la Thora ceux qui s’en sont écartés. Grâce à une approche adaptée et un comportement qui montre la beauté du mode de vie de la Thora, même les personnes les plus éloignées peuvent faire techouva. Avraham incarnait ces deux aspects ; il déployait des efforts considérables à enseigner l’importance de la croyance en un Seul D., et son attitude témoignait de la justesse de ses convictions. Par conséquent, les personnes les plus distantes voulaient se joindre à sa famille.

On apprend ainsi qu’il ne faut jamais perdre espoir, mais plutôt être convaincu que nos frères juifs reviendront sur le droit chemin si on leur montre sa splendeur. [3]

Les grands érudits en Thora ont toujours fait tout leur possible pour émuler Avraham Avinou et pour rapprocher les gens d’Hachem, même quand leurs efforts n’avaient que de très faibles chances d’aboutir. Le célèbre maguid chiour, le rav Mendel Kaplan zatsal avait à cœur de se lier d’amitié, d’enseigner et de venir en aide aux Juifs laïques qu’il rencontrait. Il se consacrait à cette tâche aussi avec les enfants : une secrétaire non pratiquante de la yéchiva y emmena une fois son fils de neuf ans. Lorsque rav Mendel vit le jeune garçon jouer dans le couloir, il l’appela, montra du doigt un ‘Houmach et lui demanda : « Sais-tu ce que c’est ?

-          Bien sûr, répondit l’enfant, c’est une Bible.

-          Non, rétorqua rav Mendel, c’est un ‘Houmach. »

Il prit ensuite deux chaises et s’assit avec le garçon durant une heure, lui enseignant le ‘Houmach à un niveau que l’enfant pouvait comprendre et apprécier. Plus tard, ce jour-là, quelqu’un lui demanda pourquoi il avait consacré tant de son précieux temps pour un enfant de neuf ans. « J’espère que j’ai planté une graine qui fleurira dans quelques années » [4], fut sa réponse. Rav Mendel refusa de renoncer à cet enfant à cause de son manque de pratique religieuse. Il préféra fournir un effort qui semblait inutile et étudier avec lui, car il pensait aux éventuelles conséquences, à long terme.

Peu nous importe de savoir si ses efforts ont porté leurs fruits, ce qu’il faut retenir, c’est son attitude, son approche ; ne pas perdre espoir et vouloir faire tout son possible pour qu’aux yeux d’un Juif « non affilié », le judaïsme ait un goût agréable.

L’histoire suivante montre qu’on ne peut jamais savoir quel aspect de la Thora peut ramener quelqu’un sur le droit chemin. Une jeune femme juive, qui avait toujours vécu dans la laïcité absolue se mit à voyager à travers le monde.

Elle se rendit au Mur Occidental, où on l’entraîna, bon gré mal gré, à assister à un cours de Thora. Le cours en question portait sur la mitsva de hachavat avéda, rendre un objet perdu. L’exposé était assez intéressant, mais il ne la convainquit pas de changer son mode de vie, ni même d’assister à d’autres cours. Elle quitta Israël. Plus tard, elle voyagea vers l’Est et rejoignit une secte bouddhiste où elle devint la disciple d’un gourou. Un jour, alors qu’ils marchaient l’un à côté de l’autre, ils virent un portefeuille par terre. Le gourou le ramassa et poursuivit son chemin.

Surprise, elle lui demanda des explications et il répondit : « Qui trouve, garde. » Elle eut soudain un flash-back du cours qu’elle avait entendu plusieurs mois auparavant, dans lequel une tout autre approche était adoptée. Elle apprécia alors la sensibilité que la Torah manifestait pour les biens d’autrui. Elle réalisa que sa religion « de naissance » avait quelque chose de profond. Ce fut le début d’un parcours qui la mena vers son héritage juif.

Un verset qui nous semblait insignifiant nous a appris une leçon de haute importance — nous ne devons jamais perdre espoir et penser que notre prochain ne verra jamais la véracité de la Thora. Ceci nous force à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour planter des graines qui pourront faciliter son retour.


[1] Devarim, 32:46-47.

[2] Beréchit, 36:22.

[3] Darach Moché, Parachat Haazinou, Devarim, 32:47.

[4] La sagesse de rav Mendel, p. 258